Boston. Hiver. Mary.
La nuit était tombée sur Boston avec la régularité d'un évènement inéluctable et récurrent. Mary se tenait immobile dans l'ombre des colonnes néoclassiques d'un porche monumental et sans grand intérêt architectural, selon elle.
Parfaitement dissimulée aux regards curieux s'il y en avait eu - Ce qui était peu probable - elle surveillait les alentours avec attention. La maison devant laquelle elle se trouvait, était plongée dans l'obscurité. Tous ses occupants devaient dormir du sommeil du juste. Mary, elle, veillait sur eux, comme l'ensemble de l'équipe Alpha de la société Global Security.
Surveiller ici prenait un autre sens qu'à Wilmington. Ici, on surveillait pour empêcher des morts ou des vols. Il fallait attraper la main dans le sac ceux qui tenteraient leur chance. Immobilité et silence, donc,
Depuis son engagement, Mary était consciente qu'il fallait qu'elle fasse ses preuves avant qu'on ne lui fasse suffisamment confiance pour l'intégrer aux plans des missions, pour le moment, élaborer sans elle.
En attendant, il gelait à pierre-fendre, et son uniforme, qu'elle avait pourtant doublé de sous-vêtements de montagne, ne la protégeait pas des vents glacés qui semblaient s'acharner sur elle. La seule chose qui la consolait, était que c'était sa dernière nuit. La famille Radescu, les clients, repartait le lendemain à l'étranger.
Elle envia tout de même Mae, Lana et Rice qui tous les trois surveillaient depuis l'intérieur de la maison. Pour se réchauffer un peu, elle se mit à faire un mouvement simple avec une lenteur calculée. Demi pointes et on redescend. Et on recommence. Ça mobilisait les muscles de ses jambes et les empêchaient de s'engourdir. Elle pressa plusieurs fois ses doigts en s'aidant de la main opposée pour redonner une peu de chaleur à ses extrémités. Toutefois, elle ne se faisait pas d'illusions. Tant qu'elle aurait froid au nez, elle aurait froid partout. Or, elle avait le nez gelé.
Un petit déclic dans son oreille droite lui indiqua que le chef de l'équipe, Spencer, allait chuchoter quelque chose. Il se contenta de cliquer deux fois. C'était le signal pour confirmer un R.A.S.. Mary cliqua à son tour sans quitter des yeux son espace de surveillance.
Le client était arrivé à Boston quelques jours auparavant. Deux adultes. Deux pré-ados. La surveillance de Global Security ne concernait que la maison. Pour le reste, - déplacements, repas à l'extérieur -, les Radescu avait leurs propres gardes du corps.
Spencer était sur le toit de la maison. De son poste d'observation, il avait une vue imprenable sur le parc qui environnait la propriété du client. Il était assisté de John pour couvrir l'arrière. Rice se tenait dans le salon près des baies qui donnaient sur la piscine. Lana et Mae avait la garde des chambres. Ben campait dans une voiture garée dans la rue parmi toutes les autres. On avait attribué à Mary, une place dans l'ombre du porche de l'entrée principale. L'endroit le plus improbable pour une intrusion discrète.
Elle soupira, puis arrêta brusquement son souffle. Un léger bruit sur sa droite lui fit tourner la tête. Rien ne bougeait. Elle non plus. Elle n'allait pas paniquer pour un écureuil, non ?! Il y en avait, elle en avait vu, mais ça n'était pas ça. Elle en aurait mis sa main à couper. Restait à savoir ce qui avait bougé non loin d'elle.
La famille avait deux chiens. Des goldens. Deux beaux spécimens d'une efficacité toute relative quand il s'agissait de protéger la maison et ses occupants. Quand l'équipe s'était présentée à la porte de la propriété, ils étaient venus lui faire la fête, tout heureux d'avoir de nouveaux compagnons de jeu. Toutefois, normalement, les deux goldens étaient à l'intérieur. Et puis, sincèrement, elle doutait qu'ils puissent être discrets. Si jamais ils étaient sortis, tout le quartier l'aurait su.
Un autre bruit. Mary l'identifia presque aussitôt. Elle savait exactement ce que ce cliquetis indiquait. C'était étrange comme un simple cours pouvait imprégner la perception du monde autour de vous. Si elle n'avait pas eu ce professeur un peu fou en sciences et techniques lors de sa dernière année de lycée, elle n'aurait pas compris aussi vite à quoi elle avait à faire.
Mr. Rodriguez, son professeur, développait une véritable passion pour les drones. Volant, rampant, ou courant, il les étudiait, les décortiquait et les fabriquait tout aussi bien. Mary se souvenait particulièrement de celui qui produisait ce bruit qu'elle entendait maintenant, car il avait la forme de quelque chose qu'elle avait en horreur.
Elle s'accroupit et dirigea son attention sur les murs de la maison tout en faisant cliquer son oreillette pour avertir Spencer de la menace, qu'elle apercevait nettement maintenant.
L'araignée électronique grimpait sans difficulté le long des moulures qui cadençaient la façade néoclassique de la demeure. De la taille d'un chaton, elle aurait pu paraître inoffensive, mais Mary savait bien que non. Sa visée nocturne lui indiquait que le robot transportait quelque chose. La masse n'était pas bien grande, mais il fallait peu d'explosif pour tuer un homme, et encore moins pour tuer un enfant. L'araignée s'arrêta entre les deux volées de fenêtres des chambres, comme si elle hésitait sur la cible.
Mary savait qu'elle n'avait pas beaucoup de temps pour réagir. Elle réitéra son alerte, mais aucune instruction ne venait. Elle espérait voir Lana et Mae apparaître aux fenêtres. Rien.
Il fallait agir vite. Mary sortit son arme. Ça n'était pas une arme létale. Juste un taser. Mais un taser devrait suffire à arrêter une machine qui fonctionnait sur batterie. Elle espérait ne pas se tromper.
***
Debout dans la position du soldat au repos, Mary ne souriait pas. Le chef de l'équipe Alpha faisait les cent pas devant ses équipiers en aboyant ses remontrances. Alors que la mission était une réussite – la famille Radescu était repartie saine et sauve de la maison mise sous leur protection -, Spencer n'en finissait pas de râler après certains membres de son équipe. Et pour cause !
Sans la présence d'esprit de Mary et surtout, sans son initiative, la famille Radescu serait sans doute morte pulvérisée à l'heure qu'il était. En réalité, elle n'avait pas été seule sur ce coup-là. Rice avait été d'une aide non négligeable. En revanche, les autres...
Après que sa dernière recrue ait donné l'alerte, Spencer avait tenté d'accéder à ce que voyait Mary par l'intermédiaire de sa visée nocturne, en vain, car le module dysfonctionnait, et Ben, qui était censé s'assurer que tout le matériel était en bon état de marche, n'avait pas bien fait son travail. Sans compter que seul dans la voiture à l'extérieur, le jeune homme somnolait plus qu'il ne surveillait et qu'il n'avait pas trouvé suspect la fourgonnette qui s'était garée dans la rue une petite demi-heure avant l'attaque. Pas plus qu'il n'avait vu ce qui s'en était échappé pour escalader le mur d'enceinte de la propriété.
Spencer n'en avait pas qu'après Ben. Il n'était pas avare non plus envers Lana et Mae. Les deux femmes avaient entendu le signal de Mary, mais ne l'avaient pas pris au sérieux. Elle avait même blagué à son sujet. Seul Rice avait agi de manière appropriée.
L'ancien marine taiseux avait quitté sa position en espérant que ce que pensait avoir vu Mary ne soit pas une diversion, et également pour s'assurer qu'elle ne prenait pas un chaton pour un tigre. Il était arrivé à la position de la dernière recrue, au moment où la jeune femme tirait et abattait la menace. Il avait eu la présence d'esprit de se précipiter pour shooter dans le drone qui tombait comme une masse après avoir reçu la décharge de l'arme de Mary. Probable que, s'il ne l'avait pas fait, la bombe aurait explosé trop près de la jeune femme en atteignant le sol.
L'explosion avait réveillé l'ensemble de la maisonnée et le quartier avec.
Mary aurait pu se réjouir d'avoir réussi à sauver les clients, mais elle n'y arrivait pas. Elle pensait sincèrement que les autres membres de l'équipe allaient lui en vouloir. Elle s'imaginait déjà mise au rebut. Elle soupira discrètement. Mais pas assez pour éviter le regard noir de Spencer.
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Les sœurs Bennet
ChickLitCette histoire s'inspire très librement des personnages d'"Orgueil et préjugés" de la grande Jane Austen. Pas de comparaison possible, mais un roman autour des sœurs Bennet de nos jours. Cinq sœurs, cinq cœurs en quête d'amour, cinq destins romanti...