115. Des ébats non consentis (mais utiles)

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Remontant les couloirs de la citadelle, flanqué de ses deux acolytes préférés, Mikah était moins tranquille qu'à l'accoutumée.

Si seulement les choses pouvaient tourner comme prévu juste une journée, juste une, bon sang, songeait-il avec mauvaise humeur.

Son entrevue avec le Prince bénétnashien avait été tendue, Alcyon l'avait menacé à demi-mot, lui promettant une découverte approfondie des méthodes de torture impériales s'il n'était pas en mesure de lui livrer quelqu'un, n'importe qui, au plus tôt. 

Le fiasco du temple lui était bien évidemment retombé dessus. Bien sûr, les Bénétnashiens étaient seuls responsables : comment ils avaient pu manquer l'acolyte du grand prêtre était un mystère, car Mikah savait qu'il était dans le bâtiment au moment où les soldats étaient arrivés. Ensuite, les services secrets leur avaient passé le relais, et ils l'avaient perdu. Eux, pas lui. 

Heureusement, la présence des quatre gardes pétrifiés dans l'impasse derrière la bibliothèque avait révélé l'action d'un magicien, du magicien d'Hélène, sans doute, et levé les soupçons qui pesaient sur la bonne volonté du maître espion. Mais Ruyven Manguean était en fuite et il fallait le retrouver, au plus tôt, au plus vite. L'exécution du grand prêtre était prévue pour dans trois jours, avec l'embrasement du temple. Si son acolyte le rejoignait sur le bûcher, Alcyon apprécierait. 

Hélène et Dimitri étaient toujours dans la nature et il pensait qu'ils avaient quitté la ville, sans doute pour gagner Kursha Tren. Il n'avait aucun moyen d'en être certain, mais c'était leur destination la plus logique. La fouille des Sangliers n'avait rien donné de nouveau : le Lièvre Sombre y était toujours, mais personne d'autre, bien que les Griffons aient détecté la présence du magicien. Une chance qu'il se soit justement trouvé au temple, sans doute. 

Mikah n'avait pas eu grand chose à proposer pour tempérer le prince : deux rassemblements en ville, rien de plus. Alcyon était à deux doigts d'ordonner la déportation massive des Gérébrans mais il hésitait. Mikah ne savait pas bien pourquoi, mais il en avait profité pour lui rappeler son ultimatum : il restait quatre journées complètes avant qu'il ne craque. Qu'il les lui laisse et ils en reparleraient. Un instant, Alcyon avait semblé sur le point de l'étrangler. Puis il avait reculé et l'avait congédié.

Le chef espion lâcha un léger soupir et se passa une main sur le visage, ce que ne manquèrent pas de remarquer ses deux gardes du corps, qui montèrent à sa hauteur.

« Vous êtes surmené, mon ami... susurra le Gros, faussement amical.

— Ça ira, merci, répondit-il froidement.

— Evidemment, personne n'aimerait tester les techniques de son Altesse, ajouta la Belette avec un sourire réjoui.

— Je pense que vous avez besoin de vous détendre. » reprit le Gros, en posant une main sur l'épaule du Gérébran.

Mikah s'immobilisa, tendu, et l'autre retira sa main, conscient d'avoir pris un risque.

« Ecoutez bien, tous les deux... » commença le maître espion, bouillonnant de rage.

Puis il expira, n'ajouta rien, et reprit sa route. Mais les Bénétnashiens ne se laissèrent pas intimider si facilement.

« Il lui faudrait une femme, je pense, en général ça calme les aigreurs d'estomac, railla la Belette, dans son dos.

— Ce n'est pas ce qui manque, dans les couloirs de ce château, répondit le Gros, intéressé.

— Se donner au chef des services secrets, ça doit garantir un certain statut, non ? »

Mikah se raidit à nouveau et saisit un mouvement dans le couloir qu'il venait d'atteindre, le froufroutement d'une étoffe verte et or, de l'autre côté du palier. Il s'arrêta et se retourna vers ses deux suivants, soudain presque souriant.

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