Wilmington. Juin. Jane.
Charles avait tenté de convaincre Jane de passer sa convalescence à New-York dans la maison familiale – oui, sa famille possédait un immeuble près de la 5ème avenue dans laquelle l'héritier des Bingley avait passé toute son enfance -, mais Jane avait refusé. Elle préférait être entourée de sa famille.
Charles avait donc fait en sorte de pouvoir travailler à Wilmington comme il l'aurait fait n'importe où ailleurs. Après moult péripéties, il avait réussi à obtenir une ligne internet correcte qui lui permettait de faire des visio et des points réguliers avec son équipe depuis sa maison pourtant assez isolée. C'était moins satisfaisant que d'être sur place, mais cela lui permettait de passer de longues heures avec celle qu'il aimait.
Jane se remettait lentement de son traumatisme crânien. Les médecins étaient très optimistes. Elle ne semblait avoir aucune séquelle neurologique. Quant à son corps contusionné, il ne comptait qu'une fracture à la jambe. Et une fracture propre pour laquelle personne ne s'inquiétait. Jane Bennet avait eu beaucoup de chance. Plus que les trois morts et les deux multi fracturés qui avaient absorbé le plus fort de l'impact avec le véhicule meurtrier.
Mme Bennet appréciait avoir son aînée près d'elle, même dans un état lamentable. Elle s'était organisée afin de pouvoir l'amener à ses divers rendez-vous médicaux sans délais et mettait ses autres filles à contribution pour l'aider à la maison.
Toute cette attention autour de Jane ne faisait qu'accentuer la rancœur de Mary, plus que jamais seule dans son studio. Elle ne parlait plus à aucun membre de sa famille, les évitait quand elle les croisait et refusait de les saluer, même de loin.
Bien que Mme Bennet en souffre beaucoup, l'accident de Jane avait fait passer la petite crise de sa troisième fille au dernier plan des préoccupations familiales. Il y avait des urgences qu'une mère ne pouvait ignorer. Si Mary ne parvenait pas à le comprendre, ni à ressentir la moindre compassion alors que sa sœur avait failli mourir, elle ne pouvait pas y faire grand-chose. En tout cas, pour le moment.
Catherine passait naturellement beaucoup de temps avec Jane. Son dévouement et sa patience n'étonnèrent personne. Les caractères des deux jeunes femmes avaient beaucoup de traits communs. Ce qui parut plus étonnant, fut l'intérêt que la petite dernière, Lydia, développa pour son aînée.
Malgré son égocentrisme à toute épreuve, caractéristique de son âge, elle ne parlait plus que de Jane et de son accident. Personne n'était dupe au point de croire qu'elle avait brusquement trouvé en elle cette part de compassion qui l'aurait rendue un peu plus humaine et agréable. Il y avait forcément une part de l'adolescente attirée par l'aspect morbide de la situation et consciente du profit qu'elle pourrait en tirer. Néanmoins, elle lui consacrait du temps chaque jour et venait discuter spontanément avec elle quand elle la voyait seule au salon ou au jardin.
En réalité, Lydia profitait éhontément de la situation dramatique de Jane pour augmenter son capital sympathie auprès de ses sœurs aînées, tout en multipliant les post sur le drame, photos volées de l'accidentée à l'appui.
***
— Tu es encore sur ton téléphone, Lydia ? demanda Jane sans reproche dans la voix.
Les deux sœurs étaient assises sur un banc installé le long d'un des chemins les plus fréquentés dans le bois qui s'étendait derrière la maison. Ici la forêt était inévitable. Chaque misérable bosquet la rejoignait immanquablement.
Jane se fatiguait vite, même si elle maniait de mieux en mieux les béquilles. Il lui fallait des parcours avec pauses calculées et sûres.
— Je réponds juste à un post sur insta.
— Tu as beaucoup d'amis là-dessus ?
— Des tas. Mais encore plus, depuis que tu... Lydia s'arrêta, consciente que ses propos pouvaient être mal interprétés.
— Depuis mon accident, je suppose. Tu sais que tu pourrais avoir des reproches de la part des familles qui ont perdu un proche ? Fais attention.
— Qui pourrait me reprocher d'aimer ma sœur ? dit la jeune fille en serrant Jane dans ses bras avec un grand sourire innocent
— Petite peste... dit Jane en souriant. Mais je te remercie de passer du temps avec moi. Les journées me paraissent moins longues grâce à toi et Kitty.
— Je sais, se contenta de répondre l'adolescente en vérifiant encore son téléphone. Elle attendait un message d'Amy concernant leur projet de cet été.
— Maman m'a parlé de ce que tu voulais faire cet été.
— Ah oui ? dit Lydia soudain bien plus intéressée par son aînée. Et tu en as pensé quoi ?
— Je ne sais pas. Je connais Amalia mais pas la société pour laquelle elle te pistonnerait. Mais la question n'est pas là, n'est-ce pas ?
— Maman ne me fait pas confiance. Elle croit que je vais faire n'importe quoi.
— Tu n'as que 17 ans, Lydia. C'est jeune encore. Et New-York est grand.
— Mais je ne serai pas seule. Vous y serez, Lizzie et toi. Et puis, je serai avec Amy, chez un cousin à elle. Pas de quoi s'alarmer.
— Ça n'est pas aussi simple. Tu le sais.
— Mais si, ça l'est. Je dors chez le cousin d'Amy et je travaille pour la société qui m'aura embauchée.
— Société qui organise des soirées, Lydia. Nous savons tous comme tu aimes t'amuser...
— Mais je suis capable d'être sérieuse aussi ! J'ai d'excellentes notes et...
— Je sais Lydia, mais la tentation va être très forte. Est-ce que tu crois pouvoir y résister ?
— C'est Elizabeth qui t'a dit que je n'en serai pas capable, je suis sûre.
— Elizabeth est inquiète pour toi. Elle te trouve trop séduisante pour être lâchée dans la cour des grands sans protection.
— Elle me trouve trop... séduisante ? répéta Lydia qui ne put s'empêcher d'être flattée.
— Je suis d'accord avec elle. Même si je te vois grandir de jour en jour et acquérir un peu de maturité, tu ne connais pas tous les dangers qui t'attendent là-bas.
— Vous avez bien réussi à vous en sortir, toi et Lizzie. Et elle, elle est au moins aussi délurée que moi !
— Lydia !
— Ben quoi ! Vous aussi, vous avez voulu partir de la maison ! J'espérais que vous comprendriez et que vous soutiendriez...
— Nous te soutenons, mais maman aura le dernier mot, tu le sais.
— Alors, c'est mort.
— N'en soit pas si sûre.
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Les sœurs Bennet
Genç Kız EdebiyatıCette histoire s'inspire très librement des personnages d'"Orgueil et préjugés" de la grande Jane Austen. Pas de comparaison possible, mais un roman autour des sœurs Bennet de nos jours. Cinq sœurs, cinq cœurs en quête d'amour, cinq destins romanti...