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Jungkook replace ses mèches de cheveux mais le vent d'hiver prend un malin plaisir à les défaire dès qu'il les lâche. Il finit par abandonner et rentrer ses mains dans ses poches pour ne pas avoir plus froid que ce n'est déjà le cas. La rue déserte laisse le vent frigorifique s'engouffrer entre les maisons et fouetter les arbres nus. Le ciel uniforme, aux nuages d'un gris délavé forme un dôme et limite la vision. On est obligé de regarder le bitume, le visage griffé par le froid, les yeux éblouis par cette étendue uniforme et éblouissante comme un soleil. Jungkook n'a pas encore tout à fait décuvé de son vendredi soir, c'est pour ça que la lumière crue lui paraît si insupportable. Ses yeux pleurent à la moindre surexposition et entrainent son estomac dans des looping fort désagréables. Il sent que la mélasse noire et gluante de son corps tente de changer la disposition des plans : son cœur lui tombe dans les talons, son estomac remonte dans sa gorge et ses boyaux déjà bien serrés tentent une organisation plus minimaliste encore. Tous ces désagréments ne l'empêchent pas d'être là, mais dans les poches de son blouson noir et doré, pantalon en gros jean droit sur ses vans montantes, skate dans une main, sac à dos dans l'autre.
Jungkook n'est pas encore rentré chez ses parents. Il ne craint pas l'engueulade comme Jiho ou Dahko. Il se place du côté de Yoongi, de ces enfants qui vivent trop vite seuls. Il pourrait y retourner, vider un placard et disparaître sous sa couette tout le reste du saint dimanche. Sa mère viendrait peut-être dans la soirée lui rappeler pour la millième fois que son alimentation est dangereusement déséquilibrée pour un sportif.
Jungkook avait préféré comater un long moment dans le lit de Yoong, collé à ce dernier et ne s'était levé que pour tenter de vomir et boire des bouteilles d'eau. Son corps était à l'état de liquide, son cerveau ne fonctionnait pas convenablement et Jungkook avait cette désagréable impression persistante que tous ses organes allaient le quitter par quelque moyen que ce soit. Il était donc passé chercher des bières au supermarché, des carottes crues pour Taehyung et se tenait là, face à la porte.
« Hey mon prince, t'es pas chez toi ? »
Il souffle comme il peut sur ses phalanges bleuies. Le froid saisissant à fait disparaître ses jambes et son visage, bientôt il l'engourdirait tout entier et Jungkook fusionnerait avec le perron de la petite maison.
« Non, désolé ! », Taehyung cri, sa voix couverte par un son de pop américaine assourdissant.
« Je suis devant chez toi enfaite.
- Devant chez quoi ?
- Devant chez toi ! Genre devant la porte. T'es où ?
- Je suis pas là, rit Taehyung.
- Ouais... j'avais cru remarquer », Jungkook renifle, « tu rentres quand ?
- Heu, pas tout de suite ! », le combiné s'éloigne dans un grésillement mais Jungkook discerne le « j'arrive, j'arrive ! », « écoute, il y a les clefs, derrière la maison à oiseau en haut du sapin. Tu montes sur la première branche de droite et la troisième de gauche. Et tu les remets après. Fais-comme chez toi ! Pleins de bisous ! Je t'aime ! »
Jungkook observe le téléphone, ses doigts ont eu le temps de se transformer en cristal et il craint de les perdre s'il tente le moindre mouvement. Devant la maison, dans le jardin étriqué, le seul arbre : un grand cèdre qui tutoie les câbles du réseau électrique, se balance lentement au gré du vent violent. Jungkook craque sa nuque, il n'a pas toute sa tête, a oublié les branches sur lesquelles s'appuyer à l'instant où il a raccroché le combiné. Il va aller chercher ces foutues clés, et Taeyung ne lui en voudra pas trop de les remettre là le lendemain. Jungkook a besoin d'une bonne douche bouillante et d'un lit, pas de se la jouer the revenant.
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Pʀᴇᴍɪᴇʀ Aᴍᴏᴜʀ |TaeKook| ★
FanfictionUn Taehyung curieux des relations amoureuses et un Jungkook étonnement prêt à jouer les professeurs.