J'avance doucement. Difficile d'agir sans être sur place. Mais j'avance sur la piste dont nous avons parlé. Et je vous envoie un de mes collaborateurs. Il sera là sous peu. Il est parti hier soir. Ne vous inquiétez pas, cela ne vous coûtera pas plus cher. Je vous dois bien ça.
Le message de Samuel est à la fois intéressant et inutile. Je veux des résultats rapides. Je veux savoir qui agit ainsi. Qui cherche à salir à ce point mon nom. Celui-là même qui est aussi celui d'Alvaro. Chaque jour qui passe, la grogne monte un peu plus de mon côté. Pourtant, je suis contraint à un silence désagréable.
Du côté des officiels, j'essaie de paraître serein. Il serait absurde, alors que tout se passe à merveille et qu'ils me soutiennent, que je vienne semer le doute. Du côté d'Alvaro, je suis incapable de maintenir le masque. Il sait que je ne reste pas inactif. Il sait aussi que me demander serait vain en ce moment.
Il a néanmoins trouvé de merveilleux moyens pour me détendre et parvenir, ne serait-ce que quelques minutes ou quelques heures, à me faire oublier la pression et la tension qui m'habitent. Hier soir, il m'a amené dans le quartier de la pyramide, sans que je ne sache qu'il s'agissait du fameux Gay Village dont nous avions eu vent.
Finalement, le lieu est bien différent de tout ce que j'avais pu imaginer. Je croyais entrer dans une bulle LGBT, dans laquelle il serait possible de respirer pour tous ces jeunes enfermés dans les préceptes religieux dont la ville est de fait la messagère. En réalité, il ne s'agit que d'une forme de festival à ciel ouvert.
Au moins sont-ils en sécurité à cet endroit. Nul ne viendra leur faire de mal. Du moins durant la soirée. En revanche, une fois la nuit bien avancée, les transports ne sont en rien en la faveur des festivaliers. Quelques bus, parfois, permettent de regagner le cœur de Rome. Nous étions en taxi deux places, sans quoi j'aurais bien volontiers payé la course à d'autres personnes sur le retour.
Je ne sais plus exactement quelle heure il était. Je sais juste que j'ai passé une excellente soirée. Je me suis amusé à voir Alvaro danser sur la piste, tandis que je n'avais qu'une envie, le regarder. Une drag-queen proposait aussi un karaoké dans lequel nous avons failli être invités. Nous étions fort heureusement assez proches pour qu'il puisse m'attirer au loin.
Point de photographes ce soir. Pourtant, nous n'avons cessé d'être collés l'un à l'autre. Peut-être parce qu'effectivement, ici, point de risques, point de menaces directes. Tout ce qui compte pour moi dans ces moments-là, c'est d'être avec lui et de m'assurer qu'il se sente bien dans mes bras, sous le ciel d'Italie.
Sans doute est-ce pour cette raison que je réagis aussi fortement et aussi violemment à la situation actuelle. Aurais-je cherché à comprendre la source de ces photos si j'avais été seul ou avec un autre ? Quand je regarde dans ces yeux, je n'y vois qu'une douceur et de la volonté. Impossible de laisser quiconque brouiller ne serait-ce qu'une seconde cette image.
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Pour Les Medicis (B&B)
General FictionEliot Preston vient d'être nommé directeur de la prestigieuse Villa Medicis. Son compagnon, Alvaro, plus discret, moins explicite que lui, n'en reste pas moins son plus fidèle allié et soutien. Ensemble, ils débutent une nouvelle vie romaine, après...