Chapitre 81 Le retour de l'enfant prodigue

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Wilmington. Nouvel an.

Mme Bennet avait lâché son épluchoir pour regarder le message qu'elle venait de recevoir. Elle tentait de s'occuper, mais elle était si stressée qu'elle n'arrivait à rien. Elle avait juste réussi à peler quelques pommes de terre, sous le regard attristé de Catherine qui était quasi mutique depuis que la famille avait appris la nouvelle pour Lydia.

Les yeux rivés sur l'écran de son téléphone, Milliscent Bennet se leva brusquement en faisant tomber sa chaise. Catherine suspendit immédiatement ses gestes – c'est à dire son propre épluchoir – et M. Bennet la fixa depuis le canapé où il tentait de s'occuper en lisant un livre de philosophie.

Ils étaient seuls. Elizabeth et Jane étaient sorties pour récupérer leurs affaires chez Charles. Elles avaient toutes les deux décidé de réintégrer le foyer familial pour soutenir leurs parents.

— Par les cornes de Belzébuth ! s'exclama Mme Bennet en continuant à fixer son écran.

— Millie ?!

Mr. Benet n'avait pas l'habitude d'un tel langage dans la bouche de sa femme. Il s'inquiéta aussitôt. Dès qu'il l'eut rejointe, il attrapa le smartphone pour y lire le message qu'elle venait de recevoir.

Il venait de Mary. La jeune femme et son équipe avait de bonnes nouvelles. Lydia avait été retrouvée, et elle était sur le retour avec un policier et le père d'Amy. Mary ne donnait aucun détail sur l'enquête, ni sur le comment Global Security avait réussi à mettre la main sur la jeune fille. Mais peu importait à Mme Bennet.

— Elle rentre. Elle est saine et sauve, murmura avec soulagement Milliscent en tombant dans les bras de son époux, qui lui était curieux de savoir comment tout cela était possible.

***

Lorsque Lydia arriva, encadrée par deux policiers, toute la famille l'attendait de pied ferme sous le porche, malgré le froid. La jeune fille sortit de la voiture avec un grand sourire et aucune espèce de gêne. Personne ne l'avait mise au courant de la vidéo envoyée à sa famille. La police en ignorait l'existence. Tout comme M. Foster.

Lydia était revenue avec la certitude de revoir Newell très prochainement. Pour le moment, il l'avait convaincue de revenir au bercail pour éviter qu'il n'ait trop d'ennuis. Elle était donc confiante et radieuse comme à son habitude, inconsciente du mal qu'elle faisait autour d'elle.

Sa mère, n'y tenant plus, s'élança vers elle et, contre toute attente, la prit dans ses bras en pleurant de joie. Elle était tellement soulagée de la savoir en vie qu'elle était incapable de raisonner correctement.

Elizabeth, furieuse, pesta avant de rentrer dans la maison. Jane resta près de Catherine qui soupira devant le comportement de sa mère. De manière inattendue, la réprobation vint de M. Bennet, qui avec un ton froid ordonna à toute sa famille de rentrer pour éviter de se donner encore plus en spectacle.

Lui savait que quelque chose clochait. Il n'était peut-être qu'un doux rêveur la plupart du temps, mais il connaissait quand même un certain nombre de mécanisme du monde qui l'entourait. Il se doutait que ce retour sans difficulté cachait quelque chose. Ni Bingley, ni Mary ne lui avait donné de détail sur la procédure qui avait été engagée contre Newell. Il ignorait tout des transactions réalisées pour que Lydia revienne parmi eux. Et au sourire de sa dernière fille, il devinait qu'elle-même ignorait ce que son comportement avait engendré. Il fulminait.

Il détestait quand sa routine était perturbée, quand il devait prendre des décisions qui concernaient autre chose que ses passions, quand il devait se confronter aux monde absurde des hommes industrieux

D'un autre côté, il avait besoin de savoir. Sa tranquillité d'esprit exigeait qu'il sache. Parce qu'il n'aimait pas devoir quelque chose à qui que ce soit. Il s'était toujours débrouillé jusqu'à présent, avait assumé ses choix et leurs conséquences. Il ne pouvait en aucun cas demeurer dans le flou concernant Lydia.

— Lydia, tu vas dans ta chambre, nous aurons une petite conversation plus tard, finit-il par dire avant de se diriger vers son bureau. Il avait des coups de fils à donner.

— Georges ! s'était écriée Milliscent en le voyant disparaître tandis que sa dernière obéissait sans rien dire. Georges, tu ne dois pas lui en vouloir. Ne la blâme pas ! finit-elle, convaincue que son époux était furieux contre Lydia et faisait la tête...

— Maman ?! Tu continues ?! Mais c'est pas vrai ! Mais tu fais quoi là ? éclata Elizabeth. Tu ne veux pas la féliciter aussi, tant que tu y es ?

— Lizzie ! Et si elle repartait parce qu'elle se fait disputer ?! Tu y as pensé ? Non ! Bien sûr ! Tu n'as pas d'enfant ! Tu ne sais pas ce que c'est de perdre l'un d'entre eux !

— Toi non plus, maman ! Tu n'as perdu personne ! Lydia a choisi ! Personne ne l'a forcée à quoi que ce soit ! Et elle fera ce qu'elle veut demain parce que tu ne lui mets jamais aucune limite !

— Lizzie ! s'exclama Jane qui désapprouvait la dureté de sa sœur. Maman s'inquiète...

— Je sais. Nous aussi. Va savoir ce qu'elle a fait pendant deux jours avec ce détraqué ? Personne ne s'étonne que Lydia soit revenue sans rechigner alors qu'elle partait pour conquérir « la gloire » ? continua Elizabeth en mettant des guillemets au mot gloire.

— De quoi je me mêle, intervint soudain Lydia qui n'avait rien perdu de ce qui se disait dans le salon. J'ai bientôt dix-huit ans ! Merde ! Je fais ce que je veux ! Vous n'avez pas le droit de gâcher ma vie !

— Oh ! Ne t'inquiète pas ! Tu y arrives très bien toute seule, crois-moi ! éructa Elizabeth en la pointant du doigt de manière dramatique.

Mme Bennet s'assit lourdement sur la première chaise venue, vaincue par la situation.

— Lydia ! Tu ne sais pas qui est vraiment Philip Newell ! s'exclama Jane en voulant s'approcher de la jeune fille.

— Parce que toi, tu sais peut-être ? Tu as vécu avec lui pendant cinq ans et tu n'as pas été foutue de le rendre heureux ! C'est pour ça qu'il est parti voir ailleurs ! Il me l'a dit ! Il ne me fera pas ça à moi !

Jane était si stupéfaite devant le visage de fureur convaincue de sa sœur qu'elle ne sut pas quoi répliquer. Elle se retint au comptoir de la cuisine. Si elle avait eu une chaise près d'elle, elle s'y serait assise. Elle regrettait d'avoir laissé Charles partir quelques heures plus tôt.

— Et il t'a parlé de ses petites boites aussi ? lâcha Elizabeth.

— Qu'est-ce que tu as encore inventé ?! Hein ! Tout est bon pour le salir et le ridiculiser ! cracha Lydia toujours au bas des marches.

— Tiens, regarde ce qu'il cherchait à récupérer dans l'appart de Jane... Ce pourquoi il était si important pour lui de récupérer l'appart. Pas Jane. L'appart seulement. Tu as envie de figurer dans sa petite collection ? En fait, tu dois déjà y être, vu ce qu'il a envoyé hier, dit Elizabeth en montrant les photos qu'elle avait faites des deux boites secrètes de Philip Newell.

Lydia ne répliqua rien, comme hypnotisée par les photos que sa sœur faisait défiler.

— Lizzie ! Ne... commença Jane.

— Quoi ?! Elle veut qu'on la traite comme une adulte, non ? Alors traitons la comme tel ! Tiens, regarde ce qu'il a envoyé pour nous hier.

Lydia vit les photos disparaître au profit d'une vidéo. La vidéo. Newell lui avait assuré qu'il ne la montrerait jamais à personne. Que cette « audition » était pour lui uniquement. Elle fixa un regard vide sur les autres femmes de la famille Bennet avant de monter pour de bon dans sa chambre et de s'y enfermer en claquant la porte.

Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant