Nous nous sommes échappés le plus rapidement possible, tentant d'éviter les nouvelles questions des étudiants ou des enseignants présents. Visiblement, ô surprise, mon intervention n'a pas fait plaisir à la majorité. Sans doute ne s'attendaient-ils pas que je ne sois pas loyal envers eux.
Pourquoi aurais-je dû l'être ? L'ont-ils été ne serait-ce qu'une minute, qu'une seconde pendant que j'étais étudiant ? Ont-ils cherché à être là quand j'aurais eu besoin d'eux ? Assurément pas. Ce n'est désormais plus mon problème. Plus du tout. Je n'ai aucun remord sur mes propos.
Alvaro avait réservé un taxi pour me permettre de repartir aussi furtivement que je n'étais arrivé. J'ai poliment salué, sur la scène, les organisateurs ainsi que la direction de l'établissement. Puis nous avons pris les mêmes couloirs. Ces couloirs-là, dans lesquels nous nous sommes rencontrés.
Sciences Po pourrait être un merveilleux souvenir après tout. C'est en partie grâce à cette institution que je suis aujourd'hui aux côtés d'Alvaro, pendant qu'il se débat avec la réservation qu'il a tenté de réaliser hier. Pourtant, je n'arrive pas à garder de cette école un heureuse image.
Je suis empêché d'aller plus loin dans mes réflexions quand le serveur nous accorde une table. Nous nous installons, permettant à l'amusement d'Alvaro d'enfin éclater :
« Quand tu m'as dit le pire, c'est ce que tu avais prévu ?
— Je pense avoir été plutôt léger et précautionneux, par moments.
— Juste par moments alors ! Tu as mis sur le banc de touche la plupart des enseignants et des dirigeants, tu en as conscience ?
— Je crois, oui. Et je suis plutôt satisfait à vrai dire.
— Méfie-toi, une fois ton mandat terminé, ils pourraient te contacter pour prendre la direction de l'école !
— Et pourquoi pas, après tout ?
— Ah non ! Maintenant qu'on est partis de Paris, ne me dis pas que tu songes déjà à y revenir ! »
Son sourire me permet de savoir qu'il ne fait qu'ironiser. Il a raison. Nous sommes partis pour enfin nous soulager de toute la lourdeur, de toute la lâcheté de la capitale. Je ne compte pas m'y projeter. Pas avant de longues années, assurément. Ou bien il faudrait que la proposition soit si incroyable que je ne pourrais la refuser.
Mieux, Alvaro aurait une opportunité ici. Je serais sans doute plus heureux s'il était appelé vers d'autres cieux, et que je n'étais pas la cause de ces multiples mobilités. Je sais qu'il n'en souffre pas, nous en avons suffisamment discuté. Ce n'est pas une raison pour le malmener de pays en pays, de ville en ville.
Même si, un jour, nous devrons bien retourner en Espagne.
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Pour Les Medicis (B&B)
General FictionEliot Preston vient d'être nommé directeur de la prestigieuse Villa Medicis. Son compagnon, Alvaro, plus discret, moins explicite que lui, n'en reste pas moins son plus fidèle allié et soutien. Ensemble, ils débutent une nouvelle vie romaine, après...