Chapitre 69 Un amour infini

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New-York. Hiver. Jane.

Jane ajusta les bretelles de sa robe. Elle aurait préféré qu'elle soit plus couvrante, mais Charles avait été catégorique. Il fallait qu'elle arrête de penser qu'elle était laide à cause de ses quelques cicatrices. Il avait accepté qu'elle choisisse une robe longue parce qu'il ne voulait pas qu'elle soit mal à l'aise à cause de sa jambe, mais pour le reste, il refusait de céder. Il la trouvait magnifique. Et ça n'était pas quelques minces estafilades, à peine visibles sur sa peau de blonde, qui pourraient y changer quoi que ce soit.

Elle contempla son reflet dans le miroir. Ses cheveux avaient bien poussé. Quelques boucles avaient fait leur réapparition. Sa nouvelle coupe courte lui donnait un petit air espiègle qu'elle appréciait. Sans maquillage, elle paraissait bien plus jeune. De cela aussi, elle avait peur. Charles était plus âgé qu'elle. Sept ans, ça n'était rien, et c'était beaucoup. Elle avait peur que ses parents la trouvent trop jeune. Elle avait peur qu'ils ne l'aiment pas. Elle avait peur.

Charles vint se positionner derrière elle en souriant.

— Tu es parfaite.

— Je ne suis pas sûr des boucles d'oreille. Elles ne sont pas...

— Elles sont tout à fait adéquates. En plus, elles iront parfaitement avec ce collier, dit-il en plaçant devant son cou une chaîne en or qu'une perle unique venait perturber de l'iridescence de son nacre sombre.

— Charles, c'est... magnifique ! s'exclama Jane en admirant la perle.

— Puisque je n'ai pas le droit de te demander en mariage, il fallait bien que je trouve un autre moyen de placer ma marque sur toi.

— Ta marque ? Monsieur fait le propriétaire ?! Vilain personnage ! lança-t-elle en se retournant pour l'embrasser.

— Pourquoi ne veux-tu pas que je te demande en mariage, Jane ? soupira-t-il dans son cou.

— Trop tôt, Charles. Trop tôt. Nous avons eu beaucoup d'évènements à gérer, et je...

— Tu n'es pas prête. Je sais.

— Attends que je trouve un job...

— Je ne te forcerai pas la main, Jane. Mais je t'aime et je ne lâcherai pas l'affaire. Si au moins tu m'autorisais de longues fiançailles... Genre, l'éternité si tu veux.

— Pourquoi tiens-tu tant à ce que je porte une bague, Charles ?

— Parce que j'ai LA bague et que je suis excité à l'idée de te l'offrir. J'aimerais voir ton visage en la découvrant.

— Tu as acheté une bague ? Avant même de savoir si... Tu es vraiment... Charles, je t'aime, dit-elle en l'enfermant entre ses bras.

— Mais tu ne veux pas de ma bague ?!

Jane soupira en souriant avant de répondre.

— Très bien, M. Bingley. Après cette entrevue fatidique avec ta famille au grand complet dont je ne suis pas sûre de sortir vivante, si aucune des personnes présentes ne semble avoir de griefs contre moi, et que tu veux toujours me demander en mariage, tu pourras le faire. Ça te va ?

Charles ne répondit rien. Il s'écarta de sa bien-aimée. Et avec un sourire malicieux, il murmura :

— Tu sais que tu viens d'accepter de m'épouser, là ?

— Je n'ai pas dit que j'accepterai ta demande. J'ai dit que tu pourrais la faire.

— Jane Bennet ! s'exclama Charles en la plaquant doucement contre le mur de la chambre. Tu sais que si nous n'étions pas attendus chez mes parents dans moins d'un quart d'heure, je t'arracherais tes vêtements et je te ferais gémir jusqu'à ce que tu abdiques et ravales tes méchantes paroles ?!

— Mais nous sommes attendus, dit simplement Jane en l'embrassant dans un sourire.

— Tu es diabolique.

— Mais tu m'aimes.

— Mais je t'aime, répéta-t-il en souriant à son tour. Je t'aime chaque jour un peu plus.

***

La décoration de la maison était à l'aune de celle du jardin, somptueuse et débordante de lumière. Pas de sapin en plastique ayant connu chaque occupant de la maison depuis l'enfance. Pas de décoration faite par les mains malhabiles de bambins surexcités. Pas cette atmosphère bien particulière de la maison Bennet en période de fête. Une sorte de mélange d'odeurs et de sons chaleureux et réconfortants. : biscuit, épices, viande rôtie, sauce généreuse, pulls moches, rires et papier froissé.

Il n'y avait rien de cela dans la demeure des Bingley. Ici, tout était très beau. Au millimètre. Comme une maison décorée pour faire un shooting de magazine déco. Rien ne traînait, et les odeurs s'arrêtaient obligeamment à la porte de la cuisine. Même le gigantesque sapin décoré avec faste qui trônait dans le grand hall d'entrée, ne dégageait aucune senteur digne de sa variété. Un miracle qui ne s'opérait que dans les maisons de ce genre.

Jane était, bien sûr, impressionnée par les dimensions du lieu et le déploiement de richesse. Pourtant, comme à son habitude, elle n'en montra rien. Le sourire aimable et l'œil pétillant, elle salua l'ensemble de la famille que Charles lui présentait au fur et à mesure qu'ils pénétraient dans ce temple du luxe et du bon goût.

Elle ne regretta pas sa décision de choisir une robe longue. Les regards étaient déjà assez inquisiteurs comme cela. Elle imaginait sans mal ce qu'ils auraient pu être si elle avait, en plus, exhibé ses jambes couvertes de cicatrices.

Trop concentrée sur son sourire et sur les amabilités qu'elle débitait à la chaîne, elle n'entendit pas le premier murmure de Charles. Il lui fallut une caresse sur son épaule pour qu'elle revienne à la réalité.


Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant