New-York. Été.
Catherine observait le ballet autour de ses sœurs. Leur mère avait fait semblant d'être en colère. En réalité, avant d'entrer dans le magasin de robe, elle avait pris les mains de ses deux plus jeunes filles et avait inspiré longuement. Milliscent Bennet était heureuse de marier ses deux aînées, mais l'éventualité de les perdre l'angoissait.
Sans compter qu'elle savait qu'elle devait se faire pardonner son comportement pendant et après la fugue de Lydia. Elle avait parfaitement conscience d'avoir perdu toute dignité, et surtout, tout discernement, pendant cette période. Elle avait eu si peur de perdre l'une de ses filles.
Catherine et Lydia l'avaient enlacée avant d'entrer et la laisser faire son numéro de mère efficace et déterminée. Le résultat était à la hauteur des espérances. C'est vrai que les deux robes choisies finalement, allaient mieux à Jane et Elizabeth.
Et bien sûr, en voyant Lydia s'activer avec son appareil photo autour de leur deux sœurs aînées, Kitty ne pouvait s'empêcher de penser à son propre bonheur. Pour le moment, ça n'était qu'une ébauche. Des moments volés, des espoirs fous, des échanges silencieux lourds de sens, mais secrets.
Andrew Preston n'était pas prêt à lâcher prise, Catherine l'avait compris au premier regard. Cet homme, plus âgé qu'elle – d'au moins quinze ans -, avait été blessé par la vie. Pour se protéger, il se consacrait entièrement à son fils. Était-ce justement cette blessure qui avait attiré Catherine ? Ou son association à cet amour filial qu'elle comprenait et approuvait ? Elle n'aurait su dire. C'était un ensemble.
Andrew Preston devait faire un peu plus d'1m70, brun et bouclé comme son fils, un physique normal d'homme actif qui ne prend pas le temps de faire du sport. Des yeux sombres, un nez fin et droit, et une bouche généreuse dans un visage anguleux. Rien que de très banal. L'homme en lui-même n'avait rien de bien particulier, sinon ce charme et cette tristesse qui se dégageait de lui sans qu'il en prenne conscience.
Catherine appréciait ce physique modeste qui contrastait avec celui des fiancés de ses sœurs. Entre Charles, gendre idéal ou prince charmant au choix, et Fitzwilliam, plutôt dans la tranche, grand ténébreux, Andrew Preston ne faisait pas le poids. Pourtant, Catherine n'aurait jamais pu tomber amoureuse de Charles ou Fitz. Aucun des deux hommes ne lui correspondait. Alors que le père de Tim avait des atouts indéniables à ses yeux, même si elle aurait été incapable de les citer. Parfois, il valait mieux ne pas chercher à définir ce qui nous poussait vers quelque chose d'agréable, mais profiter. C'est ce que s'efforçait de faire Catherine.
Depuis la promenade où ils avaient échangé une brève étreinte, elle savait que le sentiment qui l'envahissait quand elle était en sa présence ou pensait à lui, tout simplement, était réciproque. Elle l'avait vu dans ses yeux ce jour-là. Elle était convaincue de cette attirance mutuelle à laquelle il refusait de succomber et qu'elle respectait.
Catherine pouvait se contenter de cet amour platonique et distant. Elle était capable de rester près de cet homme sans jamais que leur amour ne fleurisse et ne donne de fruit. Sa seule présence la comblait. Et les trop brefs moments où elle le rencontrait pour discuter de Tim, lui apportait une joie immense qu'elle savourait en silence.
— Kitty ? Alors, tu en penses quoi des robes ? lui demanda Lydia abruptement sans se rendre compte qu'elle interrompait une rêverie bien agréable.
— Elles sont parfaites. On dirait Jane sortie tout droit d'un roman de Jane Austen, et Elizabeth d'un film des années 90 où une working girl prend sa revanche sur le monde des hommes.
— Carrément ! s'exclama Lydia devant la justesse de l'analyse de sa sœur.
— Qu'est-ce qui est « carrément » ? demanda Elizabeth qui marchait en long et en large pour savoir si le fourreau n'entravait pas trop sa marche.
— Vous êtes parfaites.
— Carrément, répéta Elizabeth en faisant un clin d'œil à ses deux jeunes sœurs en s'éloignant de nouveau.
— Tu es en train de rêver d'avoir la même ? demanda alors Lydia à Kitty.
— Non. Pas vraiment.
— Moi non plus. Je veux une robe rouge pour mon mariage.
— Rouge ? Quelle horreur ? Mais pourquoi ?
— Parce que le blanc ne me va pas.
— Le blanc te va très bien. Regarde Jane !
— Ouais... mais le rouge ça claque ! C'est super tendance.
— Certes. Mais d'ici à ce que tu te marries, la tendance aura changé. J'espère que ce ne sera pas devenu violet ou kaki, les deux couleurs que tu détestes le plus au monde !
— T'as raison ! Bon de toute façon, moi je ne me marierai pas.
— Ah bon ? Pourquoi ?
— Parce que c'est pas bon pour l'image. Dans le showbiz, il vaut mieux être célibataire pour plaire aux fans. Comme ça les rumeurs sur ta vie sentimentale sont plus nombreuses et alimentent ta notoriété.
— Lydia... je croyais que ce qui t'était arrivé t'avait un peu fait réfléchir.
— Mais j'ai réfléchi ! Figure-toi que j'ai vachement réfléchi ! Et puis, chanter pour les Hard Sleepers, ça me donne des idées ! Il me faut un agent. Et un bon. Comme ça, je suis sûre de ne pas tomber sur des tarés...
— Mais...
Catherine n'acheva pas sa phrase. Elle soupira.
— Ne t'inquiète pas, Kitty. J'ai décidé de ne pas percer avant deux ans.
— Deux ans ? Pourquoi deux ans ?
— Je finis le lycée d'abord, et j'ai mon diplôme. Ensuite, je fais une école d'art... et là, je perce.
— J'imagine que tu as tout planifié sur les dix années à venir. J'envie tes certitudes, Lydia, soupira Catherine en souriant.
Très fière d'elle, la dernière des Bennet s'adossa à sa chaise en croisant ses bras sur sa poitrine. Elle répondit au regard interrogateur de sa mère par un sourire. Elle avait oublié ce que cette dernière lui avait demandé de faire : c'est à dire questionner discrètement Catherine sur ce qui la faisait rayonner depuis quelques temps. Mme Bennet aurait dû se douter que confier cette mission à Lydia était vain. Il faudrait qu'elle agisse elle-même si elle voulait des réponses.
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Les sœurs Bennet
Chick-LitCette histoire s'inspire très librement des personnages d'"Orgueil et préjugés" de la grande Jane Austen. Pas de comparaison possible, mais un roman autour des sœurs Bennet de nos jours. Cinq sœurs, cinq cœurs en quête d'amour, cinq destins romanti...