Temple d'Arawn, planète Altaïs, système de Seth
Les étoiles brillaient comme des pierres précieuses jetées par une main fière et négligente sur un drap de velours. La couronne d'Anwë, dont la gemme la plus éloignée, l'astre Silevril, « gloire de la foule des étoiles », scintillait « d'une lumière au pouvoir mystérieux ». C'était là la signification de son nom, au départ : « celui en qui scintille une lumière au pouvoir mystérieux », la « forme cristalline brillant à l'intérieur d'une nova ».
Silivren s'arracha à la contemplation du ciel et balaya du regard la scène apocalyptique autour de lui. Comme toujours après un massacre, il avait peine à croire que cette boucherie soit de son fait. Mais c'était le cas, pourtant. Telle était sa voie, et il y avait peu d'espoir pour que ça change. Même s'il parvenait à mener à bien sa quête, il resterait marqué à jamais. Son corps n'était qu'un véhicule, celui que le sældar avait choisi. Et son utilité se terminerait avec sa mission.
Ces humains l'avaient attaqué sans sommation, dès qu'il avait mis un pied en-dehors du temple. Par bonheur, il avait réussi à récupérer son équipement, pris sur le corps momifié d'un congénère qui avait tenu le rôle du sældar avant lui. L'armure, et le masque, s'étaient immédiatement adaptés à sa morphologie. Mais le temple était maudit, souillé par une présence insidieuse et morbide. L'Adversaire était passé ici. Les traces étaient récentes... Śimrod avait donc échoué, ce dont il s'était, au fond, toujours douté. Mais Silivren, à côté d'un corps artificiel humain et de diverses machines, avait trouvé un cheveu, long et clair. Désormais, il connaissait son odeur, celle de sa nouvelle incarnation. Ce serait plus facile de le traquer.
Si ces idiots d'adannath cessaient de l'attaquer.
S'accroupissant auprès d'un cadavre, il entreprit de fouiller l'équipement du soldat, dans l'espoir d'y trouver quelque chose pour se sustenter. Il aurait pu manger le corps encore chaud de cet humain, mais il lui répugnait de se nourrir des adversaires qu'il avait tué sur le champ de bataille. Même si son myocarde, rouge et à nu dans la cage thoracique, semblait fort appétissant, il sut résister à la tentation, comme le sidhe discipliné qu'il était. À la place, il récupéra des barres de rations qu'il glissa dans son shynawil. Puis, toujours accroupi, il décrocha le bas de son masque – l'atmosphère était respirable – et commença à en manger une. Le goût était satisfaisant : examinant l'emballage entre ses longs doigts pointus, Silivren discerna l'image d'un fruit jaune en forme de croissant, qui ressemblait plus ou moins au symbole héraldique de la cour de Dorśa. L'association d'idées l'amusa, amenant un petit sourire sur ses lèvres. Nul doute que ceux de Dorśa, qui se croyaient même supérieurs à tous les autres ædhil, détesteraient être associés aux humains, et plus encore à ce fruit jaune.
« Ba-na-ne », déchiffra-t-il, puisant dans sa mémoire pour retrouver les caractères humains qu'il avait appris de Myrddyn. La graphie avait un peu évolué depuis, mais pas tant que ça. Les systèmes graphiques humains, quels qu'ils soient, restaient toujours infiniment plats, simples.
Son panache, plaqué entre son armure et son shynawil, le démangeait : il le déplia donc et la secoua plusieurs fois. Il le fit onduler légèrement, satisfait, tandis qu'il entamait une deuxième barre. La nuit dernière, il avait rêvé qu'il ne l'avait plus : ce rêve l'avait grandement perturbé, et il avait dû en sortir pour vérifier que son appendice caudal qui était à la fois sa fierté et son fardeau, se trouvait toujours bien enroulé autour de lui.
Machinalement, son regard se posa sur l'un des agglomérats de guerriers humains. Un mouvement avait attiré son œil sur ce tas de cadavres et en effet, l'un des soldats qu'il avait neutralisés s'était relevé. Pour une raison inconnue, ce dernier avait échappé au massacre. Lourdaud et malhabile dans sa grosse armure, il le menaçait, pointant l'une de ces armes humaines peu prestigieuses sur lui. Silivren continua à le regarder en silence, mais il s'était arrêté de manger. Peut-être que ce guerrier allait s'enfuir. Peut-être qu'il allait le laisser s'enfuir. Peut-être pas.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Science Fiction"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...