Chapitre 7 - 3

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En attendant, je prends soin de mon mari et décide que nous allons déjeuner ensemble ce midi. Je réserve un restaurant non loin de la Villa, quitte à épouvanter mon secrétariat qui découvre que le directeur est capable de se charger lui-même de tâches logistiques. Certains manquent donc d'éducation et confient leur sphère privée à des collaborateurs chargés de leur vie professionnelle.

Je quitte mon bureau et retrouve Alvaro en pleine lecture, prêt à manger quelques fruits, sans douter pour terminer son petit-déjeuner. Je les lui ôte de la main – et de la bouche, donc –, quitte à susciter l'incompréhension ainsi qu'un peu de colère. Un vrai félin à qui nul ne doit retirer son festin.

« Ce midi, nous déjeunons ensemble pour me faire pardonner mon absence ce matin. Alors cesse de grignoter.

— Ce ne sont que des fruits.

— Peu importe.

— Tu n'as pas besoin de te faire pardonner, je ne t'en voulais pas.

— Laisse-moi trouver une excuse pour passer du temps avec toi ».

Je retourne à mes occupations en attendant que l'heure attendue arrive. Nous nous y rendons à pieds, silencieusement. Alvaro était en pleine lecture et je pense encore à mes dossiers. C'est une fois installés que nous commençons à pleinement échanger.

« Je voudrais que tu rencontres les pensionnaires de la Villa assez rapidement, si tu es d'accord.

— En fait, tu avais des demandes à me faire, d'où ce déjeuner.

— Etant donné que je n'ai pas attendu que nous ayons commandé, nous pouvons déjà partir, si tu le penses.

— Rabat-joie ! »

Une des premières leçons apprises au sujet d'Alvaro a toujours été de lui tenir tête. Il est brillant mais malicieux. Aussi amoureux soit-il, il ne cessera jamais de me taquiner et de me provoquer. Plus encore, je dirais que sa capacité à me titiller est complètement corrélée à son amour pour moi.

Je lui explique les raisons de ma demande, directement attenantes aux envies des pensionnaires eux-mêmes. Je ne lui cache pas non plus mon échange avec la Ministre, ni même mon souhait de défaire la mauvaise expérience d'hier soir. Il s'amuse d'un tel comportement protecteur.

« D'habitude, c'est moi qui dois te surveiller. L'inverse est plaisant.

— Je m'en voudrais que tu t'ennuies.

— Autant j'accepte que tu t'occupes de moi, autant je refuse que tu sois plus piquant que je ne le suis ! »

Il éclate de rire et bois quelques gorgées de son cocktail. Je crois que je ne demande rien d'autre que ce rire pour continuer à vivre dans cette ville. Il n'y a rien de meilleur que de percevoir son bonheur.

Pour Les Medicis (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant