Chapitre 74 L'orage qui approche

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Wilmington. Noël. Jane & Elizabeth.

Jane et Charles se serraient l'un contre l'autre, observant Lydia et Kitty accueillir Mathilda parmi eux. Puis, ils se fixèrent sur le manège d'Elizabeth et Fitz.

— Je crois qu'il va passer un sale quart d'heure, dit Jane non sans sourire cependant.

Si elle avait dû parier, elle n'aurait pas déposé une mise sur l'avocat. Sa sœur n'avait laissé filtrer aucun indice quant à l'identité de celui qui la perturbait. Jane avait pensé que peut-être Chapman avait eu gain de cause et était revenu dans les bonnes grâces d'Elizabeth. Elle aurait accepté ce choix, même si elle ne l'aimait pas.

Elle trouvait le choix de Fitzwilliam Darcy inattendu, mais réjouissant, car elle savait maintenant que, en dehors de sa capacité innée à énerver son monde, il n'était pas aussi désagréable qu'il voulait le faire croire, et que, si Elizabeth lui en laissait l'opportunité, il saurait rendre heureuse sa sœur autant qu'elle pouvait l'être. À sa façon. C'est à dire de manière bien différente que Charles s'y prenait avec elle.

Mais elle n'était pas Elizabeth pensa-t-elle en sentant la bague qu'elle portait désormais. Non. Jane n'était pas Elizabeth.

— Tu étais au courant, n'est-ce pas ?

— De quoi, mon amour, murmura Charles en buvant bien opportunément une gorgée de sa bière.

— Charles ?

— Jane ?

— Tu ne vas rien dire ?

— J'ai promis de rester neutre comme la Suisse.

— Vraiment ?

— Bon... je ne veux pas que tu te fâches. Hein ?

— Vas-y déballe ! s'exclama Jane en souriant devant la vraie inquiétude qu'elle lisait dans les yeux de son fiancé.

— Je lui ai dit que c'était une mauvaise idée à moins de vouloir déchaîner les foudres de tous les dieux sur lui. Il n'a rien écouté. Il peut être têtu quand il veut cet idiot ! Et maintenant, il débarque ici, avec son air de Calimero en colère. C'est sûr que ça ne va pas arranger l'humeur de ta sœur.

— Parce que tu crois que ça n'était pas prévu ?

— Elle l'a jetée avant hier.

— Non ?!

— Si. Une histoire de rendez-vous manqué, je crois, mais ne m'en demande pas plus, je n'ai pas de détail. Je ne sais même pas si leur relation en est une. S'il n'avait pas laissé échapper une information qui m'a mis sur la piste d'une rupture, je n'aurais jamais rien su probablement. Fitz a été des plus nébuleux quand je lui ai posé des questions.

— Donc il est là sans avoir été invité. Je crois qu'il va nous falloir temporiser.

— Tu crois ? demanda Charles avec le vain espoir qu'elle réponde par la négative tant il n'avait pas envie de se retrouver entre Elizabeth et Fitz.

— C'est évident. Regarde-les !

— Quoi ?

— Ils se retiennent de se sauter dessus. On va les séparer ?

— Attends encore un peu. Ils ont des choses à se dire, c'est manifeste. Ils doivent éclaircir les choses.

— Et tu crois que ça va se faire comme ça ?

— Je crois que ces deux-là nous réservent encore bien des surprises.

— S'ils ne s'étripent pas avant !

— Non. Il y aura d'autres disputes, mais le jeu est fini. Je connais Fitz. Et crois-moi, je ne l'ai jamais vu comme ça. Même pas avec Riley.

— Riley ?

— Tu te souviens que je t'ai dit un jour que nous avions appris de nos erreurs, lui et moi ?

— Oui.

— Et bien, l'erreur principale s'appelait Riley.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Nous sommes tombés amoureux de la même fille. Enfin, lui est tombé amoureux d'elle en premier. Moi, je crois surtout que je n'ai fait que ramasser les morceaux.

— C'est peu glorieux.

— C'était l'année où ses parents sont morts. Un moment étrange de nos vies. Déterminant aussi. Bref. Quoi qu'il en soit, je ne l'ai plus jamais revu amoureux après Riley. Et, même quand il l'a été d'elle, il n'était pas comme ça.

— Elizabeth non plus n'a jamais été comme ça.

— C'est un signe.

— Le signe de quoi ? Qu'ils ne vont pas s'étriper sous le sapin des Bennet ?

— Fitz est trop bien élevé pour ça. Et puis, le match est fini pour lui, je te l'ai dit.

— Et ça veut dire quoi ?

— Il va se dévouer corps et âme à Elizabeth. Il est comme ça.

— Genre chevalier servant ?

— Genre champion de la dame.

— Ils vont s'étriper, finit par dire Jane en se refixant sur les deux protagonistes de leur conversation.

— Tu n'as pas confiance en ta sœur ?

— Ça n'a rien à voir avec la confiance. C'est juste que je ne l'ai jamais vue amoureuse. Avec elle, ça peut donner des choses totalement inattendues...

— Bon. Tu as peut-être raison. Si Fitz est prêt, ta sœur en revanche... elle paraît prête à l'atomiser à coup de bûche glacée.

— Allons-y avant qu'elle ne mette ses menaces à exécution...


Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant