Wilmington. Noël. Jane & Elizabeth.
Elizabeth avait réussi à traîner Darcy dans un coin du salon.
— Qu'est-ce que tu fiches ici, Fitz ?
— Je me le demande aussi.
— Alors, pose ta bouteille et dégage !
— Non.
— Comment ça, non ?
— Non.
— Fitz ! C'est une soirée familiale, tu justifies ta présence comment ?
— À toi de me le dire, Elizabeth.
— Comment ça « à toi de me le dire » ? Si tu ne sais pas pourquoi tu es là, comment est-ce que je le saurais ?
— À quoi on joue, aujourd'hui, Elizabeth ? Au méchant avocat qui en veut à ta sœur ? Au pote désagréable ? Au type arrogant qui loupe un malheureux rendez-vous ? Et ça va finir comment d'après toi ? Comme à chaque fois ? Tu crois qu'on peut faire ça dans un coin tranquille, histoire de régler le problème immédiatement.
— Tu te prends pour qui ? Tu crois que tu peux arriver ici comme ça et me balancer tes conneries sans que...
— Sans que quoi, Elizabeth ? J'ai bien cherché, tu vois. Mais je n'ai pas les réponses. C'est toi qui les as. C'est toi qui les as depuis le début. Parce que moi je n'ai jamais mené la danse, n'est-ce pas ? La question c'est, en as-tu réellement assez de danser avec moi ? Parce que si c'est le cas, ce serait bien de me tenir au courant.
— Danser ? Je crois que je t'ai dit tout ce qu'il y avait à dire hier !
— Non. Tu as mis fin à une supposée aventure. Mais sincèrement, tu n'étais pas crédible. En fait, rien de ce que tu affirmes depuis ton retour de Nouvelle-Zélande ne l'est. Je préférais l'Elizabeth d'avant.
— Mais personne ne t'oblige à être ici et à tenter de me convaincre qu'il existe quelque chose entre nous de plus fort que le sexe !
— Je... commença Fitzwilliam qui sentait la colère remuer de plus en plus en lui.
— Fitz ! Je suis vraiment très content de te voir ! le coupa Charles en faisant une accolade virile à son ami.
Jane prit aussitôt le bras de sa sœur d'autorité pour l'éloigner des deux hommes.
***
— Tu m'expliques ?
— J'ai besoin d'air, répliqua Elizabeth en cherchant à échapper à sa poigne.
— Pas si vite, jeune fille ! Je t'accompagne. Ce qui veut dire que tu peux oublier la fuite à moto ! Surtout par ce temps ! Inutile d'insister ! Viens par-là !
Jane amena sa sœur jusqu'à la terrasse qui prolongeait la cuisine. Idéale quand on faisait des barbecues et qu'on mangeait dehors, l'été, elle donnait présentement sur un coin de jardin entièrement recouvert de neige.
— Alors ?
— Alors rien.
— Elizabeth, je ne t'ai jamais vue dans cet état ! Pour aucun homme. Même pas pour Miles « regrets absolus ». Qu'est-ce qui se passe ?
Tournant le dos à sa sœur, la jeune femme respirait profondément en fixant la neige tomber sur le jardin. Les mains crispées sur la rambarde glacée, elle ne parvenait pas à se calmer.
— Est-ce que tu l'aimes ? demanda Jane doucement sans aucune trace d'amusement dans la voix.
Elle savait que l'heure était grave. Si Jane avait toujours été sensible avec un cœur d'artichaut, Elizabeth, elle, s'était toujours montrée forte, inflexible face aux hommes qui l'abordaient. Elle ne savait pas être amoureuse. Elle ne savait pas lâcher prise. Elle ne savait pas abdiquer face aux sentiments.
Jusqu'à présent, elle jouait sa partition à la perfection. Sauf que cette partition était désormais discordante, et qu'elle ignorait comment faire pour la rendre harmonieuse. Elle avait l'impression qu'elle devait céder. Or, elle n'était pas prête.
Jane était prête à parier que Darcy ressentait la même chose à peu de chose près. Ces deux-là étaient nés pour s'affronter ou pour s'aimer. Ils allaient devoir choisir.
— Elizabeth ?
— Je ne sais pas, Jane.
— Tu ne sais pas quoi ?
— Ce qui se passe.
Jane s'approcha de sa sœur et l'enlaça avec tendresse. Plus petite que sa cadette, sa tête blonde s'appuya sans difficulté contre l'épaule d'Elizabeth. Elle lui parla alors très doucement, comme à une enfant que la situation dépasse et qu'il faut remettre sur la bonne voie sans la brusquer.
— Elizabeth. Respire à fond et prend le temps de réfléchir à la seule question importante : est-ce que tu as envie qu'il disparaisse de ta vie ? Est-ce que si demain Fitzwilliam Darcy disparaissait, tu serais totalement indifférente, plus heureuse, ou affreusement malheureuse ?
— Est-ce que tu es en train de me ressortir ce qu'on se disait ado quand on crushait sur un mec ?
— Tu t'en souviens ?
— Bien sûr.
— Ça marchait plutôt bien.
— Tu parles ! Tu as fini avec Philip et moi, j'ai succombé à Miles !
— L'erreur est humaine. Mais elle n'est jamais totalement négative, non ?
— Rattrape toi ! Tu sais que tu es nulle en conseils amoureux, Jane...
— Parce que tu es meilleure ?
— J'ai jeté Miles.
— J'ai jeté Philip.
— Un point partout. La balle au centre... ça ne m'aide pas.
— Si ! Il te suffit de répondre à la question.
Elizabeth soupira en baissant le visage vers sa sœur.
— Tu es frigorifié, Jane. Rentre.
— Pas avant que tu n'aies répondu. Et si je suis malade demain, tu culpabiliseras parce que tu as un cerveau d'escargot sous calmant.
— Hé ! Je croyais que tu voulais m'aider !
— Manifestement la manière douce ne fonctionne pas. Alors j'essaye l'autre. Remue-toi, Lizzie ! Est-ce que tu l'aimes, bordel ?
— Jane ?!
— Réponds !
Elizabeth se tourna de nouveau vers le jardin. Elle prit quelques secondes de plus avant de répondre. Elle inspira profondément et éclata :
— Oui. Oui, je l'aime cet abruti ! Mais c'est totalement stupide de ma part ! Il est... Il est... Il est le type le plus agaçant que je connaisse ! Il est... Merde ! Oui ! Je l'aime ! Mais je ne devrais pas. Je ne devrais définitivement pas ! Il va me broyer le cœur et me jeter comme une malpropre avec son petit sourire à trois milles balles ! Ça y est ! Tu es contente ?! finit-elle en se tournant vers Jane.
Sauf que sa sœur avait disparu. À sa place, il y avait Fitzwilliam Darcy.
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Les sœurs Bennet
ChickLitCette histoire s'inspire très librement des personnages d'"Orgueil et préjugés" de la grande Jane Austen. Pas de comparaison possible, mais un roman autour des sœurs Bennet de nos jours. Cinq sœurs, cinq cœurs en quête d'amour, cinq destins romanti...