Wilmington. Avril. Jane.
Dès qu'elle avait réintégré sa chambre d'ado, Jane avait consulté tous les messages qui s'étaient accumulés pendant trois semaines. Elle avait conclu une ou deux choses de cet exercice fastidieux et désagréable.
Un : son ex était non seulement vindicatif, mais aussi d'une mauvaise foi sans borne. Deux : ses patrons étaient des enfoirés de première. Ces derniers avaient profité de ses vacances pour lui annoncer que l'entreprise avait décidé de se séparer d'elle, comme d'un certain nombre d'autres collaborateurs d'ailleurs.
Elizabeth allait se mettre en pétard. C'est sûr !
Jane s'était contentée de s'allonger sur son lit, les yeux rivés au plafond. Que les éléments, pourtant si évidents de son existence, tombent en ruine aussi vite, la laissait perplexe. Et devant tant d'incertitudes, elle laissa son esprit vagabonder.
Bien sûr, il s'accrocha à la seule chose qui lui avait apporté un peu de réconfort ces trois dernières semaines : les chevaux. Mais penser aux chevaux, c'était penser à Olympus. Et penser à Olympus amenait fatalement à penser à Charles Bingley. Charles Bingley.
Discuter avec lui avait été comme une évidence. Rire avec lui aussi. Se perdre dans ses yeux, se sentir désirée, vouloir sa bouche et découvrir le reste... Houla ! Jane se redressa aussitôt pour se secouer. Pas question de penser à ces choses-là ! Elle fila se mettre en pyjama et s'interdit de penser de nouveau au beau et séduisant Charles Bingley. Et puis, de quoi elle aurait l'air si elle succombait ? Franchement ! Trois semaines de célibat et la voilà prête à sauter sur le premier venu ! No way !
Jane Bennet n'était pas ce genre de femme. Jane Bennet allait écraser de son mépris incandescent Philip Newell. Elle allait lui montrer qu'elle était irréprochable et qu'il n'était qu'un idiot. Elle allait le laisser à sa bomba latina, même si elle était à peu près sûre que cette fille avait déjà jeté son ex. Les filles à gros seins ne sont pas stupides pour autant. Elle aura tout de suite vu le crétin en Phil.
Parce qu'il fallait s'en tenir une sacrée couche pour se photographier en train d'emballer une autre fille que sa fiancée et de publier la photo dans la foulée. Il avait beau lui écrire que c'était une erreur, une blague de ses potes... ça ne prenait pas avec elle. Elle le connaissait. Il avait dû faire une fausse manip, mais la photo, c'est bien lui qui l'avait prise.
***
— Jane ? Tu es visible ? murmura Elizabeth en entrebâillant la porte de la chambre.
— Entre, Lizzie. Qu'est-ce qu'il y a ?
— Je venais discuter de ce soir et de...
— Maître Darcy ?
— Plutôt de Charles Bingley... petite cachottière ! s'exclama Elizabeth en s'installant sur le lit, assise en tailleur.
— Tu peux parler !
— C'est bon ! Je t'aurai tout dit une fois que tout aurait été conclu. Je ne voulais pas encombrer ta jolie tête de tout ça !
— Merci, mais c'est quand même de mon ex que l'on parle ! De ma vie, Lizzie !
— Le mot important dans ta phrase, c'est « ex » ! Phil doit sortir de ta vie pour que tu puisses rebondir. Or, il s'accroche comme une sangsue.
— Il regrette peut-être...
— Et donc ? Tu vas le reprendre ?
— Non ! s'exclama Jane sans hésitation comme si cette idée même la révulsait.
— Ah ! Ah ! Ce Charles Bingley te fait donc autant d'effet...
— Lizzie ?!
— Quoi ?! J'ai vu comment tu le regardais, et crois-moi, il l'a vu aussi !
— Je suis aussi transparente que ça ? murmura Jane désespérée, en mettant ses mains sur ses joues rougies.
— Non, Jane. Mais tu ne sais pas mentir. C'est tout. Alors quand quelque chose te rend heureuse, ça se voit. L'inverse également. Donc, j'en conclus que Charles te plaît.
— Oui, mais je ne suis pas ce genre de femme !
— Quel genre ?
— Qui passe d'un homme à l'autre aussi rapidement.
— Tu veux dire comme moi ? sourit Elizabeth en rapprochant son visage de celui de sa sœur.
— Mais non !
— Mais si ! Mais ne t'inquiète pas, sœurette ! Je ne suis pas fâchée ! Si je papillonne, c'est que je ne trouve pas le bon.
— Et tu n'as pas besoin de cinq longues années et un presque mariage pour le savoir, soupira Jane en baissant la tête.
— Hé ! Chacun ses tares ! Ok ! Tu es championne toutes catégories du carrot cake... alors que moi, je sais à peine faire bouillir de l'eau !
Jane sourit parce qu'elle savait que c'était faux. Elizabeth n'aimait pas cuisiner, mais ça ne voulait pas dire qu'elle en était incapable. Elle ne faisait aucun effort et savait mettre en concurrence tous les restaurateurs autour de chez elle, c'est tout.
— Pour parler plus sérieusement... Darcy m'a dit que tu n'avais plus de boulot...
— Il est bien renseigné ton avocat !
— D'abord, ça n'est pas « mon » avocat, mais celui de Phil, et ensuite, c'est vrai ?
— Oui. Je viens de l'apprendre. Je fais partie de la dernière charrette...
— C'est pas croyable ! C'est légal de te virer alors que tu es en vacances !
— Ils font ce qu'ils veulent, tu sais...
— Merde !
— Ça n'est pas grave !
— Mais si ça l'est ! Mais si ! C'est pas le moment ! Bordel !
Jane se rapprocha de sa sœur et vint poser sa tête sur son épaule. Elle soupira sans pleurer cependant. Elle n'en avait même pas envie. L'effet Charles Bingley peut-être ? Elizabeth la serra contre elle.
— Il te plait vraiment ce Charles Bingley ?
— Oui, mais je vais résister.
— Tu vas résister ?
— Oui. Je ne suis pas prête.
— Le fait qu'il te faut résister est peut-être la preuve du contraire.
— Pas de discussion. Je vais résister. Et toi ?
— Moi ? Je suis à peu près sûre de pouvoir résister à Charles Bingley, répondit Elizabeth en souriant.
— Idiote !
— Quoi ?!
— Tu sais très bien que je ne parle pas de Charles, te concernant ! Mais de Darcy !
— Dar... quoi ? Je ne vois pas de qui tu parles, lança Elizabeth en se détachant rapidement de sa sœur pour disparaître au plus vite dans un éclat de rire.
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Les sœurs Bennet
ChickLitCette histoire s'inspire très librement des personnages d'"Orgueil et préjugés" de la grande Jane Austen. Pas de comparaison possible, mais un roman autour des sœurs Bennet de nos jours. Cinq sœurs, cinq cœurs en quête d'amour, cinq destins romanti...