« Tu veux bien prendre une douche ? »
Alvaro me regarde, inquiet. Il n'est pas soucieux, il ne se doute probablement pas de ce qui me préoccupe. Il sait simplement que je suis traversé par des pensées dont je me passerais. C'est pour cela qu'il est inquiet. Comment ne pas l'être quand on aime. On ne peut que s'inquiéter quand on aime.
« Hors de question que tu restes ainsi mouillé. Même si je peux ainsi contempler ton corps sous la chemise, et c'est plutôt agréable ».
Il ne dira rien de plus parce qu'Alvaro sait combien dans ces moments le sexe est le cadet de mes soucis. J'obéis donc paisiblement et laisse couler l'eau tiède sur ma peau. La transition est ainsi moins rude, au carrefour des gouttes froides de la pluie et de la chaleur écrasante de Rome.
Je sors de la salle de bains et ne peut éviter Alvaro qui me dévisage, assis sur le lit.
« Qui est le connard ? »
J'avale difficilement. Il n'aurait pas dû entendre.
« Et pourquoi le hais-tu ? »
Inutile de tenter de dissimuler quoi que ce soit à mon mari. Il saura me faire parler. Alors je lui dis. Je lui raconte le comportement outrancier de ce directeur. La manière dont il l'a qualifié. Le mépris qu'il a eu pour nous. Son homophobie à peine voilée. Son outrecuidance. Alvaro sourit, mais se crispe.
« Il ne doit pas te faire du mal.
— Je ne laisserai jamais personne ainsi traiter mon mari.
— Ton mari ou moi ? tente-t-il pour me faire sourire.
— Tu sais parfaitement que ce qui compte n'est pas ton statut. C'est juste toi. L'homme que j'ai épousé, certes, mais l'homme avant tout.
— Je ne veux pas que ce genre de mecs t'atteigne. Tu as connu tellement...
— Justement, Alvaro. Des années durant, des rumeurs, des mensonges, des calomnies. Tout ça pour m'empêcher de finir paisiblement mon cursus à Sciences Po. Puis de me classer correctement à l'ENA. Ou encore de progresser à la Cour des Comptes.
— Je n'ignore rien de tout cela, chéri...
— Les mettre de côté, ne pas y prêter attention était la seule manière de les éliminer. Mais dans un coin de mon esprit, ils sont encore là. Je ne veux pas que tu subisses la même chose.
— Je n'ai pas été calomnié.
— Non, on t'a attaqué pour ce que tu es, c'est encore pire ».
Alvaro s'avoue vaincu. Il sait que je demeurerai inconsolable pour ce soir. Comment pourrait-il en être autrement ? J'aime cet homme. L'attaquer est la meilleure des armes.
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Pour Les Medicis (B&B)
General FictionEliot Preston vient d'être nommé directeur de la prestigieuse Villa Medicis. Son compagnon, Alvaro, plus discret, moins explicite que lui, n'en reste pas moins son plus fidèle allié et soutien. Ensemble, ils débutent une nouvelle vie romaine, après...