82. Désobéissances

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On entre dans le chapitre 7, page 439 sur 771 ! Courage les ami.e.s, on va finir par voir le bout !

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La journée avait commencé de manière banale. La réunion d'état-major s'était bien déroulée, en dépit des pertes de la veille et de la disparition de l'escadre de chevaliers-dragons. Les bataillons de cavalerie manquants, les hommes de Stamm et Loga, étaient enfin arrivés, renforçant les forces gérébrannes qui en avaient bien besoin. La mort de Sonja endeuillait les plus jeunes des officiers, qui avaient été ses amis, mais la plupart ne figuraient pas parmi les hauts gradés. Hommes de guerre endurcis, les officiers étaient habitués à voir tomber leurs camarades et cela n'avait somme toute qu'un impact minime sur leur concentration ou leur volonté. Chacun contemplait son propre trépas au moment de monter en selle, de toute façon. Personne n'avait réellement peur. Pas à leur niveau.

Les choses avaient pris une tonalité plus inquiétante lorsque les cavaliers de reconnaissance étaient rentrés dans l'aube blafarde et avaient confirmé les observations des jours précédents : les Bénétnashiens n'étaient toujours pas suffisamment nombreux pour les écraser et aucune nouvelle troupe n'était arrivée pendant la nuit. Qu'ils n'aient pas envoyé tous leurs hommes au combat lors du premier assaut semblait raisonnable, ils voulaient sans doute tester la résistance gérébranne, mais qu'au troisième jour de bataille, alors qu'ils n'avaient pas encore pris un pouce de terrain, ils continuent à renvoyer des hommes épuisés en première ligne semblait pour le moins surprenant. D'autant qu'ils avaient encore des milliers de soldats amassés à l'intérieur du pays, attendant leur heure. Vu la configuration du terrain et les renforts de cavalerie fraîchement arrivés, les Bénétnashiens n'avaient aucune chance de passer : les Gérébrans étaient meilleurs et mieux placés.

C'était donc une décision tactique surprenante. La plupart des officiers gérébrans semblaient ravis et considéraient qu'il s'agissait là d'une preuve supplémentaire de la bêtise générale de leurs adversaires. Mais Dimitri était inquiet. Une guerre d'usure n'avait pas de sens : ils étaient capables de les balayer s'ils y mettaient le nombre. Alors pourquoi garder tant de forces vives derrière les lignes ? Il y avait anguille sous roche, mais il ne parvenait pas à savoir ce qu'ils mijotaient.

Le mystère fut levé juste avant l'assaut. Les troupes gérébrannes étaient en position, à quelques minutes peut-être du début des hostilités. Les Bénétnashiens arrivaient face à eux, dans une configuration que Dimitri trouva très stupide. Le flanc est était presque découvert, ce qui permettrait sans nul doute à la cavalerie légère d'Angus de Körun de prendre l'infanterie à revers. Par contre, le gros des troupes montaient sur le flanc ouest, droit sur les hommes du général. L'inquiétude l'envahit à nouveau. Pas de réelle peur, mais le désagréable sentiment que quelque chose était sur le point de se produire, un imprévu avec lequel il aurait à composer.

Il nota alors qu'un cavalier rapide venant du campement atteignait les troupes descendues dans la plaine, rejoignant l'étendard du baron de Stamm. Deux autres filaient vers les troupes stationnées à l'est. Les Bénétnashiens s'étaient arrêtés, reprenant leur souffle avant le choc. Dimitri frémit imperceptiblement. Il ne fut qu'à moitié surpris lorsqu'un messager survint à ses côtés, le cheval en sueur, et lui tendit un parchemin. Le général le prit lentement, examina un instant le sceau royal qui le fermait et soupira, ne parvenant pas à se résoudre à l'ouvrir. Il scruta ses troupes, tout autour de lui dans la vallée, les étendards battus par le vent, la silhouette des cavaliers, les pointes des lances, ces centaines, ces milliers de vies, en attente du combat. Il rebaissa les yeux sur le parchemin, déboucla son heaume et le posa contre le pommeau de la selle. Puis lentement, il fit sauter le sceau, un griffon, quelle ironie, et lut ce qu'Elijah avait à lui confier.

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