L'orage est extrêmement vif ce soir. C'est la première fois qu'il pleut sur Rome. Ou plutôt que je vois la pluie s'abattre sur Rome. Depuis les hauteurs de la Villa, plus rien n'est pareil. Il serait presque possible de voir les gouttes tomber sur chacun des monuments, sur chaque pierre, sur chaque place.
Les éclairs se multiplient et ils forment des triangles dont les pointes se rejoignent. La foudre frappe sans surprise les paratonnerres, mais une telle activité électrique a le don de me faire frissonner malgré moi. La pluie ne tombe pas encore sur les jardins de la Villa et je me refuse de rentrer à titre préventif.
J'attends donc que les nuages nous atteignent. Je les regarde, les observe, les défie aussi un peu. J'espère qu'ils viendront à ma rencontre, qu'ils ont prévu de mouiller la terre sèche sur laquelle je marche. Rome est aussi belle sous la pluie que sous le soleil. Les reflets donnent à la capitale une dimension tout à fait remarquable.
Enfin, voici que se déversent toutes les quantités d'eau que j'attendais. Ma chemise n'y résiste pas et très rapidement le tissu me colle à la peau. La couleur disparaît pour laisser apparaître mes formes, mon torse. Je suis transparent, à la vue de tous, complètement percé à jour.
Les éclairs illuminent le jardin et j'en profite. Jusqu'à ce que l'un d'entre eux frappe au-dessus de ma tête. Du moins est-ce l'impression que tout cela donne. Alors, d'un cri, comme une libération...
« Je vous hais ! »
Encore.
« JE VOUS HAIS ! »
Encore plus fort.
« Espèce de connard ! »
Une lumière apparaît au rez-de-chaussée de la Villa. Alvaro en sort, avec un parapluie. Il accourt vers moi tandis que j'aimerais crier encore et encore. Expier cette journée, mettre fin aux discours entendus, oublier les critiques envers mon mari.
« Tu es trempé, s'il te plaît, rentre avec moi ».
Il me couvre d'une veste et tente de me ramener à l'intérieur. Je ne refuse pas. Je le suis sagement. J'avais besoin d'hurler. C'est un moyen comme un autre pour expier ma haine.
Dans ce jardin, j'avais l'impression d'être le maître du feu. Comme si la foudre répondait à mes désirs. Comme si elle m'accompagnait dans mes pensées.
VOUS LISEZ
Pour Les Medicis (B&B)
General FictionEliot Preston vient d'être nommé directeur de la prestigieuse Villa Medicis. Son compagnon, Alvaro, plus discret, moins explicite que lui, n'en reste pas moins son plus fidèle allié et soutien. Ensemble, ils débutent une nouvelle vie romaine, après...