67 - Lᴇ ᴅᴇ́sᴇsᴘᴏɪʀ ᴅᴇ ʟᴀ ʟᴜɴᴇ﹐ ᴛᴏᴜʀᴍᴇɴᴛs ᴀϙᴜᴀᴛɪϙᴜᴇs

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Hoseok a envie d'une clope. Ou d'envoyer un message à Yoongi. A défaut de pouvoir soulager son premier désir, il envoie un message bref : « j'ai envie d'une clope », qui reste sans réponse cinq minutes après. Toujours dépourvu de tabac, il bat des jambes, croise et décroise les bras, referme son blouson, joue avec la fermeture et se résigne à envoyer un message sobre et poli à cette jeune femme de la soirée du premier de l'an. A défaut, peut-être qu'elle ne dormira pas.


« Je t'ai entendu descendre. »

Hoseok lâche son téléphone sous la surprise et fait un saut de puce. Le nouvel arrivant rit de bon cœur, une main devant la bouche, d'un rire si étrange qu'il entraine Hoseok avec lui.


Une fois calmé, il s'assoit à son tour et étend son plaid sur leurs jambes.

« Désolé, je ne voulais pas te faire peur. Tu n'as pas froid ?

- Pas tant que ça.

- Tu as de la chance.

- Je n'y pensais juste pas. Au froid... », il précise, « donc, ça n'existe pas.

- Si les choses étaient aussi simples... »


Jin, parce qu'il s'agit de lui, reporte son regard sur le ciel noir de nuages. Les luminaires de la ville dessinent de longs bras crochus sur les pelouses rases. Il est loin le jardin immense, bordé de sapins dont les branchages se découpaient comme des brasiers et léchaient la lune. Loin les hiboux et les chouettes, les craquements de la forêt, tout son murmure lyrique. Ici une voiture passe au loin toutes les dizaines de minutes, un chat feule et revient le silence, celui de béton, la muette amertume des villes.



« Ça va ? C'est pas trop dur de revenir en France ?

- Je n'ai vécu qu'à Paris. Je ne connais pas le reste et je n'étais qu'avec des élèves français à St Pétersbourg, ou presque. Je ne suis pas dépaysé.

- Même pas un peu ? s'étonne Hoseok, les yeux rivés sur les lampadaires.

- Si. Mais à quoi bon le formuler. »

Hoseok ne renchérit pas. Il n'a rien à dire. A la place il ferme les yeux et accepte la caresse saisissante du froid sur sa joue.


Il ne sait pas combien de longues minutes il reste, allongé dans l'entrée, les jambes repliées sur les marches. Jin finit par allumer son téléphone, la lueur blafarde et crue de ce dernier accentue les volutes de ses cernes.


« Je peux mettre de la musique ?

- Fait. »

Hoseok ne rouvre pas les yeux.


« Johnny Goth. C'est un gars que j'ai découvert en cherchant des reprises de Britney Spears. J'adore Britney ! J'ai acheté tous ses albums, d'ailleurs je les ai ramenés. »

Il a beau chuchoter, son intonation ne masque en rien toute son excitation. Cette passion étrange fait naître un mince sourire sur les lèvres fatiguées d'Hoseok.



« Je ne sais pas si mes parents feront suivre le reste de mes affaires resté à St Pétersbourg, ici ou à Paris dans leur appartement d'appoint. Je dis appoint parce que je n'y ai sûrement pas de chambre. C'est un dortoir », il rajoute, « sophistiqué, mais un dortoir. Je ne sais pas si c'est débile, je vais le dire quand même, parce que c'est de cette façon que sont les choses pour moi. Tu vois le ciel, qu'importe où tu te trouves sur la planète, la voute céleste est toujours là, mouvante et inchangée à la fois. C'est là qu'est ma maison. Partout je vois les gens se construire comme des plantes, ils trouvent le meilleur coin de soleil et font des racines. Parfois cela échoue et, ballotés par les vents, ils se couvrent d'épines. Je ne suis pas terrestre, j'ai été éduqué en étoile : un astre mort qui finira par s'éteindre, dont la brièveté de l'existence n'est pas calculable. Pour les êtres de racine c'est la mort la fin de tout, plus ou moins bien sûr. Mais pour moi ce sera la fin de mon éclat. Lorsque je ne brillerai plus, je n'existerai plus. »

Pʀᴇᴍɪᴇʀ Aᴍᴏᴜʀ  |TaeKook| ★Où les histoires vivent. Découvrez maintenant