Wilmington. Automne. Jane & Charlotte.
— Tu pourrais envisager une reconversion, dit Mme Bennet à son aînée au dîner.
Revenue pour le week-end, Jane sourit en entendant sa mère, mais son regard était rivé sur Charlotte qu'elle avait réussi à entraîner dans son sillage. Son amie était effectivement un peu pâlotte et taciturne. Comme si quelque chose la tracassait, mais qu'elle n'osait pas en parler. Jane avait bien l'intention de briser la digue qui la retenait après le dîner.
Charlotte faisait souvent de mauvais choix en matière de mec. Et comme Jane avait été indisponible pendant un long moment, elle pensait que son amie avait encore une aventure avec un mec à problème.
— Une reconversion ? En quoi ? Massage de cicatrices ? répondit-elle à sa mère avec ironie.
— Arrête un peu ! Tu as beaucoup de talents en massage de cicatrices. Ne te rabaisse pas ! dit sa mère en faisant un trait d'humour.
Elle aussi, elle avait senti que quelque chose plombait l'atmosphère. En mère inquiète, elle pensait qu'il s'agissait des échecs de sa fille face à sa recherche d'emploi.
— Tu pourrais demander au Winter Stable. Peut-être qu'il te prendrait contre rémunération. Après tout Vera n'est plus toute jeune. Elle pourrait apprécier avoir de l'aide.
— Je n'ai pas les diplômes requis.
— Mais on s'en fout, tente ta chance ! En plus, comme ça, tu seras avec nous, dit Lydia au grand étonnement de Jane.
L'aînée des Bennet n'aurait pas pensé que Lydia apprécia sa présence parmi eux. Mais son séjour à New-York où elle avait travaillé pendant un mois cet été semblait l'avoir fait mûrir. Toutefois, pas assez, car la suite de la réplique de la plus jeune lui ouvrit les yeux.
— Quand tu es là, maman est moins sur mon dos, sœurette ! ajouta Lydia avec un petit clin d'œil.
— Lydia !
— Ben, c'est vrai. Depuis que Mary est partie, tu as un peu trop reporté ton attention sur Kitty et moi. Genre beaucoup.
— Vous avez des nouvelles de Mary ? demanda Jane contente de changer de sujet.
Elle était consciente qu'elle était en partie responsable des grands bouleversements qui avaient touché sa famille cette année. Et inéluctablement, elle était donc aussi responsable des mauvaises habitudes que sa mère avait repris en ayant toutes ses filles sous la main aussi souvent.
— Pas vraiment. Depuis qu'elle est partie à Boston, elle répond à peine à mes messages et ne décroche jamais. Soi-disant parce que son nouveau travail demande concentration et discrétion. Je m'inquiète.
— En tout cas, s'il y en a un qui ne s'inquiète pas pour elle, C'est Finn Collins ! Il n'arrête pas de faire des voyages mystérieux vers New-York. Il a dû se trouver une poule là-bas, ajouta Lydia en avalant une grosse bouchée de haricots verts avec son poulet.
Près de Jane, Charlotte ne put réprimer un hoquet de surprise. Elle ne s'attendait pas à ce que l'on parle de Finn Collins. Elle regrettait d'être venue. Elle regrettait tant de choses.
— Charlotte ? Ça va ? Tu es de plus en plus pâle ? Tu es malade ? demanda gentiment Kitty qui s'inquiétait vraiment.
— Non. Je vais bien. Je vais parfaitement bien. Je... Je n'ai pas très faim. Le voyage m'a un peu brassé. Je vais... Je vais prendre l'air, si ça ne vous dérange pas ? dit-elle en se levant de table.
Jane la regarda sortir, incrédule, avant de se lever à son tour pour la rejoindre. Personne n'eut d'objection. Charlotte avait un problème, c'était évident. Restait à savoir lequel ? Même si, en regardant l'assiette que la jeune femme n'avait quasiment pas touchée, Mme Bennet commençait à entrevoir une possibilité que personne ne semblait avoir envisager jusqu'à présent.
***
L'automne était particulièrement froid cette année. Le vent vif s'infiltrait partout, et Jane regretta aussitôt passée la porte, de n'avoir pris que son gilet pour sortir sur le perron. Elle en resserra les pans en s'avançant vers son amie.
— Charlotte ? Dis-moi ce qui ne va pas ? Je sais qu'il y a un truc qui cloche !
— Ça va, Jane. Tout va bien.
— Non. Ça n'est pas vrai ! Charlotte... On est amie ! Tu peux tout me dire, tu sais.
— Pas cette fois, Jane...
— Écoute, je vois bien que ça ne va pas. Je ne te lâcherai pas tant que tu ne m'auras pas dit ce qui te tracasse.
— Jane. Tu vas me détester.
— Te... détester ? Mais pourquoi voudrais-tu que je te déteste ? Charlotte ? Il s'agit d'un mec ? Tu as replongé avec Jimmy ?
— Non. Il ne s'agit pas de Jimmy ! Il est marié, figure-toi !
— Jimmy est marié ? Qui est l'inconsciente qui lui a dit oui ? Non ! Hé ! Tu essayes de noyer le poisson ! Si c'est pas Jimmy, c'est qui ?
— Tu vas me détester, répéta Charlotte.
Emmitouflée dans sa veste, le nez dans un foulard enroulé à la va-vite autour de son cou, la jeune femme s'était assise sur les marches du perron de la maison. Elle plongea son visage entre ses mains légèrement rougies par le froid. Jane la rejoignit, même si s'asseoir à cet endroit lui coûta une grimace.
— Je te promets de ne pas te détester Charlotte Lucas. Raconte...
— Je suis enceinte, Jane...
— Nom de d... Tu es enceinte ? Mais pourquoi voudrais-tu que je te déteste pour ça, Charlotte ?
— Tu ne sais pas qui est le père...
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Les sœurs Bennet
Literatura FemininaCette histoire s'inspire très librement des personnages d'"Orgueil et préjugés" de la grande Jane Austen. Pas de comparaison possible, mais un roman autour des sœurs Bennet de nos jours. Cinq sœurs, cinq cœurs en quête d'amour, cinq destins romanti...