Le jour tant espéré est arrivé. Alvaro me regarde au filtre du miroir et ne cesse de me complimenter, de me conseiller, de me proposer des ajustements. Il n'y a pas d'enjeux et, pourtant, j'étais sans doute moins tendu lorsqu'il s'est agi de présenter et défendre ma candidature à la direction de la Villa.
Nous descendons ensemble de la suite par l'ascenseur, permettant à mon mari de capturer mes lèvres quelques secondes après et avant que les portent ne se ferment et ne s'ouvrent. Main dans la main, nous parcourons le hall, alors que je n'ai qu'une envie, défaire encore un peu la cravate qui serre ma gorge.
C'est sous la haute escorte de mon compagnon que je me dirige, à pied, vers l'avenue Matignon. Nous en profitons pour observer le quartier, comme si nous ne le connaissions pas. Pourtant, nous l'avons fréquenté, ardemment. J'ai aimé vivre à Paris, malgré mes propos durs sur notre passé.
Je ne dois pas reprocher à la capitale d'être ce qu'elle est. Seuls coupables de mon amertume, certains parisiens doivent subir ma méprise. Ils sont nombreux, et j'en ai croisés à Sciences Po. Savent-ils seulement que je les déteste à ce point ? Je n'en suis pas sûr. Peu importe, je ne suis pas sûr qu'il soit de bonne augure de réfléchir à ces sujets en allant à l'Élysée.
Nous arrivons enfin sur la rue du Faubourg Saint-Honoré et Alvaro devra alors me quitter. J'interpelle un des policiers présents sur place pour qu'il ouvre le petit portail qui me permet d'atteindre les portes du Palais. Un gardien de la paix m'accueille et m'invite à me soumettre aux contrôles d'usage.
Un appel passé à un inconnu le fait apparaître en quelques secondes. Je suis accompagné à un étage et installé sur un banc en cuir. J'observe les lieux, les murs, regarde par la fenêtre. La cour du Palais n'a rien de classique, de traditionnel, d'ordinaire ou de banal. Elle semble interpeller tout visiteur, comme pour nous rappeler qu'ici toutes et tous ont marché.
Quelques talons aiguille attirent ma curiosité, tant les cliquetis se font rapides et rapprochés. Mon interlocutrice approche.
« Monsieur Preston ! »
La longueur de sa prononciation rend mon nom soudainement multisyllabique. Je lui souris et tends ma main, ferme. Je souris sans un mot.
« Après vous, mon bureau se situe juste ici ».
Classiquement, j'ai été installé au plus proche du lieu. Décisif ? Non. Simplement informatif. Nous verrons bien ce que je pourrai obtenir de cette entrevue. Je n'attends rien. J'ai simplement quelques mots à prononcer, quelques propositions à avancer.
« C'est un honneur de vous voir assis en face de moi, Monsieur Preston ».
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Pour Les Medicis (B&B)
General FictionEliot Preston vient d'être nommé directeur de la prestigieuse Villa Medicis. Son compagnon, Alvaro, plus discret, moins explicite que lui, n'en reste pas moins son plus fidèle allié et soutien. Ensemble, ils débutent une nouvelle vie romaine, après...