Wilmington. Mai. Lydia.
— Papa ! Maman ! Je crois que...
— Lydia ! Arrête immédiatement de t'empiffrer de crêpes ! Laisses-en pour ce soir !
— Maman ?!
— Quoi ?
La sonnette de l'entrée retentissant à ce moment-là, Lydia ne put répondre à sa mère. Cependant, parce qu'elle, elle avait vu qui sonnait à la porte depuis la fenêtre de la cuisine, elle s'empressa d'engouffrer son dernier morceau de crêpe et prépara son smartphone. Les prochaines minutes risquaient d'être épiques.
***
— M. Newell ?
La voix de Georges Bennet marquait l'étonnement autant que l'ignorance. Son regard vague indiquait qu'il cherchait à savoir si on lui avait dit que ce monsieur devait passer, et s'il l'avait oublié, comme un grand nombre d'informations transmises par sa femme en général.
— M. Bennet. Je voulais vous parler...
— À moi ? Je suis...
— Georges ? Qui est-ce ? Si c'est encore des témoins de Jehova, tu peux leur dire d'aller rôtir en enfer avec toute leur engeance ! Si c'est un représentant d'aspirateur ou de tout autre ustensile ménager, tu peux lui dire la même...
Mme Bennet n'acheva pas sa tirade qu'elle avait commencée en arrivant de la cuisine. À la vue de Philip Newell, de son bouquet de fleurs et de sa bouteille de vin, elle referma la bouche et accentua son air contrarié.
— M. Newell ? Que nous vaut le déplaisir...
— Je... Le déplaisir ? Mais...
— M. Newell, vous n'êtes pas le bienvenu ici. Je vous prierais de partir.
— Mme Bennet ! Nous nous connaissons depuis cinq ans ! Laissez-moi une chance de m'expliquer !
— M. Newell, vous avez brisé le cœur de l'une de mes filles,et par la même occasion, ses espoirs de mariage. Alors je ne vois pas pourquoi je vous laisserais une chance. Une chance de quoi, d'abord ?
— De m'expliquer ! Jane ne m'écoute pas ! Elle m'a jeté dehors comme si cinq années ensemble avaient été sans importance ! Je sais qu'elle est influencée par sa sœur ! Mais j'ai pensé que vous...
— Vous avez pensé qu'en disant du mal de ma seconde fille, je vous écouterais geindre concernant l'erreur monumentale que vous avez fait subir à mon aînée...
— Non. Je ne voulais pas dire ça... enfin, pas comme ça...
— Je ne peux rien pour vous, M. Newell. Partez !
— Vous pourriez intercéder auprès de Jane ! Lui faire entendre raison ! On ne jette pas cinq années d'une relation stable et harmonieuse comme ça !
— Intercéder auprès de Jane ! Et bien, vous êtes sacrément gonflé jeune homme ! s'exclama alors Mme Bennet, poing sur les hanches et torse en avant.
Ce qui n'était vraiment pas bon signe pour Newell. Lydia ricanait en silence depuis le pas de la porte d'entrée, en filmant la scène. Elle s'amusait comme une petite folle.
— Mme Bennet ! Comprenez-moi...
— Que je vous comprenne, foutredieu ! s'écria Milliscent.
— Millie, s'exclama Georges inaccoutumé à ce que sa femme parle aussi vulgairement.
— Je m'excuse Georges, mais cet imbécile veut...
— Cet imbécile a partagé la vie de votre fille pendant cinq ans et vous l'avez accueilli à de multiples reprises avec ...
— Et à cause de cela, il faudrait que je vous comprenne ? Que je comprenne que vous n'êtes qu'un menteur ! Un fieffé coquin qui, en plus d'avoir trompé ma fille, la considère inapte à prendre une décision par elle-même, au point d'accuser sa sœur, et de venir quémander que nous lui fassions entendre raison ? Quel genre d'homme êtes-vous, M. Newell pour prétendre aimer ma fille sans la respecter ? Ah ! oui ! Suis-je sotte ! Le genre à tromper sa fiancée dès que l'occasion se présente. J'imagine que vous alliez me dire que c'était une erreur, que vous aviez trop bu, que vos amis sont les idiots qui vous ont poussé à faire cette sottise ! Vous devriez partir, M. Newell avant qu'il ne vous arrive encore quelque chose dont vous ne serez fatalement pas responsable !
Milliscent Bennet pointait un doigt menaçant vers Philip Newell qui s'était mis à descendre les marches du perron à reculons sous la menace. Il trébucha en touchant les graviers de l'allée du jardin et, déséquilibré, lâcha bouquet et bouteille pour se rattraper à la rampe. Évidemment, la bouteille se brisa, répandant le vin sur la terre comme une flaque de sang, et les fleurs atterrir tête en bas dans la pelouse peu entretenue. Il jura, et Mme Bennet en rajouta, ce qui fit fuir définitivement l'ex-fiancé de Jane.
Lydia avait tout filmé. Elle se réjouissait déjà du post qu'elle allait faire, et du buzz qui en découlerait. Sa mère avait été parfaite, et son père aussi. Quant à Newell, il faisait une victime tout aussi réussie. « Un vrai chef-d'œuvre » pensait-elle en préparant sa publication.
Une main jaillit brusquement de derrière elle et lui soutira son smartphone à la vitesse de l'éclair.
— Kitty ?! s'écria Lydia outrée que sa sœur ose lui voler son téléphone.
— Tu ne publieras pas cette vidéo, Lydia !
— Quelle vidéo, Catherine ? demanda aussitôt Mme Bennet qui maintenant qu'elle s'était assurée que Newell fut parti, avait récupéré les débris de verre et fait ramasser le bouquet de fleur par George.
— Celle qu'elle vient de faire de cette dispute en public.
— Lydia ! C'est du domaine privé ! Comment peux-tu...
— Du domaine privé ? Attends ! Toute la rue en a profité !
— Ce sont nos voisins pas des inconnus à l'autre bout du monde ! Tu m'excuseras de faire la différence ! Catherine, Tu l'as effacée ?
— Oui, répondit laconiquement la quatrième fille en rendant son smartphone à Lydia.
— Tu aurais pu au moins la garder pour Jane et Elizabeth. Je suis sûre que ça leur aurait plu ! lâcha Lydia contrariée.
— Je l'ai envoyée à Lizzie, se contenta de répondre Catherine en disparaissant dans la maison.
Informer la seconde sœur était le minimum. Catherine, comme tous les autres membres de cette famille, savait que Jane était en train de vivre une semaine décisive pour son avenir amoureux. Plus personne n'ignorait l'intérêt de Charles Bingley pour l'aînée des Bennet. Et chacun était d'accord pour dire que Jane méritait un tel homme, s'il était à la hauteur de ses espérances à elle.
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Les sœurs Bennet
ChickLitCette histoire s'inspire très librement des personnages d'"Orgueil et préjugés" de la grande Jane Austen. Pas de comparaison possible, mais un roman autour des sœurs Bennet de nos jours. Cinq sœurs, cinq cœurs en quête d'amour, cinq destins romanti...