Chapitre 16 De l'intérêt d'être une pâtisserie aérienne

313 72 8
                                    

Wilmington. Avril. Jane.

Jane avait monté Olympus tous les jours de cette semaine, car son propriétaire était absent. Elle l'avait étrillé, pansé, et bichonné avec application, avant ou après s'être occupé des cinq poneys dont elle avait aussi la charge. Elle faisait également une permanence à la boutique et venait au secours de n'importe lequel des palefreniers qui en faisait la demande.

Jack Machador avait compris qu'il fallait qu'elle soit occupée. Alors il l'avait occupée. Cela permettait à la jeune femme de ne réfléchir que le soir quand elle rentrait. Et encore, pas très longtemps, tant elle était fatiguée de sa journée.

On était vendredi, Jane avait eu son après-midi qu'elle avait passé dans son lit à dormir. Résultat, elle était en forme à 19h. Elle avait donc décidé de sortir au bar et d'y attendre l'arrivée de sa bikeuse de sœur. Elizabeth lui avait promis d'être là vers 20h.

Le brouhaha se mêlait à un fond musical quasi inaudible. Un match de basket défilait sur un écran au-dessus du comptoir, mais ne passionnait personne. Assise à une table près de la vitre extérieure du bar, Jane observait la rue et les passants, peu nombreux car, si le soleil se montrait généreux en journée, l'air était encore froid pour la saison, et la pluie était annoncée dans les jours à venir.

Elle faisait tourner son smartphone dans sa main sans arriver à se résoudre à l'allumer. Cela faisait maintenant trois semaines qu'elle squattait sa chambre d'ado chez ses parents. Trois semaines que Philip l'avait trompée. Trois semaines qu'elle faisait le point avec elle-même. Trois semaines qu'elle évitait la confrontation.

Elle fixa l'écran noir. Effleura le bouton d'allumage, mais n'appuya pas.

— À moins de maîtriser la Force, jeune padawan, ce téléphone restera éteint tant que vous n'appuierez pas sur le bouton...

Jane était bouche bée. Charles Bingley se tenait face à elle, deux pintes en main. Il sourit sans s'asseoir cependant. Il n'était pas du genre à s'imposer. La jeune femme comprit soudain que la deuxième pinte était sans doute pour elle.

— Asseyez-vous, M. Bingley, je vous en prie.

— M. Bingley ! Holà ! Pas de ça entre nous ! Autrement, ce sera Mlle Bennet, et c'est beaucoup moins chaleureux...

— Je m'excuse...

— Charles. C'est Charles. Je sais, ça fait un peu pompeux. Mais ma famille est pompeuse. Pas mes amis, cependant. Donc, ça peut être Charly pour vous, comme ça l'est pour eux.

— Charly. Ok. Alors, je m'excuse, Charly. Ça me fait bizarre, quand même. On ne se connaît pas.

— D'où la pinte, et la blague débile.

Jane sourit pendant qu'il finit de s'installer en déposant la pinte devant elle. Il était quand même bien charmant ce Charles Bingley. Et manifestement seul.

— Alors ? Un problème de téléphone ?

— Si seulement ça pouvait être aussi facile à régler. Mais non. Je vais être direct, Charly. Je viens de vivre une rupture particulièrement humiliante et difficile. Et je ne suis pas très réceptive aux...

— Avances et autres tentatives d'approches d'un type comme moi.

— Non ! Je ne disais pas ça pour vous... enfin, pas seulement... Je... Je m'excuse.

— Jane. Vous avez été franche avec moi. Je vais l'être également au risque de vous voir fuir à toute jambe, mais avec le faible espoir que vous resterez.

— Je commence à m'inquiéter.

— Pas de quoi, je vous assure. Je ne vais pas vous cacher que je suis sous votre charme depuis notre premier échange de regards dans les écuries. Cependant, je ne suis pas le gars qui va faire semblant de ne pas s'intéresser à vous pour être votre « ami », mais je ne suis pas non plus le gros lourd qui vous harcelait ce jour-là dans les écuries. Je vais rester là, à vous regarder comme la plus appétissante friandise de toute la vitrine du pâtissier, jusqu'à avoir les moyens de vous atteindre. S'il faut que j'attende l'ouverture tardive de la boutique, j'attendrai...

Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant