67. Expirations

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Désolée pour ce chapitre plein de violence presque gratuite... Il est peut-être un peu hors sujet... mais pour l'heure, je n'ai pas décidé de le jeter...

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La salle de la Poutre et le Tenon bruissait de conversations enfiévrées. L'hiver n'en chassait pas les habitués, même s'ils étaient sans doute un peu moins nombreux qu'à l'ordinaire. Le fumet du plat du jour, du chou farci au porc, flottait au-dessus des têtes, se mélangeant aux effluves capiteux des pipes. Une flambée chaleureuse, couvrant presque tout un mur, réchauffait les plus transis. Derrière son comptoir, Melvin servait ses clients, avec un mot amical pour chacun d'entre eux. 

Le sujet qui animait la plupart des tables était évidemment le départ des contingents militaires et les rumeurs de guerre allaient bon train. Bien que l'armée gérébranne soit un corps de métier, et que la conscription n'ait jamais existé dans le royaume, les hommes étaient inquiets. Si les forces bénétnashiennes n'étaient pas repoussées, chacun aurait sans doute à s'armer au moment du siège. Les légendes qui circulaient sur la barbarie de leurs voisins étaient nombreuses, et même le guerrier le plus aguerri tiquait en s'entendant narrer les atrocités dont on les disait capables. 

Les Gérébrans avaient toujours compté sur le caractère négligeable de leur royaume pour les protéger de la convoitise d'un envahisseur. Il semblait aujourd'hui que cette petite taille n'allait pas suffire à les protéger du pire. Melvin les entendait palabrer, gardant le sourire malgré tout. Certains avaient confiance en leurs troupes, d'autres parlaient de cataclysmes. Déjà, les plus nerveux envisageaient de quitter la ville pour gagner des villages éloignés, bien que la neige rendit l'exode dangereuse. Finalement, la plupart s'en remettaient à la bonne fortune, voire au général de Molwen, pour ceux qui osaient l'avouer en public, dans ce qui était somme toute un nid de dissidents. 

L'aubergiste échangea quelques mots avec la jeune fille qui lui donnait un coup de main en ces soirées animées, puis partit vers la cuisine, lui abandonnant un instant les clients assoiffés. La pièce était plongée dans l'obscurité, le service était terminé depuis peu et la cuisinière était rentrée chez elle. Melvin posa sa bougie sur la table où l'on préparait d'ordinaire les repas. Un claquement répétitif attira son oreille, puis son regard. La porte de derrière était entrouverte et tremblait dans la petite brise nocturne. Réfléchissant à la manière dont il aborderait le sujet avec la cuisinière dès le lendemain, il se dirigea vers elle. 

Approchant, il réalisa qu'il marchait dans quelque chose d'humide et baissa les yeux. A cet instant, il y eut un mouvement derrière lui et il se retourna. La lame le cueillit droit dans la gorge, s'y enfonçant avec une facilité déconcertante, lui tranchant les deux carotides d'un seul mouvement. L'agresseur fit un pas en arrière pour laisser tomber sa victime dans un gargouillis immonde. Puis il l'enjamba simplement, et regagna la rue. Et de un.


Mikah trouva son deuxième client de la nuit dans le lit d'une prostituée, dans un bouge du quartier du Dauphin. Comme ils avaient l'air de ne pas pouvoir se passer l'un de l'autre, il les épingla comme des insectes sur le matelas, puis enfonça une dague dans la nuque de Farro Tarvill, vendeur de bétail de son état, et organisateur de réunions clandestines. La fille s'en sortirait peut-être, mais c'était vraiment le cadet de ses soucis. 

Ensuite, il remonta le long de la Keflà, marquant le givre de ses empreintes, tranquille. Il s'arrêta face à une petite maison de pierres jaunes et s'appuya contre la porte, qu'il força dans un claquement sonore, lequel sembla se répercuter comme le son du glas, sur toutes les façades environnantes. Mais l'espion savait qu'il s'agissait là d'une simple impression : les endormis des alentours ne s'éveilleraient pas. Il disparut à l'intérieur. 

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