Chapitre 45 Le pactole du pervers

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New-York. Mai. Jane.

Le directeur d'agence était arrivé dans la chambre en même temps qu'Elizabeth. Cette dernière n'avait donc pas pu ouvrir les boites trouvées par sa sœur, qu'elle tenait fermement entre ses bras. Jane avait seulement marmonné qu'elle avait besoin d'air avant de quitter les lieux sous le regard peiné de M. West, qui leur avait assuré qu'il ne louerait jamais l'appartement à Philip Newell.

À présent, les deux boites étaient posées entre les deux sœurs sur un banc de Central Park. Seul le vent venait perturber le silence. Le temps couvert avait dissuadé les promeneurs.

— On en parle ? demanda finalement Elizabeth qui n'en pouvait plus d'attendre pour connaître le contenu des boites. Il fallait que ce soit un sacré truc pour que Jane demeure mutique.

— Tu peux les ouvrir, Lizzie. Je m'en fous...

— Pas exactement. Sinon, tu ne réagirais pas comme ça.

— Je ne sais pas comment réagir, Elizabeth. C'est ça le problème, répondit Jane en lissant les plis creux de sa jupe marron glacé.

Avec son chignon à peine malmené, sa jolie veste en velours ouverte sur le pull gris que lui avait offert Lydia aux dernières fêtes de Noël, Jane était l'image même de la jeune femme moderne, mais sage. Son visage empreint de gravité lui donnait une beauté froide et inaccessible. Elizabeth n'aimait pas la voir ainsi.

N'y tenant plus, la seconde sœur Bennet ouvrit les deux boites et resta, un instant, muette de stupeur. Dans la première, il y avait de petits sachets transparents remplis de pilules colorées. Et puis des polaroids. Beaucoup. Avec des filles nues dans des poses lascives, parfois obscènes, certaines en pleine jouissance. Dans la seconde, des rouleaux de billets bien serrés et sagement alignés sur deux rangées. « Bordel ! Phil est un gros pervers doublé de quoi ? D'un mac ou d'un dealer... les deux ? » pensa immédiatement la jeune femme.

— Putain, j'aurais dû lui brûler ses cartes à cet enfoiré ! hurla Elizabeth avant de prendre un polaroid pour le tourner. Il y a même des dates et des prénoms ! Nom mais je rêve ! Je vais l'atomiser ce connard !

— Tu ne vas rien faire, Elizabeth, dit calmement Jane en refermant les boites.

— Tu ne vas pas lui rendre quand même ? s'exclama la jeune femme en voyant sa sœur pianoter sur son téléphone.

— Je vais me débrouiller, Lizzie. Tu peux repartir au boulot.

— Pas avant que tu ne m'aies dit ce que tu comptes faire.

— Je vais lui rendre ses effets personnels après en avoir fait des photos... et vérifier que je ne suis pas parmi ces polaroids...

Elizabeth rouvrit aussitôt les boites. Elle passa les photos une à une sans vergogne. Elle se fichait de la perversité de Philip Newell. Ce qu'elle voulait, c'était protéger sa sœur.

— Tu n'y es pas... mais de toute façon, tu te serais souvenu s'il t'avait photographiée pendant que...

— On ne sait jamais, répondit pensivement Jane en fixant la boite de billets.

— Ne lui rends pas l'argent. Il ne le mérite pas.

— Tu as raison. Je vais le garder. Je mentirai. Je vais le mettre en lieu sûr.

— Tu devrais le dépenser. Genre, un truc ultra cher et voyant. Une caisse ! Un super cabriolet ! Oh, putain ! Oui ! Dis oui, Jane !

Jane ne put s'empêcher de sourire à l'idée de parader devant Phil avec une voiture flambant neuve tout en affirmant n'avoir pas trouvé l'argent. La vengeance aurait été sans doute jubilatoire, et surtout, à la mesure de la colère qui s'agitait en elle, mais elle ne pouvait pas faire ça. D'abord, elle n'avait pas besoin d'une voiture. Sa vieille Ford lui allait très bien. Ensuite, elle allait réfléchir à la meilleure façon d'utiliser cet argent. Une manière plus en accord avec ce qu'elle était. Le coup de la décapotable ressemblait trop à Elizabeth.

Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant