Chapitre 38 Un homme surévalué

318 63 0
                                    

Wilmington. Mai. Charlotte.

Charlotte arriva en plein drame. La veille, elle avait prévenu Elizabeth qu'elle découchait, sans préciser avec qui elle allait passer la nuit. Finn Collins n'était pas un nom qu'on prononçait à la légère chez les Bennet. Et puis, sincèrement, elle devait bien admettre qu'elle n'était pas très fière d'elle. Elle avait l'impression d'avoir trahi ses amies.

Elle était donc entrée en songeant à comment elle allait éluder les questions. Mais la tragédie en cours lui permit de ne pas avoir à mentir. Son absence d'une nuit avait été éclipsée par la trahison de Mary. Les sœurs Bennet restantes s'occupaient de leur mère très affectée par ce qui venait de se passer.

— Tu es sûre de vouloir rester, Jane ? demanda Elizabeth.

— Au moins ce soir. Je prendrai le bus demain matin. Il faut que je soutienne maman jusqu'au retour de papa.

— Merde ! Si je n'avais pas ces fichues présentations demain...

— Hé ! Pas de panique ! Je peux me débrouiller avec les parents. Et puis, il faut ramener Charlotte...

— Ouaip ! Je suis désolée. Je bosse demain matin. Et tu sais que mon patron est assez pointilleux quand il s'agit de ponctualité.

— Ok. Prends tes affaires alors, dit Elizabeth en se levant. Maman, ça va aller ?

— Oui. Lizzie. Ça va aller. Est-ce qu'elle va vraiment partir ?

— Oui, maman. Et c'est mieux ainsi. Elle est grande, maintenant. Elle travaille. Il faut qu'elle prenne la mesure de ses choix, et surtout qu'elle les assume. Elle nous déteste. Je ne sais même pas pourquoi. Mais c'est comme ça. S'en prendre à Jane... À moi, passe encore, j'aurais pu comprendre ! Mais à Jane, maman ?! Sérieux ! C'est la meilleure d'entre nous. Ça n'est pas juste !

— Non. Ça n'est pas juste, et je ne comprends pas non plus... enfin, un petit peu.

— Un petit peu ?

— Finn Collins, dit simplement Mme Bennet en serrant ses mains sur la table en bois de la cuisine.

À ce nom, Charlotte se racla la gorge dans l'indifférence générale, heureusement.

— Elle est amoureuse de lui. C'est évident. Le retour de sa sœur, et le fait que Collins lui tourne autour, a dû la pousser dans ses retranchements.

— Mais Jane n'a jamais sollicité Collins ! Mary peut le prendre si elle veut !

— Non. Elle ne le peut pas. Mary n'est pas Jane, et Finn ne voit que Jane.

Charlotte aurait pu protester, mais s'abstint. Finn Collins ne voyait pas que Jane. Il l'avait vue elle aussi. Bon. Elle n'en était pas particulièrement fière. D'autant que sexuellement, l'affaire n'avait pas été très satisfaisante de son point de vue. Finn Collins, était un égocentrique pur jus, qui n'était clairement pas à l'écoute des désirs de sa partenaire. En gros, il n'était pas un bon coup. Il en pensait peut-être autant d'elle, même s'il avait, manifestement et bruyamment, prit son pied.

Charlotte savait qu'elle pourrait en parler avec les sœurs dans quelques temps. Quand l'histoire avec ce Charles Bingley serait moins chaotique, et que Mary aurait trouvé quelqu'un d'autre sur qui reporter ses attentions inavouées. Quand tout se serait pacifié...

***

La voiture filait, fendant les bourrasques de vent et les abats d'eau. Charlotte avait préféré prendre le volant. Elizabeth remâchait les derniers évènements de ce week-end. Accoudée à la vitre, son regard était perdu dans le paysage malmené par la météo pluvieuse. Parfois, elle émettait un grognement, témoin d'une intense réflexion intérieure, qui l'occupait toute entière.

Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant