26. Sus au Lièvre Sombre ! (partie 1)

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(Bon, de nouveau des soucis pour couper mon chapitre... dans la version originale, on est seulement dans le chapitre 3 😳... Donc un long aujourd'hui, et un court demain...)

***

Le soleil était apparu dès l'aube, resplendissant, comme s'il avait envie de repousser encore un peu l'hiver. Pourtant, l'air était vif, le vent frais, et Galaad frissonnait sous son manteau de laine verte, dissimulé dans une ruelle encombrée de sacs de sable et de barriques vides. A quelques mètres s'étendait l'esplanade des Autours, la place principale du quartier de l'Aigle, et une foule déjà compacte l'attendait. Il n'avait pas le trac, pas le moins du monde, mais il était fatigué. 

La chevauchée jusqu'à Gérébra avait été plus longue que prévu, Chevreuil avait buté sur une racine qui l'avait fait boiter, et Ran l'avait accueilli comme un malpropre, manquant le laisser dehors. Une belle journée, donc, mais il s'était déjà senti mieux réveillé et plus en verve. Il était seul, pour des raisons de sécurité, et Joao, Galehaut et Griselda s'étaient dispersés autour de la place, histoire de surveiller la populace et de signaler la sempiternelle descente de la milice. Il se dérouilla lentement les muscles. Il fallait toujours parler, puis courir. Galaad ne s'était jamais vraiment senti en danger, mais dans le même temps, il se doutait que tôt ou tard, les gardiens de l'ordre changeraient de tactique. A moins que, comme il le craignait parfois, personne ne se soucie réellement de ses discours. « Le peuple peut gronder, il ne tentera rien... » Il pouvait imaginer sans peine la reine tenir de tels propos.

Qu'elle pense ce qu'elle veut, songea-t-il.

Il sauta quelques fois sur place. L'arène l'attendait. Des centaines de visages. Des espoirs qu'il fallait révéler, entretenir, combler. Galaad n'avait pas les épaules très larges, mais il compensait par la foi absolue qu'il avait en son combat.

Prenant une bonne inspiration, il quitta sa cachette et entra sur l'esplanade. Son promontoire du jour était un empilement de tonneaux qui servaient d'ordinaire au transport de spiritueux. Il n'eut même pas besoin d'ouvrir la bouche pour que la foule se tourne vers lui comme un seul homme, que les acclamations fusent, que les regards avides se posent sur lui. Il sourit et leva la main, obtenant immédiatement le silence. Ils étaient peut-être un millier.

« Gérébrans, si aujourd'hui encore je m'adresse à vous, c'est parce qu'ensemble, nous devons agir. L'hiver est sur nous, dans quelques semaines la neige va envahir notre cité et nous paralyser pour de longs mois. L'hiver avec sa promesse de froid, de faim et de mort. Tous, nous nous apprêtons à affronter la bise, mais nous n'avons pas tous un toit... pas tous de quoi nous chauffer ou de quoi nous nourrir... Alors que les puissants se préparent à festoyer dans la chaleur de leurs palais, nous savons que le combat va commencer... Un combat pour la survie de chacun, de chacune, et la maladie... »

Il s'interrompit car un mouvement de panique venait de naître dans la foule, l'ombre d'un nuage, puis d'un deuxième, se dessinant sur les têtes affolées. Un grand vent se leva, en rafales irrégulières. L'horreur et un cri... Galaad leva les yeux vers le ciel au moment où un dragon fondait sur lui. Il n'eut même pas le temps de bouger qu'il était emporté dans les airs. Sous lui, les gens s'égaillaient dans tous les sens, terrorisés par une demi-douzaine de gros reptiles sombres, l'escadrille des chevaliers-dragons de Gérébra.

La serre droite du monstre s'était refermée sur Galaad, comme un étau rugueux qui lui broyait les côtes et le bras gauche, mais le jeune révolutionnaire ne perdit pas son sang-froid. Dégageant de sa main libre la dague qu'il portait à la ceinture, il entreprit de la plonger consciencieusement entre deux écailles, dans la chair tendre d'un tendon, et l'animal poussa un cri de colère, suivi de deux longues gerbes de feu. Sous eux, un toit s'enflamma. La créature ne desserra pas sa prise pour autant et s'éleva encore davantage. Galaad contempla le sol qui s'éloignait avec une pointe d'angoisse. Pourtant, son agresseur ne semblait pas savoir exactement où se rendre, il décrivait des cercles hiératiques autour de la place, croisant de temps à autre un de ses congénères et le saluant d'un rugissement tonitruant.

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