Chapitre 12 De l'importance des rencontres fortuites

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New-York. Avril. Charles et Jane.

S'il est des rencontres décisives dans l'existence de chacun, on peut aisément dire que celle-là le fut dans celle de Jane et Charles. Même si, sur le moment, ils n'en n'eurent conscience ni l'un, ni l'autre, bien sûr.

Charles Bingley, la trentaine, héritier d'un empire industriel déclinant, mais toujours vaste et prospère, avait fait le choix de s'émanciper de sa famille en montant sa propre société dans le domaine de l'informatique. Ingénieur de formation, il avait vécu entre L.A. et New-York dans deux appartements assez impersonnels, jusqu'à ce qu'il décide de se trouver un endroit qui corresponde plus à sa nature profonde éprise de liberté et de longues chevauchées. Lors d'un séjour chez des amis quelques mois auparavant, il était tombé amoureux de cette partie du monde et avait acquis assez rapidement une propriété près de Wilmington.

Sa « cabane » comme il aimait appeler cette maison de 150 m² de plein pied, était pourvue de tout le confort que l'on pouvait espérer de notre époque, de plusieurs chambres avec salle-de-bain attenantes, d'un salon ouvert sur une cuisine très bien équipée, et d'une immense véranda, dont la superficie avait permis l'installation d'une piscine et d'un espace détente appréciable. On était donc très loin du cliché de la vraie « cabane » perdue au milieu des bois.

Il s'agissait en réalité d'une belle demeure à l'architecture moderne, bâtie sur un terrain boisé, que l'on atteignait par une petite route bordée par la forêt. Du bois, de l'isolement, et de la chaleur grâce à un ingénieux système de géothermie installé par les précédents propriétaires. Mais parce qu'elle était située hors d'une zone urbaine, c'était une « cabane ».

Après en avoir fait l'acquisition et l'aménagement, il s'était empressé d'acheter un cheval et l'avait placé dans le centre équestre le mieux noté de la région : le Winter Stable, afin de vivre ce qu'il appelait « son rêve de cowboy ». Ce qui aurait fait sourire les gens du coin s'ils l'avaient su. Il y avait longtemps qu'il n'y avait plus de cowboy à Wilmington. Pas sûr, même qu'il y en ait jamais eu.

Physiquement, le trentenaire dépassait de peu le mètre 80, était blond aux yeux bleus, et disposait d'une silhouette athlétique soigneusement entretenue par des séances hebdomadaires de sport. Quand il en avait l'opportunité, Charles Bingley aimait courir. Il portait des vêtements décontractés, mais toujours très chics, conscient que l'image qu'il donnait de lui-même avait son importance en toutes circonstances.

En cet instant, dans l'écurie, légèrement décoiffé par le vent extérieur, et le sourire sur les lèvres qu'il avait généreuses, Jane le trouva particulièrement séduisant et s'étonna de l'affolement de son cœur, elle qui pensait ne plus jamais rien ressentir de ce genre, et surtout pas aussi tôt. La trahison de Philip ne datait que de deux malheureuses semaines. Tout ceci n'avait pas de sens ! D'autant qu'elle ne savait rien de ce M. Bingley, sinon qu'il avait acquis une demeure hors de prix et isolée. Sans doute était-il marié et pourvu d'une tripotée de bambins... tous aussi charmants que lui, il va sans dire.

Elle se reprit, et d'un ton qu'elle voulait neutre, se présenta en donnant une poignée de main ferme au propriétaire d'Olympus, qu'elle serait fatalement amenée à revoir régulièrement. À moins de demander à Vera et Jack de lui donner la responsabilité d'un autre cheval. Mais elle ne se voyait pas trop faire une telle requête, car cela équivaudrait à dire qu'il y avait un problème avec M. Charles Bingley. Or, il n'y en avait aucun, sinon qu'il lui plaisait physiquement de manière inappropriée aux vues de sa situation actuelle. Jane était au-delà de ça, quand même ! Elle n'était plus une gamine de 15 ans, incapable de contrôler son cœur et ses hormones. Quoique...

De son côté, Charles Bingley n'avait pas le même genre de réticence ou d'à priori. Il était simplement subjugué par Jane Bennet. Physiquement très proche de lui, puisqu'elle était blonde aux yeux bleus, il lui trouva quelque chose dont il ne disposait pas dans sa vie : la douceur.

Les sœurs BennetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant