57. Les pots cassés

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Pas vraiment d'unité thématique, pour le coup... 

***

Galaad et Galehaut remontaient la rue des Furets côte à côte. La neige y était épaisse de plus d'un pied et leur allure était fortement ralentie. A dire vrai, ils pataugeaient plus qu'ils ne marchaient. Galaad broyait du noir, à la fois inquiet et fatigué. Sa fébrilité lui donnait de temps en temps des frissons, qui lui secouaient le corps entier, et il portait machinalement ses doigts à son visage, pour se toucher le front, ou l'arête du nez, tous les quelques pas. 

La vérité, il en était conscient, était qu'il avait envie de pleurer. Il n'était pas très fier de se l'avouer, et il ne se laisserait pas aller, mais s'il avait un besoin, un seul, c'était celui-là. Cette sensation oppressante dans les tempes ne s'en irait pas avant qu'il trouve le moyen d'exprimer un peu de son angoisse, mais en même temps, il avait la conscience aiguë d'avoir à résister. S'il craquait, qui sait quand il retrouverait la force de se mobiliser. En ces moments de faiblesse profonde, il repensait à son père, Arthur Ferwyn, qui avait eu les mêmes idéaux, et était sans doute mort pour eux. S'il avait été là, maintenant, Galaad savait qu'il n'aurait pas eu la force d'avancer, qu'il se serait niché dans ses bras, et qu'il aurait pleuré de tout son saoul.

Pensée malheureuse pour quelqu'un qui tente de garder sa contenance, songea-t-il alors que peu à peu, les larmes tentaient de briser le barrage de sa volonté.

Galehaut avait beau être la bienveillance faite homme, il ne le chargerait pas de sa détresse. Il prit une profonde inspiration et accéléra le pas. Son ami garda le rythme, puis finit par briser son silence.

« Gal, tu ne dois pas te rendre responsable de quelque chose qui n'est pas de ton fait. C'est exactement ce que certains espèrent. »

Galaad lui jeta à peine un regard.

« Je ne me sens pas responsable. Simplement... simplement, j'envisage...

— N'envisage pas. »

Le jeune révolutionnaire jeta un coup d'oeil à son ami. Ils se connaissaient depuis le début de leur vie, avaient joué ensemble sur les rives de la Keflà, dans les ruelles du quartier du Cerf, sur les quais, dans les marchés animés, les tavernes enfumées, les places encombrées. Galehaut l'avait toujours laissé faire. Toujours. Il avait haussé les sourcils, grincé des dents, parfois émis des réserves, mais jamais il ne l'avait ouvertement contraint à quelque chose. Il semblait se satisfaire de son statut d'ombre et de bonne conscience, voire de garde du corps. Galaad sentait que ce rapport était en train de changer, et cela l'inquiéta. Quelque chose était en marche, un seuil avait été franchi, leurs vies allaient être bouleversées du tout au tout.

« Je ne sais pas quoi faire... lâcha alors Galaad, et l'aveu lui sembla aussi nécessaire qu'il était pénible.

— Pas de choses précipitées, en tout cas. » lui répondit son ami en posant une main amicale sur son épaule.

Galaad frissonna tout entier, à nouveau. Curieusement, cette marque de soutien le faisait se sentir encore plus fragile.

***

Hélène finit par s'asseoir sur une botte de paille et poussa un soupir phénoménal. Elle avait mal à des endroits de son anatomie dont elle ne soupçonnait même pas l'existence quelques heures plus tôt. La fatigue la mettait de mauvais poil, aussi, elle le sentait bien. Heureusement, il n'y aurait personne pour l'irriter pendant la soirée, elle pourrait faire face au vide, aux murs de sa chambrette, à la nuit. Des pas rompirent sa rêverie mélancolique.

« Vous avez l'air recrue, dit le général de Molwen en s'arrêtant devant elle.

— C'est peu de le dire. » rétorqua-t-elle avec un demi-sourire.

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