Chapitre 79 Fugue en ado mineur

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Wilmington. Avant le nouvel an. Jane & Elizabeth.

Jane et Elizabeth chevauchaient en tête. Charles et Fitz suivaient. Le soleil était de la partie en cet après-midi, mais ses rayons ne pouvaient réchauffer suffisamment l'air pour que les cavaliers puissent prétendre être à leur aise. D'autant qu'une bise malvenue s'insinuait partout, profitant du moindre interstice pour frigorifier le corps entier.

— Rappelle-moi pourquoi j'ai accepté de venir, déjà ? dit Fitz en soufflant sur ses mains pourtant gantées de cuir.

— Parce que tu es fou d'une certaine Mlle Bennet. Et fort heureusement pour toi, pas de la mienne, Fitz. répondit Charles en souriant.

Son ami n'avait pas prévu de monter à cheval, pas plus qu'il n'avait prévu de rester dans l'arrière-pays où il faisait encore plus froid qu'à New-York. En réalité, il n'avait rien prévu en venant chez les Bennet à Noël. Il l'avait fait avec un espoir auquel il ne croyait pas. Et cet espoir avait pris corps. Cet espoir avait trouvé un chemin. Elizabeth avait enfin cédé à ses sentiments.

Tout n'était pas encore gagné. Loin de là. Leur couple n'était qu'une ébauche dessinée sur une feuille volante, mais il ne tenait qu'à eux que cette ébauche devienne un chef d'œuvre. Leur grand œuvre.

Comme il était très amoureux lui-même et souhaitait le même bonheur pour son ami, Charles y croyait. Tout comme Jane ne ressemblait à aucune autre, Elizabeth était à l'opposé de toutes les femmes qu'avait pu fréquenter Fitz. Ce détail était loin d'être négligeable.

Il révélait un aspect de cette relation, qui étonnait Charles. Et cet aspect n'était rien moins que le caractère inattendu et incontrôlable du sentiment qui était né dans le cœur des deux amoureux. Il y avait là quelque chose de l'ordre de la destinée selon lui. Jane était d'accord, mais lui avait dit de ne surtout rien leur en dire, car ces deux ânes bâtés auraient sans doute tenté le diable juste pour lui donner tort.

— Tu sais que je ne suis sûr de rien avec elle, n'est-ce pas, dit alors Fitz après un moment de réflexion.

— Je le sais. Oui. Mais je crois que tu as toutes tes chances. Il suffit juste que tu ne l'énerves pas trop...

Fitzwilliam éclata alors de rire, ce qui fit se retourner les deux cavalières. Ne pas énerver Elizabeth Bennet ! Voilà un challenge qui ne manquerait pas de piquant... C'est au moment où il se faisait cette réflexion qu'ils virent tous un cavalier arriver au galop sur le sentier. Un des palefreniers du centre s'arrêta brusquement à leur hauteur.

— Jane ! Tes parents ont besoin de toi ! Il s'est passé un truc avec Lydia !

***

Jane et Elizabeth fixait avec stupeur l'écran de l'ordinateur posé sur la table du salon. Amy, assise sur le canapé entre Mme Bennet et Catherine, gardait les yeux baissés de honte.

Censée préparer la fête du nouvel an avec Lydia, elle avait cherché à la joindre après avoir constaté son retard. Elle s'attendait à tout sauf au message que Lydia lui avait envoyé en réponse : « Je suis en route vers la gloire, bichette ! Ne m'attends pas ! ».

Amy avait réalisé que Lydia ne bluffait pas après avoir passé plusieurs coups de fils à d'autres amis. Elle était vraiment partie ! Bien qu'inquiète pour elle, Amy avait longuement hésité avant de prévenir les Bennet. Elle savait que ça lui retomberait dessus. Elle n'avait pas envie d'être punie pour le reste de ses jours à cause de Lydia. D'autant qu'elle lui avait caché ses projets ! Comme si elle ne pouvait pas avoir confiance en elle ! Cette dernière information l'avait rendue furieuse. Pour se venger, elle avait appelé les Bennet. Et là, le ciel lui était tombé sur la tête. Parce qu'emportée par sa fureur, elle en avait trop dit sur leur séjour à New-York ce qu'elle savait – si peu en définitive -, mais les blancs étaient faciles à combler.

Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant