97. Négociations (partie 1)

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En fin de matinée, Galaad se rendit aux écuries pour nourrir et abreuver Chevreuil et Caméléon. La blessure du hongre blanc semblait se cicatriser sans difficultés, mais le jeune homme n'osait pas réellement s'approcher du cheval auquel des yeux bleus presque transparents donnaient un air démoniaque. 

Alors qu'il balayait le crottin vers l'extérieur, une silhouette s'encadra soudain dans la porte et il s'immobilisa. Il leva les yeux pour découvrir le général de Molwen et eut un léger mouvement de recul. Ce dernier portait des vêtements manifestement prêtés par Galehaut, sous une cape de laine sombre, et sa mine, bien que pâle, était sérieuse. Galaad sentait qu'il le scrutait, enregistrant le moindre détail, avant de poser un jugement. 

Le jeune révolutionnaire se redressa, défiant. Il avait conscience de ne pas être exactement l'homme le plus impressionnant du monde, mais il n'entendait pas reculer d'un pouce. Il réalisa lui-même que son interlocuteur ne correspondait pas tout à fait à l'image qu'il s'en était faite au cours des années. Il était un peu moins grand, un peu moins large, son regard était moins dur, ses traits moins acérés. C'était toujours étrange de constater que de près, les gens sont un peu différents, un peu moins parfaits, un peu moins simples aussi.

« J'ai pensé qu'il pouvait... être bon que nous parlions un instant », finit par dire le général, d'une voix posée, sans agressivité, manifestement mal à l'aise lui aussi.

Galaad opina du chef, sans rien dire cependant.

« Je voulais d'abord... vous remercier de m'avoir accueilli sous votre toit. Je sais que je ne suis pas la personne que vous brûliez de rencontrer, et je le comprends. J'étais hier un maillon de la chaîne de l'oppression, je ne le nie pas. Mais je le regrette. »

Même si Hélène l'avait préparé à cette humilité, Galaad restait sur ses gardes. Il s'attendait à ce que le général lui rappelle à tout moment quels étaient leurs rangs respectifs, un peu comme l'amiral arrivait à le faire sans prononcer le moindre mot, par un regard, une attitude, un commentaire soi-disant léger. Mais Galaad ne lui avait pas encore vraiment parlé et l'évitait comme la peste. Le général était plus frontal que son associé.

« Sans parler de l'attaque de l'escadrille des dragons. Je ne l'ai pas voulue, mais j'en ai donné l'ordre. J'aurais préféré négocier avec vous dès le départ, mais j'imagine que c'était chose impossible. »

Il s'interrompit, ne sachant pas quoi ajouter.

« Vous n'avez jamais rien fait pour me prouver vos bonnes intentions, général », dit alors Galaad, poliment mais sans faire réellement d'ouverture.

Dimitri acquiesça.

« Je sais. J'avais besoin de temps. Enfin, je pensais avoir besoin de temps. Mais la reine a eu peur de mes bonnes intentions, et voici où nous en sommes... Vous avez sans doute eu raison de ne pas me faire confiance, Al Feratz seul sait ce qu'il aurait pu advenir de nous si elle avait eu vent d'un contact. »

Galaad haussa les sourcils, étonné par le tour que prenait la conversation, et posa son râteau contre le mur. Il frotta les paumes de ses mains sur son pantalon puis revint au visage marqué par la fatigue de son vis-à-vis.

« Que comptez-vous faire ? demanda simplement le jeune révolutionnaire.

— Essayer de reprendre le pays, j'imagine, répondit Dimitri, sans détours.

— Je vois », dit Galaad.

Il serra les lèvres et jeta un coup d'œil autour de lui.

« Vous ne verrez pas d'inconvénients à ce que nous continuions cette conversation au coin du feu ? demanda-t-il.

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