Chapitre 77 Comblés pour Noël

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Wilmington. Noël. M. & Mme Bennet.

Mr. Bennet observait le petit monde agité qui s'égayait dans son salon comme il avait l'habitude de le faire pour la faune et la flore extérieure : avec minutie et patience. Il fut satisfait de penser que chacun y avait trouvé sa place. Mathilda et Mary discutaient avec Kitty de leur rencontre. Mme Bennet riait aux plaisanteries de Charles Bingley, tandis que Jane fixait son attention sur Elizabeth et Fitzwilliam qui les avaient rejoints après une bonne demi-heure d'absence.

La mise de M. Darcy, un peu moins nette qu'à son arrivée – Est-ce que ce pan de chemise ne devrait pas être un peu mieux rentré dans son pantalon ?-, n'avait pas échappé au fin observateur qu'il était. Et il se doutait de ce que sa fille et l'avocat avaient dû faire quelque part dans cette maison. Il espérait seulement que son bureau avait été épargné.

Lydia, quant à elle, debout dans l'encadrement de l'entrée du salon, était, comme d'habitude, absorbée par son téléphone. Il la sentait hésiter entre s'éclipser discrètement ou continuer à leur tenir compagnie. Finalement, elle resta en rangeant son téléphone, l'air un rien contrariée. Sans doute que son amoureux du moment était lui aussi en famille ce soir et ne pouvait lui consacrer le temps qu'elle espérait de lui.

Tout à ses constatations, il ne remarqua pas immédiatement que sa femme s'était approchée de lui.

— Et bien, Mr. Bennet ? Pourquoi un tel sourire de satisfaction ? Auriez-vous été chaparder quelques petits fours dans la cuisine ?

— Pas du tout, ma chère femme... Pas du tout ! Pour qui me prenez-vous ? s'exclama-t-il avec une légère indignation dans la voix avant de se reprendre devant le sourire moqueur de sa femme. Mme Bennet ? Seriez-vous en train de vous moquer de votre époux le soir de Noël ?

Elle lui prit le bras en se serrant contre lui, et il sourit à son tour. Leur couple n'était pas forcément le mieux accordé qui soit – elle, très pragmatique, bien ancrée dans la réalité, et lui, rêveur et perdu dans des considérations qui n'intéressait que lui -, mais il tenait grâce à cette tendresse qu'ils avaient l'un pour l'autre. La tendresse et le désir.

Ils avaient eu des hauts et des bas, comme tout le monde, mais moins depuis que les filles étaient grandes. Et puis, ils avaient inventé un système entre eux pour éviter les conflits. De ce principe était née une connivence qui leur convenait à tous les deux.

— Je crois que ce Noël est magique, Mme Bennet.

— Pourquoi donc celui-là plus particulièrement, Mr. Bennet ?

— Parce que trois de nos filles semblent avoir trouvé l'amour, il me semble.

— Trois. Je tablerais plutôt sur quatre.

— Quatre... Lydia aurait-elle un nouveau petit ami ?

— Non, mon cher. Pas Lydia. Lydia est un papillon qui papillonne. Je parle de notre tendre Catherine. Regardez-là. Elle rayonne. Elle ne dit rien, mais elle rayonne.

— J'espère que cette fois, ça ne sera pas un homme désastreux comme le dernier.

— Je ne pense pas. Cette fois, Catherine ne claironne pas qu'elle est amoureuse. Je crois qu'elle sait que ce qu'elle est en train de vivre est important.

— Ce serait le bon ?

— Nous verrons, Mr. Bennet, nous verrons. Mais vous avez raison. Ce Noël est bien plus magique que les autres. Et que pensez-vous de vos futurs gendres ?

— Mme Bennet, vous allez vite en besogne... Jane et Elizabeth ne sont pas encore mariées.

— Jane porte une bague.

— C'est vrai ? s'exclama Mr. Bennet, surpris de n'avoir pas remarqué un tel détail. Bon. Et bien, Charles me plaît. C'est un brave garçon.

— Et Fitzwilliam ?

— Ce M. Darcy est plus... distant. Nous n'avons que peu d'informations sur lui et elles ne sont pas très positives pour le moment. Sommes-nous sûrs de vouloir que notre Lizzie finisse avec lui ? Je ne sais pas trop quoi penser. Mais vous, qu'en dites-vous ?

— Je n'en sais rien. Il me semble froid et hautain, dit-elle non sans sourire. Mais nous n'aurons pas notre mot à dire connaissant Lizzie.

Elle imaginait que sa seconde fille n'en ferait qu'une bouchée avant de l'envoyer balader. Elle ignorait encore qu'Elizabeth avait déjà essayé cette stratégie et qu'elle avait échoué sur les récifs du cœur... Son regard s'attarda sur le couple que formait Elizabeth et l'avocat avant de passer à celui plus étonnant de Mary et Mathilda.

— En revanche, notre jeune lutin de noël est absolument adorable. Mary va devoir faire attention à ne pas l'abîmer.

— Je pense que Mathilda est bien plus forte qu'elle n'y paraît. D'ailleurs, ne nous a-t-elle pas dit que c'était elle qui avait abordé Mary ?

— Si. Vous avez probablement raison, Mr. Bennet. Mary est entre de bonnes mains. Je suis contente pour elle.

— Nous voilà comblés pour noël. Il ne restera que Lydia. Et nous avons du temps.

— Comme vous êtes naïf, Mr. Bennet. Je suis déjà à peu près sûre que notre petite dernière me donnera plus de cheveux blancs que les quatre autres réunies...

Et Mme Bennet ne croyait pas si bien dire.

***

Le troisième message contenait l'adresse et le billet. Lydia sourit en avalant sa dernière bouchée de gâteau. Le repas était quasiment fini, elle pouvait donc s'éclipser sans vexer qui que ce soit. Elle prétexta qu'elle avait trop mangé et qu'elle était fatiguée.

Bien sûr, personne n'était dupe. Mais comme Lydia, depuis l'été, se comportait de manière exemplaire, aussi bien scolairement que dans sa vie privée, Milliscent n'avait aucune raison de la surveiller plus que nécessaire.

Elizabeth, si elle n'avait pas été accaparée par les affres de son propre cœur, aurait sans doute décelé, dans ce comportement inhabituel, les prémices du désastre en marche. En fait, la triste bêtise de Lydia profitait de ce que l'amour avait frappé à toutes les portes voisines, pour enfler sans que personne ne remarque rien, même pas ses parents.

La jeune fille s'enferma dans sa chambre et répondit à son amant. Elle savait déjà ce qu'elle allait emmener avec elle le week-end prochain. Officiellement, elle fêtait le nouvel an avec Amy et ses copains. Officieusement, elle partait pour New-York et ne reviendrait probablement jamais dans ce trou. Enfin, pas avant d'avoir atteint la gloire qu'elle espérait et qu'on lui avait promis. Personne ne connaissait ses plans. Même pas Amy.

Lydia n'avait rien dit à son amie de ce qui s'était réellement passé pendant l'audition au début de l'hiver. Elle avait brodé. Pas qu'elle en ait eu honte. Aucunement. Ce qui s'était passé était normal. À ses yeux le monde du showbiz était loin d'être vertueux. Quoi que l'on dénonce depuis quelques années, rien ne changeait vraiment. Ceux qui avait le pouvoir en profitait. Lydia l'acceptait du moment que l'on faisait d'elle ce qu'elle espérait : une star.

Elle savait pertinemment qu'Amy était comme Catherine en plus délurée. Elle rêvait de l'amour toujours, tout en ouvrant les cuisses régulièrement pour des gars qui n'avaient que du désir. Elle était naïve. Il était évident pour Lydia qu'Amy lui aurait fait des remontrances si elle avait su pour l'audition.

Elle préférait donc garder son secret, tout en préparant la soirée du 31 décembre.


Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant