New-York. Été.
— La robe ne va pas... Je te dis que la robe ne va pas !
— Jane Bennet ! Cette robe est parfaite et te va parfaitement bien !
— Non... je crois qu'ici...
Jane était stressée. C'était sa deuxième robe de mariée en un peu plus d'un an. C'était trop ! Ils allaient trop vite, Charles et elle. C'était sûr, il allait arriver quelque chose ! Et la présence de sa sœur à ses côtés n'arrangeait rien. Elle avait comme un air de déjà vu... Elle avait peur que l'essayage se termine aussi mal que le premier. Cette fois, c'était sûr, la météorite était pour elle... Ou un truc pire... Qu'est-ce qui pourrait être pire ? La disparition de Charles ! Où était Charles !?
Elizabeth aussi avait un air de déjà vu à l'esprit, sauf que cette fois, elle était engoncée dans une robe avec jupons et voilages, elle aussi ! Elle aurait bien laissé libre court à sa colère contre ce fichu Fitzwilliam Darcy qui était finalement parvenu à ses fins...
Puis son regard se porta sur Jane. Elle pouvait voir l'angoisse augmenter à vue d'œil sur son visage. Elizabeth jura, remonta ses jupes de manière peu élégante et descendit promptement de l'estrade où la couturière, dotée d'une patience à toutes épreuves, tentait de faire les retouches nécessaires pour que tout soit parfait le jour du double mariage.
Elizabeth enlaça sa sœur sans façon, et ce, malgré la robe ample qu'elle portait, et lui tapota le dos avec gentillesse.
— Hé, belle blonde, ta robe est parfaite, crois-moi ! On ne verra que toi. D'ailleurs, je me demande s'il est si judicieux que je me marie le même jour que toi... ça divise les frais, mais je sens qu'on va me prendre pour la demoiselle d'honneur.
— Arrête de dire n'importe quoi, Lizzie ! Ta robe est sublime.
— Certes. Certes, mais sincèrement ma chère sœur, quand tu es dans les parages, je ne suis pas de taille. Pourquoi crois-tu que je me sois contentée de jouer les gardes du corps en jouant des poings au lycée. Avec une sœur aussi éblouissante, il fallait que je me démarque.
— Ce que tu peux être bête... Si je me souviens bien, tu avais beaucoup plus de succès que moi au lycée.
— C'était parce que tu étais la déesse inatteignable. Il fallait d'abord me conquérir pour espérer t'approcher.
— Brillante stratégie. J'aurais dû me douter que tout cet amour que tu me donnais n'était pas gratuit !
— Jane ! Tu souris ! Ouf ! J'ai cru que je t'avais définitivement perdue ! Que tu étais morte pour la cause !
— La cause ?
— Le mariage ! Tu n'imagines pas le nombre de perte de raison et de sérénité que l'on dénombre chaque année !
— En attendant, si vous souhaitez des robes à peu près convenables, il faudrait reprendre l'essayage, dit une voix derrière elles.
Les deux jeunes femmes se retournèrent vers l'origine de la remarque avec incrédulité, car toutes deux avaient parfaitement reconnu le son mélodieux de la voix de Mme Bennet. Elle se tenait dans l'encadrement de la porte de l'immense salle d'essayage avec Catherine et Lydia.
— Maman ? Mais que fais-tu ici ?
— Ce que je fais ici ? Ce que toute mère devrait faire : s'occuper de ses filles qui vont se marier ! Vous avez cru pouvoir faire vos petites affaires en douce ! Honte à vous, mesdemoiselles ! Heureusement vous avez une amie qui pense à vous !
— C'est Charlotte qui a cafté ! Elle prend de la confiance depuis qu'elle a Cecily ! Si elle pense que je ne vais pas lui faire payer à cause de sa magnifique fille...
— Tu devrais plutôt la remercier, Elizabeth, tu as l'air d'un chou à la crème ! Cette robe ne met pas ta silhouette en valeur ! Quant à toi, Jane, tu as tellement cherché à trouver une robe qui ne ressemble pas à la précédente que tu as choisi une coupe affreuse ! Bien sûr que ça ne va pas ! Rien ne va !
Et sur cette tirade, Mme Bennet partit fouiller le fond de robe du magasin sous les yeux médusés des vendeuses et de ses filles. Madame Bennet était dans la place et personne ne pourrait l'en déloger avant qu'elle ne soit satisfaite. Et contrairement à ce que pensaient ses filles, elle avait un œil sûr pour ce qui était des coupes et des avantages d'un vêtement.
Mme Bennet ne portait que des pièces très simples, mais de bonne qualité. Elle était la championne pour trouver le chemisier de saison à des prix imbattables ou la bottine qui irait si bien avec ce petit pantalon acheté deux ans plus tôt.
Alors même qu'elle ne se vantait jamais et ne partageait sa passion avec personne, sans en prendre conscience, ses filles avaient infusé dans cet antique savoir qui consistait à s'habiller chic et discret. Elles avaient profité de sa passion pour les vêtements de bonne coupe et toujours tendances.
Toutefois, Mme Bennet avait raison, Jane, trop stressée par son précédent mariage avorté, avait choisi une robe qui, si elle lui allait, ne correspondait pas à son style. Quant à Elizabeth, elle n'avait pas encore totalement accepté sa propre décision de se marier. La robe qu'elle avait choisie était un cauchemar de jupons et de tulle qui la rendait inatteignable et affreuse.
Les deux jeunes femmes furent convaincues du génie de leur mère quand elles se retrouvèrent vêtues, l'une d'une robe fourreau recouverte de dentelle ivoire avec une jolie encolure tombante et petite traîne, et l'autre d'une robe style empire d'un blanc virginal avec un beau décolleté, de petites manches ballon et un ruban sur le devant. La consécration vint de l'une des couturières qui, les mains jointes sur la poitrine, lança un « Oh ! Mon dieu ! Elles sont parfaites !» extatique en les découvrant sur l'estrade d'essayage après que Mme Bennet ait agi.
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Les sœurs Bennet
Chick-LitCette histoire s'inspire très librement des personnages d'"Orgueil et préjugés" de la grande Jane Austen. Pas de comparaison possible, mais un roman autour des sœurs Bennet de nos jours. Cinq sœurs, cinq cœurs en quête d'amour, cinq destins romanti...