Chapitre 92 Une véritable amie

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New-York. Printemps. Charlotte.

Elizabeth était assise sur le canapé avec Cecily dans les bras. Elle observait les gestes de Charlotte qui préparait le biberon de sa fille. Elle admirait avec quelle incroyable efficacité son amie s'était adaptée à son rôle de mère. Tout le monde avait pensé que Charlotte serait débordée. Alors que pas du tout. Elle assurait comme un chef. Elle arrivait à tout gérer avec une sérénité exemplaire. C'est vrai que le caractère égal et tranquille de Cecily aidait pas mal.

C'était un bébé paisible qui dormait beaucoup, mangeait tout autant... et faisait popo sans arrêt.

— Je crois qu'elle a encore fait caca, dit Elizabeth le nez plissé de dégoût en tenant le bébé à bout de bras comme si la couche avait contenu un déchet radioactif.

— Il faut la changer avant de manger, dit calmement Charlotte en agitant le biberon pour bien mélanger le lait en poudre et l'eau.

— Je passe mon tour.

— Elizabeth ! Tu sais qu'il va falloir t'y mettre...

— Et pourquoi donc ?

— Parce qu'un jour ou l'autre la question se posera, surtout si tu acceptes de te marier avec Fitz.

— Je n'ai encore rien accepté. Le contrat n'est pas prêt.

— Lizzie. Tu es vraiment dure avec lui, tu sais.

— Parce que tu crois que lui est irréprochable ?

— Il t'aime et veut partager sa vie avec toi.

— Et alors pas la peine de se marier pour ça.

— C'est vrai. Mais avoue que ça te fait plaisir de voir Jane et Charles se marier, non ?

— Hummm, dit Elizabeth en échangeant le biberon à agiter avec le bébé à changer.

— Alors imagine si tu te maries ! Ça te rendra heureuse ! C'est une preuve de dévouement, d'attachement et d'amour. Se lier légalement à quelqu'un, c'est lui dire que l'on aime qu'elle pour la vie et pour le prouver on lui fait la promesse de ne jamais la quitter.

— Et on divorce.

— Ce que tu es têtue !

— Argggh ! Mais qu'est-ce que tu lui donnes à bouffer à cette gosse pour qu'elle lâche de tels paquets de m...

— Lizzie ! Pas de vulgarité devant ma fille !

— Tu es consciente qu'elle ne comprend pas encore ce que l'on dit.

— Détrompes-toi ! Les bébés ne sont pas aussi stupides qu'il y paraît ! Et je ne veux pas que son premier mot soit le mot en M. ou en C. ou en P. que tu utilises bien trop facilement.

— C'est quoi cette transformation en Milliscent Bennet ?

— Ta mère a raison ! Et tu comprendras quand tu au...

— Quand j'aurai des enfants ? C'est ça que tu allais dire ? Ça y est ! Tu fais partie de la conspiration des mères ! Charlotte ! On ne va plus jamais être saoules ensemble, ni faire n'importe quoi à n'importe quelle heure ?

— Je crains que cette période de ma vie ne soit définitivement finie. Au moins, jusqu'à sa majorité.

— Merde !... Pardon...

— Lizzie, tu restes ma meilleure amie, mais il faut comprendre que j'ai la charge d'une petite vie minuscule et fragile. Ça n'est pas rien, tu sais. Et si tu veux tout savoir, je suis heureuse. C'est loin d'être facile, mais je suis heureuse, parce que c'est ce que je voulais. Il me manquait quelque chose, et ça n'était définitivement pas un homme dans ma vie. C'était un enfant. Cet enfant. Cecily est un joyau. Mon joyau. Je l'aime comme je n'aimerai probablement personne d'autre. Elle est ma chair, mon sang. Lorsqu'elle a mal, je saigne. Lorsqu'elle sourit, je m'illumine. Je ne dis pas qu'il faut faire des enfants pour connaître ça, parce que je suis parfaitement consciente que chaque mère ressent son lien différemment et que l'on peut s'accomplir sans enfant. Néanmoins, moi, elle m'a transformée. Et je ne souhaitais rien d'autre.

Charlotte avait parlé en changeant sa fille avec des gestes maîtrisés et sûrs. La petite s'était laissée faire en la regardant. Et ce regard n'avait rien à voir avec celui qu'elle lançait aux autres personnes qui venaient épisodiquement la voir. Charlotte aimait Cecily au-delà de ce que certain aurait estimé raisonnable, et Cecily aimait Charlotte d'un amour inconditionnel.

— Je suis heureuse de te voir si épanouie, Charlotte.

— Je sais, Lizzie. Mais laisse-moi te dire encore quelque chose, ajouta Charlotte en lui prenant le biberon avant de s'asseoir pour nourrir son enfant. Fitz t'aime. J'ai rarement vu un homme aussi intransigeant trouver des subterfuges et des stratagèmes pour réussir à cheminer avec quelqu'un. Car c'est ce qu'il fait avec toi. Il a compris comment tu fonctionnais. Il essaye de temporiser ton hypersensibilité et cette hyperactivité qui te caractérise parfois. Il te veut du bien, autant que Charles veut du bien à Jane. Jane et toi, vous avez la chance d'avoir rencontré deux hommes prêts à faire beaucoup pour vous. Jane l'a compris. Ne manque pas ce rendez-vous avec la vie, Lizzie. Que tu veuilles ou non te marier, que tu veuilles ou non des enfants, montre à Fitz que tu l'aimes. Accepte-toi-aussi de faire quelques efforts. Il le mérite.

— Charlotte ? Tu sais à quoi on reconnaît une véritable amie ?

— Non.

— Aux paroles qu'elle prononce pour nous faire avancer et grandir.

Charlotte et Elizabeth échangèrent un sourire entendu.

— Mais ça n'empêche que Fitz n'est pas Charles ! Jane a le gentil, et moi, j'ai l'enquiquineur !

— La réciproque est vraie également, se contenta de dire Charlotte avec un sourire en coin.

— Je retire ce que j'ai dit tout à l'heure sur les véritables amies.

Charlotte éclata de rire, et Cecily en agita les mains.

— Oui, ma puce, maman rit. Ça va arriver encore souvent si tata Lizzie continue à faire sa tête de cochon...

— « Tata Lizzie » ? Je ne suis pas sûre d'approuver cette appellation...

— Et pourtant, il va falloir t'y faire...



Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant