Chapitre 83 Un sacrifice à la hauteur de son amour

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Wilmington. Hiver.

Philip Newell avait accepté l'argent contre la destruction de la vidéo, et exigé que Fitz redevienne son avocat au cas où la famille Bennet aurait eu des velléités de procès contre lui. Ayant appris tardivement la relation de Darcy avec la seconde sœur Bennet, il se réjouissait encore plus de la situation.

Non seulement, il avait réussi à salir les Bennet de manière magistrale, mais en plus il empêchait Elizabeth, son ennemie déclarée, de vivre un amour contre lequel elle semblait incapable de lutter, selon sa jeune sœur. C'était jouissif.

Il avait cependant été étonné que l'avocat accepte ses conditions. Mais il n'avait pas cherché à comprendre. Il pensait juste que l'amour entre Elizabeth et Darcy n'était pas si réciproque que ça. Ça aussi, ça l'avait beaucoup amusé.

Philip s'assit confortablement devant la vitre du restaurant qui donnait sur la rue et savoura son café. Il s'en sortait plutôt bien. Sans compter que Lydia aurait bientôt 18 ans et qu'il comptait bien la recontacter après son anniversaire. Son ami Fairfield avait beaucoup apprécié leur nuit ensemble. Il payerait sans doute généreusement un autre rendez-vous.

***

Fitzwilliam était comme un fauve en cage. Il tournait et retournait la situation dans sa tête en vain. Il ne voyait pas comment il aurait pu faire autrement pour préserver autant que possible les Bennet. C'est lui qui avait retrouvé Newell et Lydia. C'est lui qui avait payé pour la destruction de la vidéo. Et il avait accepté le marchandage de Newell pour le tenir à l'œil, pour éviter que cette affaire ne se termine plus mal encore. Il avait redouté que Phil ne s'échappe avec Lydia.

Il se doutait qu'Elizabeth devait lui en vouloir, mais il ne pouvait lui révéler la nature de sa contribution au sauvetage de sa sœur. Il ne voulait pas qu'elle pense lui devoir quelque chose, que son regard sur lui change, qu'elle modère sa véritable personnalité parce qu'elle lui aurait été redevable. Il ne l'aurait pas supporté. d'un autre côté, il était incapable de ne pas l'aimer et de ne pas souffrir de leur éloignement. Mais il tiendrait, il le fallait.

Son téléphone vibra sur son bureau. Charles Bingley. Il ne répondit pas. Pas encore. Il attendrait le mariage de son ami pour reprendre contact. D'ici là, il saurait si Newell était réellement hors-jeu ou s'il préparait un autre coup en douce.

***

Contrairement à ce qu'aurait pu prévoir l'ensemble de la famille Bennet, Elizabeth ne se mit pas en colère à l'annonce que son père avait faite au sujet de Fitzwilliam Darcy. Elle était restée très calme. Elle avait juste ramassé sur le sol, les débris de sa tasse et le liquide. Et c'était presque pire.

Ce soir-là, alors que la famille mettait Lydia au courant des dernière informations collectées pour qu'elle entende raison concernant Newell, Elizabeth n'avait pas participé, ni même adressé la parole à sa sœur. C'était si étrange que même l'intéressée s'en était étonnée.

— Tu crois qu'Elizabeth ne m'adressera plus jamais la parole ? chuchota Lydia au creux de l'oreille de Catherine.

La jeune fille était venue se réfugier dans le lit de sa sœur pour tenter de se faire pardonner de sa virulence au moment de son retour. Catherine la tenait serrée contre elle, le nez dans ses cheveux.

— Je n'en sais rien.

— Je crois que je préfère quand elle m'engueule.

— Le mieux ce serait qu'elle n'ait pas à le faire.

— Je sais, soupira Lydia.

La jeune fille se rendait bien compte maintenant que Newell s'était foutu d'elle. Elle n'avait encore parlé à personne du message qu'elle avait trouvé sur sa messagerie, signé de sa part. Il lui expliquait qu'il voulait la revoir. Peu importait ce que sa famille dirait de lui. Tout était faux. Il l'aimait et se languissait d'elle et de sa fraîcheur. La dernière remarque prenait un tout autre sens à présent qu'elle avait vu la photo de la boite aux polaroids. Philip Newell aimait la chair fraîche.

Pour autant, elle ne regrettait pas les moments passés avec lui. Elle s'était bien amusée et avait eu du plaisir. Or, elle ne comprenait pas pourquoi, elle aurait dû se montrer contrite pour ça. Elle n'avait fait de mal à personne en réalité. Elle avait juste voulu vivre autre chose.

Que des personnes extérieures aient pris la décision d'arrêter Newell en lui donnant de l'argent, elle ne le comprenait pas. Qu'aurait bien pu faire cet idiot ? Mettre la vidéo en ligne ? Et alors. Elle n'avait pas honte de ce qu'elle y faisait. C'était là tout le problème.

Lydia ne réalisait pas ce qu'aurait impliqué pour elle la diffusion d'une telle vidéo. Pour elle et pour ses proches.

— Comment ça va finir, selon toi ?

— Pour toi ? Sanction physique et couvent, probablement.

Lydia jeta un oeil étonnée à sa sœur. Catherine n'était pas celle qui faisait ce genre de blague d'habitude. Elle ne la connaissait pas aussi détachée.

— Mais non... pas pour moi, répondit Lydia très sérieusement, comme si elle acceptait cette sanction incongrue et d'un autre siècle. Pour Lizzie et Fitz.

— Pas bien. Je le crains. Elle doit lui en vouloir à mort. Comme elle doit s'en vouloir. Elle ne lui pardonnera pas de protéger celui qui voulait te faire du mal.

— Il ne m'a rien fait, tu sais ?

— Il t'a salie, Lydia. Je suis peut-être très romantique et naïve, mais tu sais, les filles qui se retrouve dans ce genre de vidéo sur le net, galèrent pour être vue comme autre chose que des corps dont on peut se servir à volonté... pour parler poliment. Elles doivent se battre. Et souvent, elles perdent. Pas de gloire de cette manière, Lydia. S'il t'a fait croire le contraire, il t'a menti.

— Je fais quoi, alors ?

— Je ne sais pas.

— Si j'allais m'excuser ?

— Lydia ? Tu envisages vraiment de t'excuser ?

— Je ne vois pas trop pourquoi ! Enfin si ! Enfin non ! Merde ! C'était super ! Tu n'imagines même pas !

— Qu'est-ce qui était super ?

Lydia ne répondit pas. Elle ne voulait pas blesser de nouveau Catherine en lui parlant de sexe. Elle ne savait toujours pas si sa si discrète sœur avait sauté le pas avec l'un de ses rares petits amis.

— Baiser, dit alors une voix sans ton particulier à la porte de Catherine.

Elizabeth se tenait dans l'embrasure. Elle était habillée pour partir à moto. Elle avait attendu que tout le monde dorme pour s'en aller. Elle avait besoin de quitter cette maison. Elle ignorait si elle y remettrait les pieds de sitôt. Elle avait besoin de réfléchir et ne le pouvait pas ici. Mais en passant devant la porte de Catherine, elle n'avait pu éviter d'entendre ses sœurs.

Elle entra et s'assit au bord du lit de Catherine. Dans les bras l'une de l'autre, ses deux sœurs l'observaient en silence.

— Baiser est plaisant, Lydia, mais ça n'est pas la vie. La vie, c'est un ensemble de choses incroyables qui tombent plus ou moins opportunément, et que tu saisis ou pas. Avec Newell, il n'y a jamais rien eu à saisir. Il s'est servi de toi. L'aspect positif, c'est que tu en as retiré une expérience plaisante. D'un côté, je suis heureuse que ton insouciance t'ait permis d'en profiter. Mais imagine si ça n'avait pas été le cas. Est-ce que tu crois que si tu lui avais dit non lors de la première soirée, il t'aurait laissée tranquille ? Pose-toi juste cette question, Lydia, et essaye d'y répondre objectivement.

La voix d'Elizabeth était étonnamment calme. Comme éteinte. Elle se leva avant que sa sœur ne réponde quoique ce soit et sortit. Quelques minutes plus tard, Catherine et Lydia entendirent le vrombissement du moteur de la moto s'éloigner. Elles n'avaient toujours rien dit.


Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant