Chapitre 50 De l'utilité de l'amitié en termes de conseil non retenu

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New-York. Juin. Charles et Fitzwilliam.

Charles fut étonné de ne pas voir débouler Elizabeth immédiatement après l'infirmière. Se faisant chasser par le corps médical venu inspecter le retour à la vie de sa bien-aimée, il s'aventura dans le couloir jusqu'à l'espace détente de l'étage sans rencontrer ni la pétulante sœur, ni son ténébreux ami Darcy. Il poussa son inspection jusqu'aux toilettes.

Au moment où il allait entrer dans la partie réservée aux hommes, la porte s'ouvrit brutalement pour laisser passer Elizabeth Bennet passablement échevelée et rouge, mais arborant un air d'une telle contrariété que Charles ne risqua pas la moindre remarque.

Pourtant, il en avait tout un tas qui lui venait à l'esprit, étant donné que la jeune femme sortait des toilettes pour homme, et que Darcy la suivait de près, lui aussi la mise un peu désordonnée. Ce qui chez lui, tenait de l'exploit aux vues de sa propension à la rigueur en toute chose.

— Fitz ?

— Pas de questions, Charly. Pas encore, se contenta de dire l'intéressé avec un petit sourire en coin.

— Dans quoi tu t'es fourré encore, Fitz ? demanda quand même Charles.

— Pas d'inquiétude, Charly. Tout est sous contrôle.

— Dit le type qui ne contrôle rien. Tu n'imagines pas avoir le dernier mot avec Mlle Elizabeth Bennet quand même ? Parce que si c'est le cas, je t'arrête tout de suite. Si quelqu'un mène la danse, c'est elle !

— C'est ce qu'on verra.

— Oh ! Merde ! Fitz ? Fitz ? Tu es amoureux d'Elizabeth ?

— Je n'irai pas jusque-là... Disons que je lui trouve seulement quelques... attraits non négligeables.

— Oh ! Merde ! Ne dis jamais rien de ce genre en sa présence... Ou au moins, ne dis rien quand elle est là et que je suis là aussi. Je ne voudrais pas être le témoin de ta mort prochaine. Devoir témoigner contre ma future belle-sœur, n'est pas ce que l'on appellerait une bonne entrée en matière dans un couple.

— Je crois que je viens de prouver que nos échanges, même les plus houleux, peuvent avoir une finalité bien plus distrayante que la mort...

— Merde ! Merde ! Merde ! Ne va pas la mettre trop en colère ! Je te rappelle que Jane et elle sont très liées... Et vu que tu es mon meilleur ami...

— Ne t'inquiète pas, Charly... D'ailleurs qu'est-ce que tu fiches ici ? Pourquoi n'es-tu pas au chevet de ta belle au bois dormant ?

— Parce que la belle s'est réveillée, et que j'ai été chassé de la chambre par une armée de blouses blanches brandissant des seringues et d'autres ustensiles potentiellement dangereux, et quelque peu déroutant pour quelqu'un qui ne connaît rien d'autre à la médecine que ce qu'il en a vu dans les séries.

— On apprend des tas de choses grâce aux séries médicales, figures-toi. Mais pour ça, il faut se focaliser sur autre chose que les inévitables histoires de cul entre collègues, voire avec des patients...

— Dit le mec qui sort des toilettes d'un hôpital, où il s'est envoyé en l'air avec un membre de la famille d'une patiente. Je crois qu'avec ton écart de conduite avec l'une des demoiselles d'honneur le jour du mariage de Mike Pasternak, ce moment unique va entrer dans le top des pires conneries de ta vie.

— S'envoyer la demoiselle d'honneur n'aurait pas été une erreur si cet imbécile de Ted n'avait pas cancané après m'avoir vu sortir de la bibliothèque en remettant ma chemise dans mon pantalon.

— C'était la fille du pasteur.

— Et alors, elle était majeure et consentante. Même plus que consentante, crois-moi. Tout comme Elizabeth Bennet, jusqu'à ce qu'elle reprenne ses esprits.... Mais rassure-toi ! Nous n'avons pas été bien loin... C'est qu'elle a de la ressource quand il s'agit d'être contrariante, finit-il avec un franc sourire.

— Et tu es content de toi ?

— Pourquoi pas ? Elle va moins la ramener maintenant.

— Ou alors, ce sera pire.

— Mais non... commença Darcy en ouvrant la porte de la chambre de Jane, avant de s'arrêter devant le regard noir orage que lui lançait Elizabeth Bennet de l'autre côté du lit.

— C'est ça, murmura Charles en venant prendre la main de Jane sans plus se préoccuper de son ami.

Pour plus de sécurité, Fitzwilliam Darcy préféra rester à l'extérieur de la chambre. Il avait peut-être un peu trop présumé de son charme et de l'effet qu'il faisait en réalité sur Elizabeth Bennet. Il sentait qu'il y aurait d'autres tempêtes à venir et qu'il ne serait peut-être pas, comme l'avait si justement supposé son ami, à la barre de la chaloupe.

Cette incertitude était nouvelle pour lui. Il avait plutôt l'habitude d'être courtisé. Pas d'être repoussé. Et le danger qu'il ressentait au fond de lui maintenant, lui rappela cet instant juste avant le combat quand il entrait sur le ring pour face à un adversaire. Ce serrement du cœur en envisageant ce qui allait arriver, la douleur, la souffrance, mais aussi l'exultation et la rage qui se transformait en incroyable plaisir de vaincre.

Car contrairement à Elizabeth Bennet qui extériorisait sa colère sans retenue aussi bien verbalement que physiquement, la rendant, de ce fait, à peine civilisée à ses yeux à lui, Fitz, avait compris à la perte de ses parents, que s'il voulait continuer à évoluer dans son milieu feutré de conventions millénaires malgré sa colère, il devait trouver un moyen de lâcher la vapeur d'une manière ou d'une autre. Il avait choisi la boxe. Il s'était illustré pendant ses années d'étude et continuait à aller dans un club pour s'entraîner deux fois par semaine. Ça lui permettait de faire baisser la pression que son métier lui imposait. Son métier et la vie en général.

Néanmoins, face à cette étrange relation avec Elizabeth, il se voulait confiant. Le pas de deux avec la jeune femme ne faisait que commencer. Elle regimbait un peu, mais il avait bien senti son désir. L'urgence qu'elle avait de le coller à elle, de l'embrasser, de le caresser. Elle ne voulait pas encore le reconnaître, mais elle était folle de lui.

Un sourire vint fleurir sur le visage de Fitzwilliam alors qu'il s'adossait au mur près de la porte. Une infirmière qui passait lui sourit en retour et lui adressa gentiment des paroles d'encouragement, ignorante de ce qui rendait le jeune homme si heureux.


Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant