New-York. Printemps.
— Tu penses encore à ta sœur ?
Charles fixait sa Jane, le bras en suspension au-dessus d'une pile de foulards bariolés. Ils étaient allés faire les magasins ensemble. Le nouvel appartement avait besoin de meubles et de décorations. Au gré de leur balade, ils avaient atterri dans ce grand magasin, fournisseur d'objets divers et de vêtements. Le tout hors de prix, bien sûr.
— Oui, répondit simplement Jane en attrapant l'un des foulards.
— À laquelle ?
— Elizabeth, sourit Jane en déployant le tissu devant son fiancé.
— Tu veux lui acheter ce truc ?
— C'est chaud et doux.
— C'est surtout très... coloré. Fitz va détester ! Jane, tu n'oserais pas donner du grain à moudre à leur relation déjà tumultueuse, n'est-ce pas ?
Jane rit doucement en reposant le foulard. C'était vrai que la relation entre Fitz et Elizabeth faisait des étincelles. Depuis, que Charles et elle avaient annoncé leur prochain mariage au début de l'été, Fitz s'était mis en tête de convaincre sa tempétueuse petite-amie de se marier en même temps qu'eux.
Évidemment, la seconde sœur avait littéralement implosé quand Fitz l'avait demandée en mariage au cours d'un dîner mémorable qui resterait sans doute dans les annales. À la grande surprise de tout le monde, Fitzwilliam Darcy n'avait pas suivi sa bien-aimée furieuse lorsqu'elle avait quitté la salle.
C'est que lui, contrairement aux autres, connaissait bien Elizabeth Bennet désormais. La bombe étant lancée, la déflagration devait continuer à se propager jusqu'à atteindre sa limite. Ensuite, la jeune femme reviendrait vers lui. Parce qu'ils s'aimaient, mais qu'il lui fallait du temps pour bouleverser sa vie afin de vivre cet amour inattendu, passionné.
— Tu crois que ça va prendre longtemps avant qu'elle ne revienne vers Fitz ?
— Aucune idée. Mais je table sur moins d'une semaine. Tu sais...
Jane fut interrompue par l'arrivée d'un message qu'elle consulta par réflexe. Elle était en pleine création d'entreprise. Elle recevait des informations sans arrêt. Mais cette fois, ce qu'elle lut la fit sourire.
— Charles ? Laisse ce que tu tiens dans la main. Nous n'avons pas le temps de passer par les caisses.
— Que se passe-t-il ?
— Charlotte ! Le bébé de Charlotte arrive !
— Mais c'est trop tôt !
***
Debout devant la vitre de la pouponnière de la maternité Elizabeth, Jane et Charles regardait avec tendresse le petit bébé à la peau mate qui dormait paisiblement.
— J'en connais un qui va faire une jaunisse, murmura Elizabeth en souriant.
— Comment c'est possible... ajouta Jane pensive. Charlotte t'a dit quelque chose ?
— Elle est sans voix elle-même. Elle est à peu près sûre de n'avoir couché avec personne d'autre que Finn le mois de la conception...
— À peu près sûre ? répéta Jane, incrédule.
— Tu la connais, non...
— Il va vraiment péter un câble.
— Remarque depuis noël, il ne lui a pas rendu visite. Manifestement, ça ne s'est pas super bien passé entre eux pendant la semaine où ils ont tenté la vie de couple. Peut-être qu'il ne viendra pas, ajouta Elizabeth.
— Mouais, on peut rêver.
— En tout cas, elle est très belle. Regarde-moi cette petite bouille trop craquante ! Tu as déjà vu un aussi joli bébé ! Regarde autour, ils sont tous moches, dit Elizabeth à l'oreille de sa sœur pour que personne ne l'entende.
— C'est vrai qu'elle est très mignonne, ajouta Charles à l'autre oreille de sa fiancée. J'en veux au moins plusieurs du même type... mais si possible qui nous ressemblent, finit-il en l'embrassant dans le cou.
— Vraiment ? Je me disais qu'une petite métisse comme ça, ce serait pas mal, pourtant.
— Mlle Bennet, si vous continuez à me chercher, je vous amène dans le local qui est derrière nous et je m'active immédiatement à la pérennisation de ma filiation, susurra Charles avant d'embrasser langoureusement Jane qui l'enlaça aussitôt.
— Si je vous dérange, vous me le dites, les tourtereaux...
— Je crois qu'effectivement, il serait judicieux de les laisser seuls, Elizabeth, dit alors une voix à son oreille, tandis que deux bras venaient l'enlacer par derrière.
— Ah ! Tu es là, toi ?
— En effet, Elizabeth. Jane m'a prévenu.
— Ah !
Elizabeth ne bougeait pas et n'ajouta rien de plus. Elle était encore dans un tourbillon de contradictions. Elle avait envie de s'abandonner dans les bras de cet homme sur qui elle savait pouvoir compter. Et en même temps, elle avait la furieuse envie de lui montrer qu'elle pouvait se passer de lui. C'était difficile d'être une femme indépendante.
Fitz n'ajouta rien non plus. Il se contenta de la garder dans ses bras sans rien dire. Il fixait la fille de Charlotte en se demandant si un jour, il aurait lui aussi un enfant à aimer. Il savait quel était l'opinion d'Elizabeth, même si elle ne lui avait jamais rien dit concrètement. Il respecterait sa volonté. Il était prêt à ne jamais avoir d'enfant si telle était sa décision. Il l'aimait trop pour exiger quoi que ce soit de ce genre de sa part.
Pris d'un soudain élan de tendresse, il fourra son nez dans le cou de sa bien-aimée et y déposa un baiser en inspirant son parfum. Elle lui avait manqué ces derniers jours. Le nier aurait été vain. Il sentit le corps de la jeune femme se détendre. Elle se tourna finalement vers lui pour l'embrasser.
— Tu es impossible. Tu le sais, n'est-ce pas ? dit-elle en s'écartant de ses lèvres.
— Parce que je t'aime ?
— Parce que tu m'as demandée de t'épouser sans même de m'en parler avant.
— Parce que je t'aime.
— Ça ne suffit pas.
— Vraiment ? Je pensais que justement le mariage était basé sur...
— Arrête, Fitz. Tu es avocat. Tu connais les statistiques de divorce.
— Et alors ? Toi-même tu penses qu'aujourd'hui, il ne s'agit que d'une procédure comme une autre... alors, pourquoi en parler avant même de s'unir ?
— Parce que j'aime que les choses soient claires.
— Très bien, Mlle Bennet. Voilà comment je vois les choses. Nous nous marions en même temps que mon meilleur ami et que votre sœur. Mais contrairement à ces deux idiots...
— Hé ! s'exclama Charles qui écoutait attentivement ce qui se disait à côté de lui, tout en câlinant Jane, qui se contenta de pouffer dans ses bras.
— Donc, contrairement à ces deux idiots, nous ferons un contrat de mariage tellement verrouillé qu'aucun d'entre nous ne pourra léser l'autre d'aucune manière. Qu'en dis-tu ?
— J'attends de voir.
— Je t'aime, Elizabeth.
— Moi aussi, je t'aime Fitz, dit Elizabeth en se tournant de nouveau vers la pouponnière.
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Les sœurs Bennet
ChickLitCette histoire s'inspire très librement des personnages d'"Orgueil et préjugés" de la grande Jane Austen. Pas de comparaison possible, mais un roman autour des sœurs Bennet de nos jours. Cinq sœurs, cinq cœurs en quête d'amour, cinq destins romanti...