Chapitre 14 Entre sœurs

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Wilmington. Avril.

— Tu es sûre que ça va aller, Jane ?

— Oui, Lizzie. Tu peux retourner à New York tranquille. Le centre équestre va m'occuper à plein temps, et j'ai compris certaines choses. Et puis, concernant Finn et Mary... Lui, je ne vais pas en parler. C'est un abruti. Et je suis sûre que Mary va se calmer. Elle n'est pas méchante. Juste un peu jeune... et puis, reconnais que sa position n'est pas facile. Elle est entre nous toutes...Seule.

— Elle est seule parce qu'elle est imbuvable. Elle se fâche avec tout le monde parce qu'elle se pose toujours en modèle comme si elle était parfaite. Sérieusement ! Un vrai juge de paix ! Elle est insupportable. Je suis bien contente de n'être là qu'un week-end de temps à autre. Parce que je crois que sinon, je l'étriperais.

Jane se mit doucement à rire. Vêtue de son pyjama imprimé licorne et assise en tailleur sur son lit d'ado, la jeune femme ressemblait à s'y méprendre à la lycéenne qu'elle avait été et qui avait fait la déco de cette chambre.

— C'est bon de t'entendre rire, Jane.

— Je ne vais pas être triste tout le reste de ma vie.

— Non. Je l'espère. Pas pour ce trou du cul de Philip Newell.

— Non. Pas pour lui et sa greluche latine...

— Si maman t'entendait !

— Elle dirait que tu déteins sur moi et tu serais punie !

— C'est clair, éclata de rire Elizabeth en tombant sur le lit à ses côtés.

Elle aussi avait revêtu un vieux pyjama. Il était bleu avec des motos rétro dessus. Ses cheveux brun frisés formaient un halo autour de son visage.

— Tu crois qu'il regrette ? demanda alors Jane plus sérieusement en regardant le ciel étoilé par la fenêtre.

— ... Hum... C'est sûr, répondit-elle après une brève hésitation.

— Lizzie? Qu'est-ce que tu me caches ?

— Moi ? Rien du tout !

— Arrêtes ! Je te connais ! Vas-y ! Déballe !

— Je préfère te montrer... je crois qu'il n'a pas apprécié ton silence radio, le changement de serrure de l'appart, et le traitement que j'ai donné à ses affaires, dit Elizabeth en tendant son smartphone à sa sœur.

Jane, qui avait éteint son téléphone depuis deux semaines, lut sur le smartphone de sa sœur les messages que Philip avait posté sur leur groupe Whatsapp. D'abord des excuses. Confondantes de stupidité. Puis de l'énervement, et finalement de la colère. Et à la toute fin...

— Est-ce qu'il me menace de faire intervenir un avocat ? Mais nous ne sommes pas mariés ! Même pas officiellement fiancés !

— Il estime que l'appart est aussi à lui. Je crois que la bomba latina n'a pas l'intention d'héberger son étalon de New-York. Elle a compris qu'elle avait à faire à un baltringue ou alors, il n'a pas été à la hauteur de ses espérances au lit ! Elle est déçue de ses performances...

— Elizabeth ! C'est bon...

— Excuse-moi, Jane...

Les deux sœurs gardèrent le silence un bref instant, le regard absent.

— L'appart est à mon nom ! Et c'est moi qui payais le loyer ! Je rêve !

— T'inquiète ! J'ai mis mon pote Geoffrey sur le coup ! Tu sais l'avocat ! Phil va se calmer !

— Ou il va incendier mon appart...

— Mais non. Je vais y crécher tous les soirs...

— Tu vis dans mon appart ? Et le tien ?

— Je le sous-loue à une fille qui est en galère. Comme ça tout le monde est content.

— T'as intérêt à arroser mes plantes et à pas organiser de soirée bikers chez moi...

— T'inquiète... juste une petite, la semaine prochaine... avec des strip-teaseuses et un magicien... il parait qu'il fait des trucs incroyables avec son...

— Lizzie ! T'as pas intérêt... rit Jane en donnant de grands coups d'oreiller à sa sœur qui se mit à rigoler.

— C'était pour rire, Jane ! Je vais pas faire ça chez toi ! C'est trop petit, de toute façon !

— Merci Lizzie...

— Merci pour quoi ?

— Pour tout. Je sais que ça doit te prendre beaucoup de temps de te préoccuper de tout ça. En plus de ton boulot et de ta propre vie...Je ne sais pas comment tu fais pour tout concilier...

— Hé ! Pas de ça avec moi ! Et puis, c'est facile ! J'ai la moto pour m'évader, et le reste du temps, je compartimente ! Le boulot, les amis, les sœurs éplorées, la famille hystérique...

Jane rit de bon cœur cette fois. C'est vrai que revenir ici lui apportait du réconfort, mais lui montrait aussi pourquoi elle avait tant tenu à partir pour trouver du travail. Elle aimait sa famille, mais parfois...

— J'envie ta capacité à passer l'éponge sur les problèmes, et voir plus loin.

— Bah ! Tu fais pareil avec tes canassons ! Dès que tu es juchée sur l'un d'eux, la terre peut bien s'arrêter de tourner...

— C'est vrai. J'imagine que c'est la même sensation de liberté que sur ta moto.

— Ouais... enfin... Le rugissement en moins... Il te faudrait un lion pour avoir l'équivalent.

— Chevaucher un lion... quelle idée originale. Je ferais sensation à New-York ! Et puis, je suis sûre que maman adorerait ?! éclata de rire Jane.

— Comme lorsque tu lui avais ramené le rat de l'école !

— Oh ! Mon ! Dieu ! J'avais oublié ! La crise qu'elle avait piqué ce jour-là !

Mme Bennet avait horreur de tout ce qui avait des poils, des plumes ou des écailles. Elle ne tolérait les animaux qu'à l'extérieur, et si possible très loin d'elle.

— Et en plus, c'était même pas sa foldingue de fille qui le lui ramenait, mais sa petite fille modèle !

— Hé ! Je ne suis pas une petite fille modèle ! s'exclama Jane en lançant un autre coussin sur sa sœur.

— Mais si ! Et c'est pour ça que tout le monde t'aime ! Enfin, surtout Finn Collins et Philip Newell ! Que des pointures !

— Lizzie !

Nouveau vol de coussins en direction de la brunette. Aussitôt renvoyé vers l'agresseur... Les deux sœurs se lancèrent bientôt dans un pugilat par coussins interposés en riant comme des baleines.

Dans le salon, Mme Bennet sourit. Jane allait se remettre. C'était sûr maintenant.


Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant