Wilmington. Noël. Mary.
Le bruit des conversations lui parvenait depuis l'intérieur. Les fenêtres sans volet offraient une vue parfaite de la soirée qui se déroulait dans le grand salon de la famille Bennet. Ses yeux s'attardèrent sur la silhouette d'Elizabeth bien reconnaissable. Plus haute, plus fine que celle des autres, elle portait une robe amusante avec des pompons le long de la jupe patineuse. Il sourit bêtement en la voyant rire.
Il se sentit totalement idiot. Ses yeux quittèrent le spectacle de cette joyeuse famille pour se poser sur la bouteille qu'il tenait à la main. Qu'est-ce qu'il fichait ici ? Il n'avait même pas été invité ! Et puis Elizabeth ne voulait certainement pas le voir. Elle lui avait bien fait comprendre qu'elle le trouvait... Comment avait-elle dit exactement ? Ah, oui ! « Arrogant et d'une stupidité sans nom ». Tout ça parce qu'il n'avait pas pu assister à une soirée où il avait promis de venir. Quelle emmerdeuse quand même ! Mais en même temps, il était là à se les geler pour... pour quoi exactement ? Bordel ! Mais qu'est-ce qu'il foutait là ?
Darcy allait tourner les talons quand une voix féminine légèrement ironique l'apostropha.
— Vous savez que la porte est juste à votre droite ?
Mary Bennet se tenait derrière lui. Il eut du mal à la reconnaître. Elle avait définitivement perdu les rondeurs de l'enfance. Son corps affûté et musclé, moulé dans un pantalon étroit, fourré dans des bottes d'intervention, une épaisse veste, mais pas d'écharpe ou de bonnet, son regard amusé souligné d'un trait noir et ses cheveux courts coiffés en arrière à la manière des italiens du siècles derniers, tout concourait à lui donner des airs androgynes stupéfiant. Sur l'instant, Fitzwilliam Darcy pensa brièvement que la famille Bennet avait bien eu un fils. Elle ne le savait pas encore. C'était tout.
— Je ne faisais que passer, s'entendit-il dire.
Mais Mary Bennet avait oublié d'être idiote comme toutes ses sœurs. Son sourire en coin s'accentua, tandis qu'une seconde silhouette s'approchait.
— Qui es-tu en train de tourmenter, Mary ? demanda une voix mélodieuse sortant d'une capuche bordée de fourrure.
— Un type peu recommandable.
C'était au tour de Darcy de lever un sourcil. Mais évidemment, songea-t-il. Personne ne savait rien de ce qui se passait entre lui et la seconde des filles Bennet. Cette dernière n'avait rien dit. Ce constat le conforta dans l'idée qu'Elizabeth ne l'avait jamais vu que comme un amant de passage. Un parmi tant d'autres. Sa contrariété monta en flèche. Il raffermit sa prise sur la bouteille et s'apprêta à quitter les lieux, mais Mary et son invitée ne l'entendirent pas de cette oreille manifestement.
— Popopop, pas si vite, l'avocat ! La porte est de ce côté... Vous allez me fournir une diversion tout à fait acceptable pour mon arrivée, dit Mary en s'emparant de l'un de ses bras, tandis que son invitée prenait l'autre, le contraignant à les accompagner jusqu'à la porte.
***
— Regardez ce que j'ai trouvé sur le pas de la porte ! s'écria Mary en entrant dans le salon.
Elle traînait Darcy derrière elle. Mais pas seulement. Une silhouette emmitouflée dans une large cape verte et coiffée d'un bonnet à pompon s'était arrêtée sur le pas de la porte du salon. Le silence qui s'était abattu sur l'assemblée à l'interpellation de Mary ne l'incitait pas à avancer.
— Mary a amené un lutin du père noël ! s'écria Kitty sans préciser qui des deux visiteurs inattendus était le lutin en question.
Devant le visage déconfit de Fitzwilliam, Mme Bennet fut la première à éclater de rire. Ensuite, ce fut le chaos. Bille en tête, Elizabeth fonça sur Darcy, l'attrapa par le bras pour l'entraîner hors de la pièce sans un mot. Mais le jeune homme ne la laissa pas faire. Il n'était pas prêt à avoir la conversation qu'elle attendait de lui. Il n'était prêt à rien en réalité. Il en était encore à se demander ce qui lui avait pris de venir jusqu'ici pour Noël au lieu de rejoindre sa sœur et ses oncles et tantes. Il jeta un œil désespéré vers Charles qui se contenta de lever son verre vers lui en souriant.
Pour éviter que tous se focalisent sur le couple explosif que formait Elizabeth et Fitzwilliam, Jane détourna habilement l'attention en amenant son père près de l'inconnue que Mary présenta aussitôt comme Mathilda Light, sa petite amie. Kitty, la plus prompte à se réjouir d'un amour naissant, mit ses mains devant sa bouche avec un « Ohhh » d'étonnement, avant de se précipiter sur le lutin pour l'étreindre avec une force que personne ne l'aurait soupçonné avoir.
Mr. Bennet, qui avait parfois des fulgurances bienvenues, avait doucement écarté sa quatrième fille, pour proposer à celle qui avait manqué de mourir étouffée, de la débarrasser de ses multiples couches de protection. La jeune femme qui apparut sous les couleurs de noël était petite, gironde, rousse, couverte de taches de rousseur et avait les yeux verts. Les sœurs Bennet l'aimèrent aussitôt.
Mme Bennet, quant à elle, étreignit sans façon sa fille revenue parmi les siens.
— Mary, tu es magnifique, lui murmura-t-elle.
— Merci maman, même si je sais que je ne rivalise pas avec mes autres sœurs.
— Tu n'as pas à rivaliser avec elles, Mary. Tu es unique. Comme elles le sont à leur manière. Vous êtes toutes mes joyaux, lui dit doucement sa mère.
— Un joyau que tu as chassé, dit simplement Mary qui avait la rancune tenace.
— Je ne t'ai pas chassée, Mary.
— Non, tu as laissé Elizabeth le faire. Pourquoi ?
— Bien. Mary, j'ai une question : Étais-tu heureuse ici, avec nous ?
— Non.
— Es-tu heureuse maintenant ?
— Oui, répondit Mary sans hésitation en jetant un œil à la jeune femme qu'elle avait amené avec elle.
— Tu as ta réponse, ma fille, dit simplement Mme Bennet en caressant la joue rougie par le froid de sa fille.
— Ça te va bien ce look, dit alors Lydia qui s'était approchée pour se présenter à Mathilda.
La sexualité de sa sœur la réjouissait. Une sœur lesbienne, après une sœur qui avait échappé à la mort, voilà qui serait fabuleux comme info à mettre sur les réseaux pour la mettre en valeur elle. Restait à savoir comment elle tournerait cela...
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Les sœurs Bennet
ChickLitCette histoire s'inspire très librement des personnages d'"Orgueil et préjugés" de la grande Jane Austen. Pas de comparaison possible, mais un roman autour des sœurs Bennet de nos jours. Cinq sœurs, cinq cœurs en quête d'amour, cinq destins romanti...