Chapitre 82 Affrontements et revers de fortune

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Wilmington. Nouvel an.

— Tu n'aurais pas dû être aussi brutale, Lizzie, dit doucement Catherine.

— Vous me fatiguez toutes, souffla Elizabeth en se tournant vers la cuisine pour aller se prendre une tasse de café. Lydia est loin d'être aussi innocente que vous semblez le croire. Elle est bien plus mature que les filles de son âge, et surtout, elle est habitée par une ambition dévorante, et un égocentrisme à toute épreuve. Vous pariez quoi, qu'elle est déjà en train d'échafauder une théorie dans laquelle elle est la victime, et Newell le sauveur ?

— Mais comment allons-nous faire ? Je ne vais quand même pas l'enchaîner dans sa chambre ? soupira Mme Bennet.

— Non. Mais on peut peut-être éliminer les nuisances autour d'elle, dit Elizabeth de manière lugubre.

— Éliminer les nuisances ? Mais à quoi penses-tu, Lizzie ?

— Newell doit disparaître.

— Elizabeth ! Tu ne veux pas en plus que j'ai une fille en prison ? Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? larmoya Mme Bennet.

— On peut éliminer Newell sans faire de la prison, maman. Ça s'appelle la loi, et nous avons quelques avocats dans nos fréquentations, je te signale.

— Parlons-en de ton avocat ! Il est où ton Fitzwilliam Darcy ?

Le front d'Elizabeth s'assombrit à cette pique de sa mère. Elle abandonna sa tasse de café et attrapa son manteau qu'elle avait simplement posé sur le dossier du canapé en rentrant, prête à ressortir.

— Tu as raison maman, il n'est pas là. Il s'est tiré vite-fait. Et franchement, pouvons-nous l'en blâmer ? Moi-même, j'aimerais en cet instant ne pas avoir à subir tout ceci. Je rentre à New-York, finit-elle par dire en sortant de la maison.

Jane s'était précipitée à la suite d'Elizabeth. Pas question de la laisser prendre sa moto dans cet état. Une fois les deux aînées parties, Catherine s'approcha de sa mère, restée debout près du comptoir de la cuisine, et l'enlaça.

— Maman. Tout va s'arranger. Lydia va se calmer. Elle n'est pas bête, elle va comprendre qu'elle a été manipulée pour servir la vengeance de cet homme.

— Kitty. Tu es si raisonnable et gentille, dit Mme Bennet en lui rendant son étreinte.

Et pour une raison qu'elle ignorait, Catherine n'apprécia pas ce que sa mère pensait être un compliment. Elle était gentille, oui. Raisonnable aussi. Mais elle regrettait de ne pas avoir plus de caractère pour soutenir ses aînées. Parce qu'elles avaient raison. Lydia exagérait et fonçait droit dans un mur. Et à moins que la famille entière ne fasse front, la jeune fille continuerait à se fourvoyer.

***

— Lydia ? C'est Catherine, laisse-moi entrer.

— Non.

— Lydia... s'il te plaît. Tu as besoin d'une amie. On est amie, non ?

— Ma seule vraie amie m'a trahi, et toi, tu es ma sœur ! Catherine.

Ce « Catherine », lancé froidement à travers la porte, brisa le cœur de la jeune femme. Elle n'avait jamais été que Kitty pour Lydia. Simplement Kitty. Jusqu'à présent.

— J'ai eu peur pour toi Lydia, tu sais.

— Peur ? Pourquoi ? J'étais bien là où j'étais ! Je m'amusais ! J'allais faire des films ! J'allais devenir une star !

— Lydia ! Ils t'ont filmé en train de...

— Baiser ! Dis-le Catherine ! Ça ne va pas t'arracher la bouche ! Mais qu'est-ce que tu en sais toi de ce que je faisais en réalité, hein ?! Tu ne l'as jamais fait, je parie.

— Ta gueule, Lydia ! Si tu t'avises, en plus, de blesser Kitty, je défonce ta porte, et tu pourras aller porter plainte pour coups et blessures à la police ! À moins que tu n'aimes ça aussi ! lâcha Elizabeth qui venait de monter à son tour pour faire son sac.

Elle était furieuse d'avoir été traînée de force à l'intérieur par Jane, qui lui avait aussi pris ses clés de moto. Elle comptait prendre le car le lendemain à la première heure.

— De quel droit tu me juges ! hurla Lydia rouge de colère en ouvrant la porte à la volée. Tu baises à tout va, toi !

— Je ne baise pas à tout va, Lydia ! Et même si j'ai eu des amants, ça ne regarde que moi parce que je suis majeure, autonome et responsable de mes actes ! Ce qui est loin d'être ton cas ! Et j'ai le droit de te juger à partir du moment où ton comportement affecte aussi nos vies à tous ! Tu n'es pas la seule à payer le prix de tes erreurs, Lydia ! Même si manifestement l'information a du mal à monter vers ton cerveau, il faudrait que tu t'en rendes compte ! Alors non ! Je ne baise pas à tout va, et surtout, je ne me drogue pas, ni ne me retrouve dans des plans cul qui pourrait finir sur internet ! Tu allais faire des films ? Pauvre idiote ! Ouvre les yeux, bordel, Lydia ! Newell est une pourriture qui s'est servi de toi ! Il t'a salie juste pour se venger de Jane parce qu'elle ne lui a pas rendu l'argent qu'il avait planqué dans l'appart !

Lydia n'avait pas encore digéré l'information. Elle essayait toujours de trouver une explication au comportement de Newell envers elle. Elle marqua un bref silence avant de refermer sa porte en la claquant sans rien dire de plus.

— Viens, Kit. Inutile de rester là. Elle viendra te voir pour s'excuser plus tard, dit finalement Elizabeth, dont la colère venait de la quitter d'un coup face au visage peiné de Catherine.

Cette dernière la suivit, un peu voûtée, accablée par les drames successifs qui avaient touchés sa famille durant plus d'un an. Et tout tournait autour de Newell.

Parce qu'elle était positive et refusait de se laisser ronger par le malheur – c'était dans sa nature -, un moment, elle avait pensé que la stupidité de cet homme avait rendu service à Jane. Que tout ceci était un mal pour un bien. Même la grossesse inattendue de Charlotte, elle avait été heureuse de l'apprendre. Et puis, il y avait eu l'accident, et maintenant ça.

Le destin s'acharnait. Ou quelqu'un leur avait lancé un mauvais sort. Elle, si heureuse d'avoir une famille unie sur laquelle elle pouvait compter, pleine d'amour et de tendresse. Elle ne savait plus que penser.

Ce n'est que lorsqu'elle sentit les bras d'Elizabeth la serrer contre elle qu'elle prit conscience qu'elle s'était arrêtée devant l'escalier, le regard dans le vague.

— Ne t'inquiète pas, Kit. Ça va s'arranger. Les Bennet sont encore debout.

Alors, Catherine s'autorisa à pleurer dans les bras de sa sœur, libérant toute la tension qu'elle avait retenu les jours précédents pour ne pas accabler encore plus ses parents. Aucune des deux ne remarqua la porte entrouverte de Lydia.

***

C'est au moment où Elizabeth redescendait pour accompagner Catherine que M. Bennet sortit de son bureau. Les traits tirés et le visage sombre, il se laissa choir sur le canapé comme un homme perdu.

— Papa ? l'interpella aussitôt Elizabeth qui ne l'avait jamais vu comme ça.

— Newell a accepté de l'argent pour laisser Lydia tranquille. Et il a pris un avocat au cas où nous déciderions de l'attaquer.

— Qui a payé ? demanda-t-elle simplement.

— Je l'ignore. Mary ne me l'a pas dit, répondit son père en détournant le regard, signe qu'il mentait.

— Papa ?! s'exclama Jane convaincue qu'il ne pouvait s'agir que de Charles.

— Peu importe ! Newell a pris l'argent.

— Et un avocat. Tu connais son nom ? continua Elizabeth en reprenant sa tasse de café.

Dans sa tête déjà, elle échafaudait un plan d'attaque.

— Maître Fitzwilliam Darcy.

Elizabeth lâcha sa tasse de café qui alla se briser sur le sol de la cuisine.


Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant