J'avais négligé un aspect en choisissant ma garde-robe... Les talons de mes chaussures claquent sur les revêtements de la Villa. Aucune discrétion, une sorte de manifestation inutile. Alvaro adore entendre mes pas, pas moi. Je m'empresse donc d'avancer vers les moquettes et tapis pour étouffer le son.
J'entre dans mon bureau en frappant, ce qui fait sursauter mon prédécesseur. Nous échangeons quelques banalités et je lui confie combien je me réjouis qu'il ait accepté de rester à la Villa. Si j'avais été à sa place, après avoir assuré la direction pendant des années, j'aurais souhaité une promotion. Je ne sais où mais ailleurs.
Il redevient secrétaire général et sera un fidèle allié, je le sais. Pour l'heure, nous descendons pour rejoindre les pensionnaires qui m'accueillent avec des visages plutôt ouverts et sereins.
« Je ne compte pas discourir des heures sur mon arrivée ici, rassurez-vous. Juste vous dire que je m'efforcerai de maintenir le cap ouvert vendredi, à savoir continuer à rechercher les ressources qui vous seront utiles et à construire l'avenir de la Villa de manière collective et coopérative. En revanche, si vous avez des questions, je suis prêt à y répondre.
— On a entendu pas mal de choses sur votre passé, vous pourriez préciser ? lance spontanément la jeune femme devant moi.
— Je me suis formé à Sciences Po puis à l'ENA. Rien de bien remarquable pour un haut-fonctionnaire. J'ai rejoint la Cour des Comptes dès ma sortie de l'Ecole puis je me suis spécialisé dans la culture. Mes rapports et mes études ont, disons, détonné avec ce que mes supérieurs attendaient. Je porte une vision sacralisée de la culture. Pour autant, ce pas de côté ne m'a pas mis à la marge. Au contraire, assumer ma ligne a finalement plu. Au point où quelques élus ont repéré et ont réutilisé mes écrits. Ce sont ces mêmes élus qui ont parfois rejoint le gouvernement. Et voici comment mon nom a pu circuler pour arriver jusqu'ici.
— Vous ne ressemblez pas au bureaucrate tel qu'on peut les imaginer quand ils ont fait l'ENA, me lance-t-elle en faisant rire la salle.
— Parce que je ne me définis ni par mon école, ni mon statut – j'étais magistrat financier, après tout –. J'ai des idées assumées. Rien d'autre.
— J'ai une question ! s'amuse un autre pensionnaire. Pourquoi ces animaux ? »
Alvaro a raison, finalement, mes chevalières marquent.
« La raison risque de vous décevoir : parce qu'ils étaient disponibles. Outre le fait qu'ils ont une attache antique que j'affectionne particulièrement.
— Vous allez vous plaire ici alors.
— Tout comme mon compagnon qui...
— Est expert de la fusion architecturale historique et moderne ! me coupe ce même pensionnaire.
— Bien, je crois que vous aurez l'occasion d'échanger sur le sujet avec lui autant que vous le souhaitez ! »
Un rire généralisé gagne les artistes présents. Mon mari est un atout indéniable dans ma prise de fonctions. C'est jubilatoire.
VOUS LISEZ
Pour Les Medicis (B&B)
General FictionEliot Preston vient d'être nommé directeur de la prestigieuse Villa Medicis. Son compagnon, Alvaro, plus discret, moins explicite que lui, n'en reste pas moins son plus fidèle allié et soutien. Ensemble, ils débutent une nouvelle vie romaine, après...