New-York. Juin. Elizabeth.
— « Maître » Darcy, il faudrait voir à pas trop m'énerver... Vos remarques déplacées concernant ma sœur... murmura Elizabeth en tenant toujours Darcy par le coude pour s'éloigner de la chambre.
— Je n'ai rien dit de déplacé ! s'exclama doucement le jeune homme en retirant son coude avec vivacité.
— On se fiche des études scientifiques qui prouvent ou non que les malades dans le coma entendent ou pas quand on leur parle ! Ça fait du bien de parler, même à quelqu'un qui semble ne pas vous entendre. La preuve, je vous parle sans arrêt !
— Et ça vous fait du bien ?
— Oui, ça me permet d'exprimer toute la colère qui naît à votre simple vue.
— C'est réciproque.
— Et bien nous sommes d'accord pour ne pas être amis. C'est déjà un bon point. Néanmoins, il va falloir se tolérer, vous en avez conscience ?! Parce que nos deux tourtereaux ne vont pas s'éloigner l'un de l'autre, malgré tous vos efforts !
— Je n'ai jamais cherché à les éloigner ?!
— Menteur, en plus !
— J'ai simplement mis en garde mon meilleur ami ! Vous en auriez fait autant avec à ma place !
— S'il s'était amouraché d'un homme comme vous, très certainement !
— Un homme comme moi ?!
— Obtus, égocentré, rigide, arrogant et d'un mépris sans fin.
— C'est comme ça que vous me voyez.
— C'est comme ça que je vous vois.
— J'en ai autant pour vous. Vous êtes égoïste, grossière, sans délicatesse et d'une violence à peine contenue.
— Parfait, dit simplement Elizabeth en croisant les bras sur sa poitrine.
Face à face dans ce couloir d'hôpital où chaque son paraissait feutré, où les infirmières passaient comme des fantômes, silencieuses et concentrées, Elizabeth et Darcy formait une incongruité parfaitement identifiable. Une femme entre deux âges, au regard usé, mais au sourire facile, vint leur demander de, soit réintégrer la chambre de la malade, soit d'aller discuter ailleurs, dans l'espace repos, par exemple. Autour d'un café peut-être ?
Ils se fixèrent encore quelques secondes comme deux chiens de faïence, avant de décider que leur entrevue n'avait que trop duré. Ce qu'ils ignoraient, c'était que ce qui les agitait réellement l'un et l'autre, était très similaire.
— Vous êtes insupportable, murmura Fitz en se dirigeant finalement vers l'espace détente tout en luttant contre une furieuse envie d'enlacer la mégère non apprivoisée qui lui avait tenu tête.
— Mais vous, vous êtes parfait ?! Hein ! répliqua vivement Elizabeth en se dirigeant vers les toilettes.
Elle avait besoin de se rafraîchir le visage et peut-être bien les idées aussi. Parce qu'à chaque fois qu'elle se retrouvait à affronter cet idiot d'avocat, elle sentait aussi une furieuse envie de l'embrasser. C'était inhumain ce genre de paradoxe.
Pour quelle raison Fitzwilliam modifia sa trajectoire ? Un coup de tête ? Une impulsion irraisonnée ? Inexplicable, surtout. Il attrapa le bras d'Elizabeth au passage et l'entraîna dans les toilettes pour homme en toute discrétion.
— Ça va pas, non ?! s'exclama la jeune femme une fois la porte refermée.
Elle n'eut pas le temps d'en dire plus. Fitz la plaqua contre la porte et l'embrassa fougueusement. Il s'attendait à se faire frapper, mais rien ne vint. Les mains d'Elizabeth étaient bien trop occupées à s'enrouler sur sa nuque pour l'emprisonner contre elle. Le baiser se prolongea, passionné et frénétique.
Collés l'un à l'autre, Elizabeth et Fitzwilliam avaient oublié leur désaccord. Il n'y avait plus que deux envies de jouir l'un de l'autre, et l'incroyable excitation qui les habitait et faisait voler en éclat toutes les certitudes qu'ils avaient l'un de l'autre. Cette passion qu'ils libéraient échauffait leur désir.
Et puis l'odeur de cet endroit aseptisé et froid rendit brusquement la raison à Elizabeth qui se détacha de Fitzwiliam et le repoussa sans ménagement.
— Tout ceci est parfaitement inacceptable ! On ne vous a jamais parlé du consentement ? s'exclama-t-elle avec une parfaite mauvaise foi.
— Du consentement ? Il me semble que vous étiez très consentante il y a une seconde, Elizabeth. Vous allez encore me sortir la carte du « moment d'égarement » ?
— Vous avez profité de mon état psychologique ébranlé par la situation de ma sœur ! Je ne suis pas moi-même.
— Je crois que vous êtes vous-même en toutes circonstances, Elizabeth, répliqua Fitz avec un demi sourire en se rapprochant de la jeune femme qui s'était écartée ostensiblement.
Elle se rendit compte de l'état vestimentaire dans lequel ils étaient tous les deux. Lui, la chemise à moitié déboutonnée sortie du pantalon. Elle, le corsage ouvert sur son soutien-gorge en dentelle. Ils n'avaient pas fait que s'embrasser. C'était manifeste. Tout comme l'était le renflement dans le pantalon de monsieur, et les pointes de seins durcies de la demoiselle.
Elizabeth se morigéna intérieurement. Désormais, elle allait devoir redoubler d'attention quand elle se trouverait en présence de Fitzwilliam. Parce qu'elle ne se maîtrisait pas vraiment dès lors qu'il la touchait. Cette envie de lui était si forte, mais elle ne pouvait pas céder. Et pas parce qu'il était l'ami de Charles – peu lui importait sa filiation, il aurait aussi bien pu être le frère de Bingley !-, mais parce qu'elle ne voulait pas plier devant un type dans son genre qui pensait que rien ne devait lui résister. Son arrogance était son pire défaut.
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Les sœurs Bennet
ChickLitCette histoire s'inspire très librement des personnages d'"Orgueil et préjugés" de la grande Jane Austen. Pas de comparaison possible, mais un roman autour des sœurs Bennet de nos jours. Cinq sœurs, cinq cœurs en quête d'amour, cinq destins romanti...