Le déjeuner a occupé une large partie de notre début d'après-midi, retardant de ce fait la réunion prévue avec nos collègues qui sont, comme moi, à l'étranger ou concernés par des affaires culturelles internationales. Hélène n'a rien voulu entendre et a pris tout le temps qu'elle désirait pour profiter de sa pause méridienne.
Mon amusement n'a eu de cesse de croître en découvrant la complicité naissante entre celle que je considère quasiment comme une amie et Alvaro. Ce dernier s'est confié à elle sans réserve, quitte à lui dévoiler qu'il comptait s'associer avec des grands noms de l'architecture pour fonder des cabinets internationaux.
Au-delà des avant-postes qui seraient présents dans l'ensemble des pays européens et occidentaux, à savoir ceux que nous avons ou allons visiter, son idée s'est précisée et je n'ai de cesse de l'encourager. Son nom est en lui-même une valeur ajoutée. Mais une valeur ajoutée n'est pas toujours une valeur intrinsèque.
En s'associant à des cabinets déjà existants, donc en prenant des parts qu'il faudra financer, ou bien en créant des cabinets à parts égales avec des collègues locaux, Alvaro fait de son nom une marque internationale. La levée de fonds dont il aurait besoin dans le premier cas l'inquiète, je le sais.
« L'architecture relève aussi du patrimoine national, Alvaro, ne l'oubliez pas.
— Elle essaie de le préserver et de continuer à le faire vivre, tout du moins.
— Vous n'avez pas saisi. Je suis convaincu que des fonds dédiés accepteraient de vous accompagner.
— Je ne cherche pas d'investisseurs, simplement un moyen d'étaler mes dettes.
— Et je connais un moyen d'y parvenir, me permets-je d'intervenir dans leur échange. Hélène, j'ai compris vos allusions.
— Nous avons des partenaires financeurs qui ont l'autorisation de se substituer à des banques, dès lors que les projets s'intègrent dans une orientation politique globale.
— Je ne veux pas être pistonné ! s'époumone Alvaro qui manque d'avaler de travers sa bouchée.
— Je vous ai dit que l'architecture était incluse dans les politiques culturelles, pas que j'allais signer un blanc-seing à votre nom. Je l'ai déjà fait avec votre mari ».
Je lève les yeux au ciel et boit une gorgée du cocktail de jus de fruits que j'avais commandé. Il est heureusement très doux et me permet d'accepter la pique acidulée d'Hélène. Alvaro essaie de dissimuler un petit sourire moqueur et je ne manquerai pas de lui faire la remarque.
Toujours est-il que nous sommes très en retard pour la réunion et qu'il nous faut accélérer. A la place de nos collègues, j'aurais déjà quitté la salle. Le grand salon en verre nous permet d'avoir une belle vue sur Paris. Je suis installé à la droite d'Hélène, en raison du statut de la Villa.
Peut-être un jour le serai-je pour d'autres raisons.
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Pour Les Medicis (B&B)
General FictionEliot Preston vient d'être nommé directeur de la prestigieuse Villa Medicis. Son compagnon, Alvaro, plus discret, moins explicite que lui, n'en reste pas moins son plus fidèle allié et soutien. Ensemble, ils débutent une nouvelle vie romaine, après...