Chapitre 28 Charlotte face à son destin

295 62 8
                                    

Wilmington. Mai. Charlotte.

Charlotte soupira en voyant la queue devant le stand des hot-dogs. Elle envoya un message à Elizabeth : « Pas sûre qu'on ait de quoi manger d'ici demain », qu'elle accompagna d'une photo de la file.

La jeune femme referma bien son manteau et prit son mal en patience. Qu'avait-elle de mieux à faire de toute façon ? Son week-end était fichu ! Quand elle pensait qu'elle aurait pu rester sous sa couette pendant deux jours à ne rien faire et à se lever à pas d'heure ! Mais non ! Elle avait préféré consacrer un de ses rares week-end où elle ne travaillait pas à satisfaire le souhait familial de la voir.

Et pourquoi, en définitve ? Rien, manifestement, puisqu'à son arrivée, elle avait eu la désagréable surprise de trouver sa famille sur le départ avec un couple de cousins à qui elle avait promis de faire visiter les environs. Exit le week-end parmi les siens.

Charlotte aimait beaucoup ses parents, mais leur relation était si distendue qu'ils ne voyaient pas le problème quand elle venait pour passer un peu de temps avec eux et qu'eux ne prenaient même pas le temps de l'accueillir.

La jeune femme ne s'en formalisait plus depuis longtemps. Comme d'habitude, elle avait rejoint la tribu Bennet et s'y était intégré sans commentaire de personne. Charlotte était, en quelque sorte, et depuis longtemps, la sixième fille Bennet.

La file avança un peu après le passage d'une famille nombreuse. Autant de bouches à nourrir, ça prenait du temps à servir, forcément. Charlotte les regarda passer et s'attarda sur le petit dernier, un petit gars aux cheveux crépus avec deux dents en moins sur le devant. Il cherchait à croquer dans son hot-dog malgré ce handicap, mais n'y parvenait pas vraiment. L'une de ses sœurs, plus âgée, s'accroupit devant lui et lui montra comment faire sans perdre la garniture. Ensuite, ils s'en allèrent main dans la main.

Charlotte tout sourire ne s'était pas rendue compte que la file avait progressé et que deux filles avaient profité de son inattention pour lui passer devant. Elle soupira de nouveau sans rien dire et reprit sa position, cette fois plus fermement. Il ne fallait pas qu'elle se laisse distraire.

Toutefois, au bout de quelques minutes, elle ne put éviter d'entendre leur conversation au sujet de Finn Collins. Manifestement, elles venaient pour lui, parce qu'il était « so dark ». Charlotte se retint d'éclater de rire. Elle aussi, quand elle était ado, elle avait eu un crush pour Finn Collins. Malgré ses histoires avec les sœurs Bennet, il demeurait l'un des mecs les plus attirant de son entourage à cette époque. Bien sûr, c'était avant qu'elle ne comprenne qu'il ne voyait et ne verrait que Jane. Mais bon. C'était il y a longtemps...

Néanmoins, quand ce fut son tour d'être servie, Charlotte se surprit à jeter un œil du côté des barbecues. Ça ne ferait de mal à personne si elle le reluquait un peu, non ? Hélas, ça n'était pas Finn qui s'occupait de la viande à ce moment-là. Elle se dit que le destin était contre elle et prit sa commande sans rien demander de plus.

C'est quand elle se retourna pour rejoindre ses amies, qu'elle le vit. Il se tenait adossé au mur d'une remise derrière deux autres stands, de l'autre côté de l'allée. Il fumait en douce, en cachant son mégot derrière lui quand il exhalait la fumée.

Charlotte le trouva immédiatement extrêmement séduisant. Comme toujours. Il avait ce petit côté bad boy qui lui collait à la peau. Ce regard sombre et cet air en colère. Pourtant, il lui souriait. Ce qui était plutôt inattendu.

La jeune femme était sûre d'une chose dans la vie. Physiquement, elle n'avait rien de remarquable. Taille moyenne, cheveux châtains sans brio, yeux marrons sans éclat particulier, peau pâle, trop de rondeurs à son goût et une poitrine aussi moyenne que le reste. Ce constat fait, elle savait user d'artifices pour attirer le regard en de très rares occasions. Quand elle se sentait l'envie de plaire.

Mais là, en ce samedi après-midi, elle était engoncée dans une veste matelassée qui la boudinait un peu, et avait chaussé de vieilles baskets hors d'âge qui n'avaient rien d'élégant ou de cool. Ni la couleur de sa doudoune, qu'Elizabeth avait désignée comme un vieux reste de matelas gonflable bon à jeter, ni son jean usé, ne la mettaient en valeur. Alors, elle trouva le sourire de Finn assez inexplicable.

Lorsqu'il lui fit signe de s'approcher, elle s'exécuta, curieuse. Ils commencèrent à discuter de tout, et de rien de manière assez naturelle comme deux vieux amis. Ce qu'ils auraient sans doute pu être, si lui n'avait eu cette attirance malsaine pour Jane.

Il alluma une seconde cigarette et continua à discuter avec Charlotte, et elle s'en trouva flatter. Elle songea que, peut-être, Jane, à l'état affectif exacerbé, avait pu mal interpréter ce qui s'était passé dans l'écurie plusieurs semaines auparavant. Ou alors, que peut-être, lui, avait tenté sa chance une dernière fois avant de refermer le chapitre Jane Bennet pour toujours.

Elle-même, en cet instant, était dans un état émotionnel qu'elle n'était pas en capacité d'analyser sereinement. Le désir secret qu'il la voit enfin s'était réveillé après de longues années de sommeil. Il interprétait les gestes du jeune homme comme autant de signaux positifs. Tout comme son regard qui s'attardait sur sa bouche ou sa main qui vint mettre une boucle de cheveux derrière son oreille. C'était nouveau et en même temps assez familier. Alors lorsqu'il se pencha pour l'embrasser, comme ça, sans faire de manière. Charlotte ne s'écarta pas. Elle laissa tomber spontanément le sac avec les hot-dogs qui refroidissaient.

Sa bouche avait le goût de la bière et son haleine sentait le tabac, mais la jeune femme ne trouva pas ça désagréable. Au contraire. Elle se laissa attirer contre lui, mais ne fut pas en reste lorsqu'il parvint à glisser une main sous son pull et s'aventura vers ses seins. Ses mains à elle étaient déjà sur son torse à lui, parce qu'il ne portait pas autant de superposition de vêtements qu'elle. Le barbecue, ça réchauffait indéniablement.


Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant