Chapitre 5 De l'art d'accorder l'esprit au cœur

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New-York. Avril. Elizabeth.

— Mlle Bennet ! Cette collection va être spectaculaire ! Vraiment quel talent !

Responsable de collection chez Secret Stories, une entreprise de lingerie fine et luxueuse qui commercialisait ses produits dans le monde entier, Elizabeth adorait son boulot. Cette exclamation aurait dû la ravir. Ça n'était pas le cas. Pas qu'elle ne soit pas contente de récolter les lauriers de son travail méticuleux et acharné, mais elle avait la tête ailleurs. Néanmoins, elle sourit poliment et accepta les félicitations de son patron. Elle ne laissait jamais ses préoccupations, quelles qu'elles soient, empiéter totalement sur son travail. Elle tenait à son job. Beaucoup.

Secret Stories était une affaire familiale qui avait prospéré en ayant l'intelligence de développer des produits qui répondaient aussi bien aux fantasmes des hommes qu'aux besoins réels et au confort des femmes. Ce qui n'était pas rien dans ce secteur très concurrentiel.

Les gammes de sous-vêtements allaient donc du produit purement sportif au body dentelle aussi inconfortable que difficile à porter quand on n'avait pas la ligne adéquate, en passant par des pièces destinées aux femmes en devenir ou par la culotte de menstruation soft.

Elizabeth avait aimé les produits de Secret Stories avant même de postuler pour ce job. Elle portait toujours les balconnets de la gamme « fleurs sauvages » qui galbaient ses seins sans en faire trop cependant. Elle était convaincue que l'on pouvait porter de la belle lingerie sans se ruiner et tout en étant une femme active, une mère de famille ou une sportive de haut niveau. Depuis qu'elle était dans la boite, elle s'évertuait de perpétuer cette idée. Cette dernière collection ne faisait pas exception.

Une fois la réunion de présentation achevée, Elizabeth félicita à son tour son équipe, car il ne fallait pas croire qu'elle travaillait seule. Loin de là. Elle dirigeait directement trois personnes qu'elle appréciait et dont elle savait reconnaître le talent. Shana, Kelly et Paul sautillèrent de joie en apprenant que la collection n'aurait pas de grosses modifications.

***

Elizabeth s'assit à son bureau et resta sans rien dire plusieurs minutes devant son écran qui n'affichait que les bulles de l'économiseur.

— Mais qui es-tu, démon ? Qu'as-tu fait de mademoiselle deux milles volt ?

Elizabeth sourit à l'homme qui venait d'apparaître à sa porte : Nick Greenberg, responsable d'une partie de la gamme masculine de Secret Stories. Un homme ordinaire qui ne cachait ni ses ambitions, ni son homosexualité. En couple depuis près de 10 ans avec un « gars en uniforme » comme il aimait désigner son petit-ami, Roy, pompier de son état et beaucoup moins à l'aise quand il s'agissait d'affirmer sa sexualité.

— On m'a dit que tu avais « encore » cartonné... Je m'attendais à des confettis et des chapeaux à paillettes...

— Tu cherchais surtout à picoler pour pas un rond, répliqua Elizabeth en se levant.

— Alors, c'est comme ça que tu me vois ?

— Shana, Kelly, Paul ! Dans mon bureau ! lança Elizabeth à ses collaborateurs qui s'étaient remis au travail.

Nick les laissa passer devant lui, sans bouger cependant, tandis qu'Elizabeth sortait une bouteille d'alcool de derrière une rangée de dossiers empilés sur les étagères derrière elle.

— M. Greenberg m'a fait remarquer, à juste titre, que nous n'avions pas trinqué à notre fabuleuse réussite. Je m'excuse ! Le mal va être réparé, dit-elle en versant une petite rasade d'un liquide ambré dans des gobelets à café. À la nouvelle collection, donc ! lança Elizabeth en levant son verre vers ses collaborateurs.

Chacun approuva et avala cul sec son petit gobelet. Sauf Shana qui offrit le sien à Nick avant de rejoindre son bureau en souriant. La jeune femme était enceinte depuis peu. Elle l'avait annoncé quelques semaines plus tôt avec une certaine appréhension. Elle avait été étonnée de se voir confier une nouvelle responsabilité : celle de concevoir un soutien-gorge qu'elle trouverait pratique et élégant pour les parturientes du monde entier. C'était une opportunité qu'elle avait su saisir.

— Bon, tu me dis ce qui ne va pas ? demanda Nick en s'asseyant dans le fauteuil en face de celui d'Elizabeth, une fois Paul et Kelly repartis.

— Rien. Un truc perso.

— D'habitude, ça ne te gêne pas de me parler de tes ex.

— Il ne s'agit pas de mon ex, mais de celui de ma sœur.

— Ah ! Le pauvre type qui l'a trompée en s'affichant sur les réseaux sociaux ? Qu'est-ce qu'il a fait ? Il rampe...

— Il y a de ça. Mais pas que. Jane est repartie chez nos parents, histoire de mettre tout ça derrière elle et de s'en remettre. Et lui, la saoule pour récupérer l'appart et venir chercher des trucs que je n'aurais pas viré, soi-disant... J'ai tout viré...

— Rien de bien méchant. Ta sœur a éteint son téléphone, je suppose ?

— Oui. Mais lui continue. Il a engagé un avocat...

— Mais ils n'étaient pas mariés !! Il espère quoi ?

— Récupérer l'appart, je suppose...

— Mais putain ! Il doit être super cet appart ! Je me demande si je ne vais pas déposer un dossier moi aussi. Je cherche un truc plus près du boulot... Et ta sœur, elle va faire quoi ?

— Rien. Elle ne sait rien pour le moment. Je vais m'en occuper. Geoffrey est toujours dans le cabinet des Shuman ?

— Yes. Il a même obtenu une promo. Pas sûr qu'il veuille s'occuper de ce genre d'affaire.

— Oh que si...

— Tu as des photos compromettantes ?

— Pire. J'ai des photos de lui ado...

Nick partit dans un grand éclat de rire.

— Alors, là, s'il ne cède pas ! Mais, entre nous, tu auras plus de chance, si tu arrives à le photographier en position de faiblesse à la soirée qu'organise Amalia ce soir.

— Une soirée ?

— Pas au courant ? Elle a dû penser que tu avais d'autres chats à fouetter.

— Comment ça ! Mais, c'est justement ce qu'il me faut ! Une soirée !

Elizabeth sourit à son tour. Geoffrey ne manquait jamais aucune soirée organisée par sa petite-amie, car il veillait sur elle comme sur un trésor précieux. Or, il était la meilleure solution pour rencontrer Phil Newell et son avocat. Et Elizabeth savait qu'elle n'avait aucunement besoin de photos compromettantes pour lui faire accepter l'affaire.

Avant de rencontrer sa douce et tendre Amalia, Geoffrey avait eu un gros crush secret pour Jane. Il ne supporterait pas de savoir qu'un homme lui avait brisé le cœur de manière aussi brutale et abjecte.


Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant