25. Réminiscences et retrouvailles (partie 2)

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Mais alors qu'il n'était plus qu'à quelques mètres, le jeune agitateur changea brusquement de couleur et tenta de faire volte-face. Une voix de stentor résonna derrière Ibsen et Hélène qui se retournèrent pour découvrir Jack Woodward, les poings sur les hanches.

« Alors, gamin, toujours à faire le guignol sur les tas de foin ? » s'exclama le bandit et Galaad vira au rouge sombre.

Jack avait probablement une dizaine d'années et une tête de plus que Galaad, ainsi qu'un sourire goguenard des plus provocateurs. Le jeune révolutionnaire revint vers eux et affronta son agresseur, le regard noir. Autour d'eux, les convives s'étaient tus, mais la tension était plus amusée qu'inquiète.

« Et j'ai ouï qu'on te surnommait le Lièvre ? La bestiole qui s'enfuit le pompon entre les guiboles ? C'est un succès, mon ami, vraiment, une telle réputation ! » continua le rouquin.
Galaad bouillait de colère et Hélène grimaça en le voyant perdre son sang-froid.

« C'est toujours mieux que le Taureau... gronda-t-il d'une petite voix tout juste maîtrisée.

— Oui, enfin, au moins le Taureau a des couilles, petit, et une sacrée paire ! renchérit Jack, toujours hilare.

— Mais il a des cornes aussi. » lâcha Hélène.

Un silence suivit sa déclaration et Jack Woodward se tourna vers elle, les sourcils froncés mais le sourire toujours aussi radieux. Hélène le défia du regard. Le retour d'Ibsen avait des propriétés fascinantes.

« Je ne crois pas que nous soyons accointés, damoiselle...

— Hélène.

— Hélène. Dois-je comprendre que vous vous alignez du côté de la dissidence ?

— Du côté de Galaad en tout cas.

— Misère, je ne saisirai jamais pourquoi toutes les donzelles fondent pour ce jouvenceau irritable. »

Il secoua la tête d'un air désolé.

« Les mystères féminins me sont inaccessibles.

— A ce sujet, messire... intervint alors Ibsen. J'ai une lettre pour vous. »

Jack s'interrompit et le dévisagea avec curiosité, semblant prendre conscience de son existence.

« De Cymbeline. » ajouta Ibsen en fourrageant dans sa besace.

Il en extirpa un pli scellé que Jack saisit vivement des deux mains, et ses pouces s'abandonnèrent un instant sur le parchemin. Hélène vit une émotion profonde envahir les yeux bleus du bandit, reconnut la tristesse qu'elle avait surprise sur les traits de la jeune musicienne, et fut touchée par cet instant de détresse. Une seconde plus tard, le bandit s'éloignait à grands pas, sans leur jeter le moindre regard.

« Saleté de type, grogna Galaad en soupirant.

— Il a l'air bien malheureux, murmura Hélène.

— Il n'avait qu'à y réfléchir avant de faire le mariole. » rétorqua le jeune révolutionnaire, reprenant petit à petit ses couleurs normales.

Ibsen semblait songeur et il n'en sursauta que davantage lorsque devant lui surgit Horatio, l'un des quatre conseillers de Kursha Tren, qu'Hélène avait aperçu plus tôt dans la journée. L'homme aux cheveux presque blancs avait un sourire réjoui et posa une main fraternelle sur l'épaule du jeune musicien.

« J'ai beaucoup apprécié votre interprétation, mon ami. Je connaissais d'autres versions de ce morceau mais votre coup d'archet donne de la vigueur à l'ensemble ! Etes-vous nouveau à Kursha Tren ?

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