47. Cheminement

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Désolée pour le découpage et les titres pourris... Nous sommes en réalité tout juste entrés dans le chapitre 5, qui s'appelle "Escalade" ! 

***

Le voyage se déroula sans encombre. En milieu de journée, les soldats bivouaquèrent rapidement pour se restaurer, puis remontèrent en selle et repartirent. Ils débouchèrent hors de la forêt alors que le soleil s'apprêtait à disparaître, remontèrent vers le nord pendant près d'une heure encore, dans une pénombre de plus en plus froide, avant d'apercevoir leur destination. Au bout de la piste, nichée dans le creux d'une vallée, la petite bourgade d'Aryth s'étendait autour de la rivière Melmà, encerclée à l'ouest par Shallow, à l'est par les Montagnes Serpentines et l'impressionnant pic de l'Oeil. 

Protégée par d'épaisses murailles, cette cité d'apparence banale était le dernier bastion gérébran avant la frontière bénétnashienne, et un important centre militaire où étaient casernés environ mille hommes, comptant pour la moitié de la population résidente. Les grandes portes s'ouvrirent pour laisser entrer les officiers, tandis que le reste de la cavalerie s'installait au pied des remparts, pour y monter un campement de fortune. Hélène suivit donc le général et son état-major, imitant en cela les autres écuyers responsables de leur confort. Leur colonne remonta les rues terreuses sous les yeux blasés des habitants, jusqu'au fort qui occupait la butte au centre du bourg. Ils démontèrent dans la cour, où les attendait un petit comité d'accueil composé d'une dizaine d'officiers empressés. 

Après un échange rapide entre les généraux et leurs subordonnés, les gradés disparurent à l'intérieur du bâtiment. Quelques palefreniers locaux vinrent encadrer les chevaux gérébrans, indiquant à chacun un endroit pour caser son animal. Un jeune homme affable guida Hélène vers un box où elle put installer Harfang, puis retourna vaquer à ses occupations. La jeune femme dessella et débrida le destrier, contrôla bouche, sabots et le poil sur le passage de la sangle, puis le bouchonna rapidement, avant de partir en quête du Ténébreux. Elle le trouva dans un paddock, s'égayant tranquillement avec ses congénères : quelqu'un s'était déjà occupé de lui. 

Hélène s'autorisa alors un profond soupir. Elle était moulue des pieds à la nuque, et elle fit quelques mouvements pour se décoincer les muscles dans un début d'obscurité. Le général ne lui avait pas laissé d'instructions, elle ne savait donc pas si elle pouvait sortir ou si elle devait attendre un signe de sa part. Pas la moindre idée de leurs intentions. Allaient-ils rester à l'intérieur toute la nuit ? 

Elle se glissa jusqu'au chemin de ronde, sous le regard bienveillant de quelques gardes que l'animation distrayait, et embrassa l'horizon du regard. La butte du fort offrait une superbe vue sur la campagne environnante, dont on ne distinguait déjà plus que des ombres. Un long défilé s'étendait vers le nord et l'empire bénétnashien, large d'une lieue au plus, grêlé de collines parfois accidentées. Autour du petit château, la cité d'Aryth se déployait en cercles concentriques, bien ordonnée, aux antipodes du capharnaüm qu'était Gérébra. Mais Aryth était un bourg récent, construit pour abriter sa garnison et protéger la frontière. C'était avant tout un lieu fonctionnel, une sorte d'auberge à ciel ouvert pour les soldats, et l'improvisation chatoyante de la vie n'y avait pas de place. 

Pourtant, là encore, mille existences se pressaient. Hélène sentait battre une Crevasse, quelque part vers l'est, dans un quartier très éclairé dont s'échappaient des notes de musique gaillarde. Peut-être les tavernes. Sans doute les bordels. Elle soupira et retourna vers la stalle de Harfang, où il faisait moins froid. Le petit cheval s'était couché dans la paille et sommeillait tranquillement. La tentation était grande de l'imiter. Apparemment, les quelques écuyers gérébrans avaient rejoint leur chevalier respectif, et il ne restait qu'elle et les natifs du bourg. La nuit tomba sans que personne ne vienne à sa rencontre, et elle réalisa qu'on l'avait oubliée. Le ventre creux mais épuisée, elle finit par se rouler en boule dans un coin de la stalle et s'endormir.


La cavalerie gérébranne quitta Aryth le lendemain à l'aube pour aller installer son campement quelques lieues au nord, emportant au passage la plupart des hommes casernés dans la ville. Apparemment, un groupe d'environ mille Bénétnashiens avait pris position juste de l'autre côté de la frontière, et le général de Molwen entendait leur rappeler que Gérébra était une nation souveraine, dont on n'outrepassait pas les limites. Ils gagnèrent leurs positions à la mi-journée. 

La vitesse à laquelle le campement fut monté rappela Kursha Tren à Hélène. Mais le bivouac de l'armée n'avait pas le caractère chaleureux de la cité des bannis. Tout y était purement pratique, et la présence de soldats le rendait oppressant. La guerre était visible en tout, partout, dans les regards, les objets, les formes, les couleurs. Tant d'épées, tant de boucliers, et le gris des armures, des visages, de l'univers entier posé dans la neige glacée. Tout était sinistre. Hélène avait repéré la place centrale occupée par la tente brune du général et avait installé Harfang non loin, l'attachant tout simplement à un arbre tordu. Elle avait rangé le harnachement de la bête dans l'antichambre de l'habitation, sur une structure en bois qui semblait faite pour ça, n'osant pas aller au delà de la toile qui séparait le cagibi de l'entrée des appartements du chef de l'armée. Lui, elle l'avait à peine vu, sérieux, impassible, aux aguets. Dès qu'il avait mis pied à terre, il était entré dans la tente d'état-major, suivi de Tara et d'une douzaine d'autres gradés, et ils n'en étaient plus sortis. 

Une fois assurée qu'Harfang dormirait bien, protégé par une couverture épaisse, Hélène était allée se promener dans les allées du campement, à la fois curieuse et désoeuvrée. La priorité semblait au repos, aux préparatifs. Les chevaux se massaient dans plusieurs enclos enneigés. Les destriers qui avaient fait toute la route depuis Gérébra étaient particulièrement épuisés. 

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