New-York. Automne.
Elizabeth évoluait parmi les invités en souriant. Elle était parfaite avec sa robe ivoire et ses cheveux bouclés savamment relevés en un chignon aussi complexe qu'il paraissait naturel. Elle se sentait bien. Le stress de la cérémonie était passé. L'émotion aussi. Maintenant elle profitait de ses amis et de sa famille. En fait, elle n'aurait jamais pensé être aussi heureuse. C'était inattendu compte tenu de la folie qui l'avait habitée les mois précédents.
Elle avait eu l'impression que son existence entière lui échappait, que Fitzwilliam Darcy mettait son grain de sel partout, qu'elle ne serait plus jamais libre de rien faire sans avoir son aval ou son avis... Elle avait détesté cette période, avait annulé mille fois le mariage, trouvant que c'était beaucoup trop tôt. D'autant que ça l'était ! Et puis, pourquoi se marier ? Pourquoi entrer dans les schémas archi convenu de la société des hommes ?
Et puis, Fitz l'embrassait ou lui prouvait pas A+B qu'elle n'était pas rationnelle, que c'était sa peur qui la gouvernait. Elle revenait sur ce qu'elle avait décidé, recommençait à penser au mariage, puis trébuchait de nouveau. Un cercle sans fin. Jusqu'à ce que Jane, sa Jane, lui demande comment se sentait Fitz vis-à-vis de leur prochaine union.
Alors, Elizabeth avait pris conscience de son égocentrisme. À aucun moment, elle ne s'était posée cette question, trop focalisée sur son propre stress. Pourtant, une fois qu'elle avait ouvert les yeux, elle avait vu l'appréhension de son futur époux, et notamment quand il lui parlait de sa famille. Et quand il parlait de famille, il voulait dire sa sœur, Georgiana.
***
Fitz avait réussi à garder Elizabeth près de lui pendant un très long moment.
Toutefois, quand sa toute récente épouse et lui furent séparés par les invités pour recevoir accolades et embrassades diverses, Fitz ne put éviter qu'elle se retrouve face à sa très charmante, mais néanmoins dangereuse, sœur. Entouré par des connaissances à quelques mètres des jeunes femmes, il retint son souffle, et... le reprit aussitôt, quand il les vit se tomber dans les bras l'une de l'autre en riant, comme deux vieilles amies.
Mais qu'est-ce que c'était que cette histoire ?
***
— Je crois que ton frère est en train de faire une syncope.
— Ça lui fera les pieds à cet idiot ! Il ne nous a même pas présentée correctement !
— Je vais en entendre parler pendant longtemps... rit Elizabeth en remettant une mèche de cheveux derrière l'oreille de Georgiana. Comme de ton tailleur ! Quelle couleur affreuse !
— Tu n'imagines même pas la difficulté que ça a été d'en trouver quatre !
— On a fait une vingtaine de boutiques avant de tomber sur ces joyaux, ajouta Jean.
La brunette du groupe d'amies avait une ascendance asiatique qui lui donnait la chance de posséder de longs cheveux noirs et soyeux et des yeux magnifiques.
— Quand on a vu ce modèle, on a été aussitôt unanime ! surenchérit Jenny, une grande rousse au teint pâle.
— C'est vrai que ce ne pouvait qu'être lui. Un truc qui ne va à aucune d'entre nous, c'est plutôt rare, finit Cassy, belle blonde au physique de cheerleader.
— En tout cas, même si ça ne vous met pas en valeur, vous êtes stupéfiantes toutes les quatre !
— Ouais ! Et même que ça donne soif, dit Jenny en attrapant Cassy et Jean par le cou pour les entraîner vers le buffet.
— Elles sont vraiment uniques, tes amies.
— Tes sœurs ne sont pas mal non plus...
— Vous m'expliquez toutes les deux ? s'exclama Fitz en s'arrêtant à côté d'elle.
— Ben quoi ? Tu n'es pas content que j'apprécie ton épouse, frérot ?
— Gigi... comment ?
— Réseaux sociaux, Fitz. Réseaux sociaux. J'en étais à chercher un moyen de connaître son nom, puisque tu ne m'avais rien dit - Un prénom aussi commun qu'Elizabeth ne pouvait être un indice suffisant - quand elle m'a contacté via insta. Elle, elle savait déjà des trucs sur moi. Elle a proposé de se rencontrer.
— Mais tu étais en cure ?!
— Pas il y a un mois.
— Tu veux dire que vous vous connaissez depuis un mois et que vous ne m'avez rien dit ?
Les deux jeunes femmes échangèrent un regard. Georgiana haussa les épaules avant de s'éloigner à reculons en souriant de toutes ses dents.
— Elizabeth, gronda Fitzwilliam en se tournant vers son épouse, mécontent.
La jeune mariée ne se démonta pas. Elle attrapa le visage de son mari et l'embrassa avec fougue.
— Tu ne t'en sortiras pas aussi facilement, murmura-t-il quand elle libéra ses lèvres.
— Moi, je crois que si, répliqua Elizabeth en l'enlaçant sous les applaudissements des personnes autour d'eux.
***
— Charles ?
— Hum.
— Je suis heureuse.
Le jeune marié posa le verre qu'il tenait sur la première table à sa portée, se tourna vers sa nouvelle épouse et l'enlaça.
— Est-ce le fait d'être marié au plus bel homme de l'assemblée qui te rend si heureuse ?
— Oui et non.
— Comment ça « oui et non » ? Qu'est-ce que c'est que ce « non » ?
— Oui et non, parce que je suis effectivement heureuse d'être ta femme, mais non, parce qu'il y a autre chose.
— Autre chose ? Je savais que j'aurais dû écouter Fitzwilliam et faire un contrat de mariage.
— Idiot ! s'exclama Jane en lui donnant une petite tape sur l'épaule.
— Ah ! Ça n'est pas la présence d'un amant, alors ? Je ne supporterais pas de te partager, ma douce, dit-il en la serrant plus fort contre lui pour glisser un baiser dans son cou.
— Vraiment ?
— Vraiment.
— Alors, je vais devoir retourner le bébé que l'on m'a expédié.
— Quoi ? Tu... Tu... Tu... bégaya-t-il en s'écartant pour la tenir à bout de bras par la taille.
— Le pronom personnel ne suffit pas à faire une phrase, Charles. Il va falloir être plus explicite...
Ne parvenant pas à formuler tout le bonheur qui venait d'imploser en lui, le jeune marié embrassa de plus belle son épouse, déclenchant des applaudissements nourris autour d'eux.
***
— Je crois que Jane et Charles sont en train de nous voler la vedette. Je savais que nous n'aurions pas dû faire un double mariage, susurra Elizabeth à Fitz en l'embrassant encore.
— Ou peut-être nous offrent-ils l'opportunité de faire mieux ailleurs.
— Ailleurs ? répéta-t-elle en passant un doigt entre les boutonnières de sa chemise, le faisant frémir.
— Mlle Bennet, je vous somme d'arrêter sous peine de représailles immédiates.
Elizabeth cessa aussitôt en souriant. Mais elle n'entendait pas se priver. Pas plus qu'avant son mariage. Elle attrapa la main de Fitz et l'entraîna à sa suite en fendant la foule d'un pas aussi énergique que le lui permettaient ses talons aiguilles, et sous le gloussement continue de ceux qui avaient une idée assez précise de ce qui justifiait une telle sortie.
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Les sœurs Bennet
Chick-LitCette histoire s'inspire très librement des personnages d'"Orgueil et préjugés" de la grande Jane Austen. Pas de comparaison possible, mais un roman autour des sœurs Bennet de nos jours. Cinq sœurs, cinq cœurs en quête d'amour, cinq destins romanti...