Chapitre 6 - 3

199 26 2
                                    

L’événement ne désemplit pas, bien au contraire. Dès notre arrivée, à peine mon nom prononcé, des hôtesses se sont empressées d’aller prévenir les organisateurs. Alvaro et moi avons conscience qu’il s’agit d’une sorte de grand saut pour nous. Je dois être à la hauteur si je tiens à représenter dignement la Villa.

La réception est on ne peut plus classique. Nos hôtes n’ont pas manqué de venir échanger quelques polis mots avec nous, puis nous ont présentés aux différents acteurs de la culture romaine. Les échanges avec la directrice du Teatro dell'Opera di Roma se sont avérés passionnants. Nous nous sommes promis de nous revoir, après un traditionnel échange de cartes de visite.

Une fois les ténors de la vie culturelle rencontrés, ce sont les artistes qui se sont peu à peu présentés à nous. Un groupe, en particulier, est venu à notre rencontre. Tous une coupe de champagne à la main, je détecte rapidement chez eux un comportement anormal. Si Alvaro m’entendait, il s’époumonerait contre moi.

Toujours est-il que quelques signaux m’alertent et m’inquiètent. D’abord, la trop grande gazéification du champagne. Qui semble de surcroît venir de quelques traces au fond du verre. Surtout, je remarque chez deux d’entre eux des gestes automatiques. Une légère traînée poudreuse, même, au bord du nez.

Je déplore de tels comportements, mais me tais. Je n’ai rien à dire. Je crois que le cannabis est autorisé en Italie. Grand bien leur fasse. Je condamne, mais dans mon esprit uniquement. Je sais d’ailleurs que je ne suis pas le seul. Alvaro n’a jamais hésité à envoyer en cure de désintoxication toute personne qui travaillait avec lui et montrait des signes d’addiction.

Hélas, il a fallu qu’ils ouvrent la bouche :

« Vous êtes Eliot Preston, non ?

— Lui-même, répond sèchement Alvaro.

— Non, pas toi, lui. T’es qui, toi ?

— Son mari.

— Oh, son mari. Que c’est convenu.

— Pardon ?

— Oui, on se marie, parce qu’on s’aime pour la vie. Vous savez, c’est fini tout ça. Surtout quand on est gay. Faut se mettre à la page.

— Et qu’est-ce donc qu’être à la page, selon vous ? poursuit mon bouillonnant architecte.

— Déjà on ne se marie plus.

— Merci de cette belle démonstration.

— Attendez ! Et aussi ! On couche indifféremment. A plusieurs aussi. Et surtout on ne pense pas à tout ça. L’engagement, c’est bien, mais c’est compliqué ».

Je le sais respectueux des idées de chacun. Si tenté que l’on respecte les siennes. Et je prends toute divinité à témoin, Alvaro est tout particulièrement attaché à l’engagement qu’il a pris envers moi. Alors, sans autre réponse, il se saisit de mon bras, m’embrasse dans le cou et m’emmène loin d’eux.

Pour Les Medicis (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant