Chapitre 36 Falsification d'identité

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Wilmington. Mai. Mary.

Après le départ contraint de Fitzwilliam pour l'aéroport – il avait lui-même un avion à prendre, mais ce serait bien passé d'accompagner les sœurs Bingley -, Charles avait rangé la maison en vue de son propre départ pour Los Angeles. Une fois que tout fut prêt, il s'installa au volant de sa voiture et resta ainsi pendant quelques minutes.

Quoiqu'en disent ou pensent ses sœurs, il ne vendrait pas cette maison et ne partirait jamais d'ici définitivement. Il avait trouvé quelque chose dans ce petit coin de monde qui dépassait le simple plaisir de prendre du repos. Et il ne s'agissait même pas de son amour pour Jane Bennet, même s'il participait de manière indéniable au bonheur qu'il ressentait d'être ici. C'était autre chose. Une sensation diffuse d'être à sa place, lui, le gars de la ville. C'était suffisamment inattendu pour qu'il ait envie de rester pour profiter.

Il attrapa son téléphone et envoya un message à Jane. Pas question cette fois de disparaître et de rester sans nouvelles pendant des semaines.

« Je suis sur le départ. J'aurais aimé te voir avant de décoller. M'autorises-tu à passer chez toi avant de quitter Wilmington ? »

La réponse ne tarda pas.

« Non »

Étonné, Charles fronça les sourcils. Quelque chose n'allait pas.

« Si tu es contrariée à cause de mes sœurs, ne t'en fais pas. Elles ne sont que mes sœurs. Toi, tu es mon amour. »

« Ne viens pas. Je ne serai pas là de toute façon. Inutile d'insister. Il n'y aura jamais rien entre nous. Tu n'es qu'un parvenu inconsistant, et ta famille ne vaut pas mieux. Et je ne parle même pas de ton meilleur ami qui est un individu de la pire espèce. Ne t'avise plus de m'approcher.»

Sans attendre, Charles tenta de téléphoner, mais la messagerie s'engagea presque aussitôt. Il démarra sans attendre et prit la direction de la ville. Rien ne pourrait l'empêcher de voir Jane pour comprendre ce qui s'était passé depuis son départ de la maison quelques heures plus tôt. Fitz ne lui avait rien dit sur le trajet qu'il avait fait avec elle. Est-ce qu'il se serait permis de... non ! Pas Fitz ! Et puis, il ne lui aurait pas montré le message d'Elizabeth, dans ce cas ! Elizabeth ! Bien sûr ! Il avait son numéro ! Elle, elle lui dirait ce qui se passait. Même si c'était désagréable à entendre, il devait savoir ! Il s'arrêta sur le bas-côté pour envoyer un nouveau message.

***

Mary déposa le téléphone de sa sœur avec un grand sourire. Une sorte de soulagement intense venait de l'envahir, et elle se sentait bien. Qui avait dit que se venger n'apportait pas de satisfaction ? Que seul le pardon apportait la paix... Mon cul ! Une basse vengeance, il n'y avait que ça de vrai !

Jane avait toujours tout eu dans la vie. Elle ne bataillait jamais comme Mary. Cette propension à être aimée de tous agaçait au plus haut point sa cadette. Cette dernière trouvait totalement injuste que tout le capital sympathie de la famille soit en grande partie accaparé par son aînée. Sans parler de la beauté et de l'intelligence. Les miettes restantes avaient été partagées entre ses autres sœurs. Que restait-il à Mary ? Un physique commun, un esprit dans la moyenne, un caractère peu commode... Elle était le caillou parmi les pépites, elle le savait.

— Mary ? Tu as vu Jane et Elizabeth ? demanda Kitty qui venait de passer une tête dans l'embrasure de la porte du salon.

— Je crois que la blonde et la brune discutent devant le garage.

— J'y vais vite, alors ! lança la jeune femme avant de disparaître. Mais sa tête réapparue exactement au même endroit. Tu sais que ce sont tes sœurs, n'est-ce pas, Mary ? Tu devrais...

— Dégage, Kit ! Je me fous de ce que tu penses !

La jeune femme ne se le fit pas dire deux fois. Elle s'empressa de courir vers la porte d'entrée qui s'ouvrit brusquement à la volée sur une Elizabeth énervée. Jane sur les talons, elle fixa Kitty pendant une seconde en plissant les yeux avant de lui demander :

— Tu sais où est le téléphone de Jane, Catherine ?

— Non ? Pourquoi, elle l'a perdu ? Tu veux que je le fasse sonner ?

— Mais non ! Elizabeth, c'est sans doute un malentendu ! Il est dans le salon ! Ne t'énerve pas comme ça... dit aussitôt Jane.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda Kitty en regardant ses deux aînées entrer dans le salon d'où Mary venait de sortir les mains dans les poches de son jean et les écouteurs sur les oreilles.

Elizabeth vit le téléphone posé sur la table basse entre les magazines de mode de Lydia et ceux de cuisine de sa mère. Elle l'empoigna et l'alluma. Jane n'avait jamais fait aucun effort concernant la sécurité de ses données. Elle se contentait du code composé de quatre zéros. « Elle est irrécupérable ! », pensa sa sœur en grommelant avant de lancer une bordée de juron digne d'un charretier du 19ème siècle. Un « Elizabeth ! » s'éleva depuis la cuisine. Mme Bennet ne tolérait aucune vulgarité dans sa maison.

— Y'avait qui dans le salon, à part Mary ? demanda Elizabeth en se tournant vers Kitty qui était entrée à sa suite.

— Personne.

— Tiens, Jane. Va attendre Charly dehors, moi j'ai quelqu'un à tuer...

Jane prit son téléphone et émit un « ohhhh » désespéré en lisant les réponses qu'avait faites Mary.


Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant