117. Temporiser avant d'agir

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Alecto, les cheveux roux ramenés en un chignon serré sur le sommet du crâne, contemplait Mikah avec une moue tout juste indifférente. Il la sentait dubitative. Mais c'était lui le chef, elle le savait. Les décisions lui revenaient, toujours, qu'elle les accepte ou pas. Elle ne connaissait pas tous les détails de la situation et il n'avait aucune latitude pour les lui expliquer. Pas avec le Gros et la Belette sur les talons. Les trois hommes avaient donc pris place autour du bureau de bois sombre, face à la jeune femme, et ils attendaient ses informations.

« Murmay... Oh. » commença-t-elle, les yeux légèrement écarquillés.

Mais Mikah resta impassible.

« Bien, la ville est au bord de la famine, mais elle pourrait encore tenir plusieurs semaines... Le baron Falcosi est très populaire auprès de ses ouailles et le siège est soutenu par toutes les forces vives de la cité. C'est un homme qui galvanise les foules, les gens veulent lui donner le meilleur d'eux-mêmes, continua-t-elle.

— Nous avons deux hommes dans son entourage, n'est-ce pas ? demanda Mikah.

— En effet, fit-elle, une lueur de défiance dans les yeux.

— Nous pouvons le faire supprimer, dit-il.

— En effet.

— A votre avis, cela affectera-t-il la manière dont le siège se maintiendra ? »

Elle passa la langue sur ses lèvres sèches.

« Sans nul doute. Le coup au moral de la population risque d'être terrible, murmura-t-elle finalement.

— Mais la fille aînée, Myra, est-elle toujours aussi semblable à son père ? continua Mikah.

— Oui, elle l'est.

— Mmm... Il faudra s'en débarrasser aussi. »

Alecto passa une main sur sa joue, vive, et acquiesça. Elle n'était pas contente. Soit.

« Quels sont les points faibles de la muraille ? »

Elle lui jeta un regard acéré, se pencha sur ses papiers, releva la tête, une fois de plus, puis sourit doucement, mais c'était un faux sourire, il le vit bien. Ses yeux étaient froids.

« La porte ouest est endommagée et c'est sans doute le lieu où une brèche peut être ouverte le plus facilement. Mais une infiltration d'eau au printemps passé a fragilisé toute la portion de rempart qui s'étend à droite de la rivière, sur environ trente mètres. Il ne faudrait pas grand chose pour que le mur s'effondre. » fit-elle, d'une voix blanche, regardant droit devant elle.

Mikah acquiesça en silence, songeur.

« Falcosi mort, la prise de Murmay devrait s'effectuer sans difficultés majeures. » dit-il finalement, jetant un coup d'œil au plus malin de ses deux homologues, le gros.

Ce dernier lui décocha un sourire satisfait.

« Alecto, faites préparer les ordres pour l'élimination du baron et de sa famille. Nous allons en référer au prince, puis vous aurez vraisemblablement le feu vert, dit Mikah en se levant.

— Très bien, maître. » murmura-t-elle, en baissant les yeux.

Abandonnant la jeune femme, il s'engagea dans le couloir qui menait à l'extérieur, suivi par les Bénétnashiens. Ils quittèrent la petite maison par l'arrière et remirent le cap sur la citadelle, à pas rapides, longeant les murs gris du quartier pétrifié. Proche du château, c'était l'un des plus silencieux depuis l'invasion, et Mikah se doutait que de nombreux citadins l'avaient déserté, comme si la distance allait les protéger des griffes des Bénétnashiens. Si seulement les choses étaient aussi simples.

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